Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine: si on écoutait son âme, on entendrait quoi ? (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Chaque semaine Thierry Fiorilli évoque un bruit. Cette semaine il revient sur la chronique « Remède à la mélancolie » qui évoque le bruit de l’âme.

Ça s’appelleRemède à la mélancolie. Le dimanche, à 10 heures, sur France Inter. Chaque fois, avant que son hôte dévoile ses ficelles pour combattre le spleen, Eva Bester demande quel bruit fait son âme. On a entendu des écoulements d’eau, des sifflements de vent, des bong, des boum, des clap, des ploc, des criic, du feu, du verre clair, des échos éraillés, des raffuts, des effleurements, des voix, des notes, des sons qui goûtent les sommets, d’autres aux haleines de gouffre.

Et la nôtre, si on allait écouter à sa porte, on entendrait quoi ? Beuh. Déjà, on n’arrive pas trop à trouver sa chambre. On a eu beau étudier plein de cartes pour pouvoir la situer, c’est comme pour les formules d’algèbre ou le nom des erreurs de syntaxe : on retient pas. Et donc on la confond encore avec l’esprit et la conscience. Avec des moments et des états, des sentiments et des pensées, le caractère et l’humeur. L’âtre et les combles.

De toute façon, elle en fait plein, des bruits. Et pas toujours les mêmes. Ça fluctue, au gré du temps, selon les événements. Il arrive même qu’il n’y en ait aucun. Un silence d’espace, de silence d’air ou d’église. Qui fait le bruit de ce qui ne fait pas de bruit mais on perçoit quelque chose, une sorte de friselis, un peu comme ‘ ? _ ` `.. ~,, ~ ° ‘. Parfois, ça écrase, on dirait qu’on entre dans un sanctuaire, ou un mémorial, ou un crématorium. Mais parfois ça transporte, on se croirait dans le désert, ou au-dessus de la vallée, ou face à la mer.

Graves expressions

C’est bizarre en tout cas comme on se fait grave, dès qu’il s’agit de l’âme. Presque toutes les expressions et les circonstances qui l’invitent lui imposent le crêpe noir à l’habit :  » vague à l’âme « ,  » à fendre l’âme « ,  » comme une âme en peine « ,  » rendre l’âme « ,  » vendre son âme « ,  » les tréfonds de l’âme « ,  » la mort dans l’âme « ,  » pas âme qui vive « … Ça rigole pas, ce truc. Même marié à du pas forcément lugubre : les âmes sont sensibles ? Qu’elles s’abstiennent ! Corps et âme mêlés ? Ne roulez pas dans le foin, inclinez-vous devant ce sacrifice !

Et si on convoque en plus la conscience, rangez les mandolines ! Et écoutez cette sonnerie martiale.  » J’ai décidé, en âme et conscience.  »  » Je vous le demande, en votre âme et conscience.  »  » Je laisse chacun voter en son âme et conscience.  » Une façon d’annoncer la douleur, d’avertir qu’on ne vous le répétera pas deux fois et d’admettre que l’enjeu est lourd. Une façon aussi de suggérer que, d’ordinaire, on décide à l’emporte-pièce, on sollicite distraitement et on considère la liberté comme l’exception.  » Ici, tu suis les consignes, okay ? T’as accepté les règles en t’affiliant. En âme et conscience.  »

Un peu comme dans ces affaires où des hommes très riches et très puissants consomment, en meute, des filles très pauvres et très jeunes. Quand les orgies sont révélées, ils crient toujours fort, pour couvrir la voix de leurs proies :  » Elles étaient consentantes ! On les payait ! Elles le faisaient en âme et conscience !  »

Et on les voit tout mélanger, ces types, encore plus que nous : l’âme, la conscience, la norme, la moralité, la contrainte. Avec, autour, qui allument le broyeur, l’omnipotence, l’impunité, le marchandage, le calcul, le mépris, l’inhumain.

Et ça fait un vacarme glaçant.

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