Lancement des consultations médicales vidéo: bonne ou mauvaise nouvelle?

Stagiaire Le Vif

Des consultations médicales en ligne et à la demande: c’est la promesse de Doktr, la nouvelle application de Proximus prévue pour juin prochain. Le point sur les avantages et inconvénients de ces « consultations smartphone » avec Ariane Peters, chargée de communication à la Société scientifique de médecine générale.

En 2020, selon l’Absym, l’association belge des syndicats médicaux, 10% de l’ensemble des consultations médicales ont été réalisées à distance. Face à ces chiffres, l’Inami a décidé de permettre le remboursement des consultations par télémédecine dès la première vague de l’épidémie. En proposant un service d’échange patient/médecin entièrement numérique, Proximus a pris les devants et espère s’imposer en tant qu’acteur de cette révolution des consultations médicales.

Quels médecins disponibles sur l’application ?

L’application sera lancée en juin par Proximus. Ce sera la première fois qu’un opérateur de télécoms se lance dans l’E-Santé. Les patients pourront gratuitement consulter par vidéo un médecin généraliste pour bénéficier des soins primaires de base. Pour s’inscrire, pas besoin d’être client Proximus, il suffit d’être enregistré auprès d’une mutuelle belge. La connexion à l’application se fera via Itsme et un module de paiement sera intégré au système. L’Inami s’est engagée à rembourser cinq consultations par mois.

« Cela ne concerne pas tous les médecins traitants » insiste Ariane Peters, chargée de communication à la SSMG, Société Scientifique de Médecine générale (SSMG). Au lancement de l’application, seuls certains médecins agréés par l’Inami seront consultables, l’opérateur n’ayant pas encore ouvert l’application à l’ensemble du corps médical de première ligne. Dans le futur, l’application devrait être ouverte à tous les médecins généralistes qui souhaitent s’inscrire. La chargée de communication estime que Proximus reste très évasif par rapport au choix des premiers praticiens présents sur Doktr.

Ce jeudi 20 mars, Frank Vandenbroucke (Vooruit), ministre de la Santé, s’exprimait au sujet de l’application en réponse à une question parlementaire. Il a assuré ne pas avoir apprécié l’initiative de Proximus qu’il juge de « prématurée ». « Des discussions étaient en cours, mais des éléments devaient encore être clarifiés » regrette le ministre.

Conserver les relations patient/médecin

La SSMG confie son inquiétude quant à l’aspect « opportuniste financier » de ce projet, en dépit de l’aspect « qualitatif » qu’il promet.

Ariane Peters rapporte que, mis à part l’Inami, les gouvernements fédéral et régionaux, les mutualités et l’Ordre des médecins, aucun des « réels acteurs de terrain n’ont été consultés », que ce soient les syndicats, le collège de médecine générale ou encore la SSMG. Selon la chargée de communication, l’opérateur télécom aurait sauté sur l’occasion de la digitalisation des soins de santé pour s’imposer comme leader dans le secteur de l’E-santé.

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« La demande ne vient pas des généralistes »

Ariane Peters insiste, la SSMG n’est pas du tout contre les évolutions numériques, encore moins lorsqu’elles permettent d’améliorer les relations entre médecins traitants et patients. Par exemple, l’application pourrait combler un besoin dans les zones reculées et éloignées géographiquement de centres ou cabinets médicaux.

Il ne faut pas que Dokr déshumanise le rapport des patients avec les généralistes, insiste la chargée de communication. « Cela fait des années que le corps médical travaille à la construction d’une relation durable entre un médecin et son patient » déplore Arianne Peter. Une relation qui risque, selon elle, d’être dénaturée par le projet. Sur Doktr, le choix du médecin serait aléatoire. Le patient ne pourrait donc pas choisir le praticien qu’il souhaite consulter. Le généraliste que l’utilisateur aura consulté la veille ne sera pas forcément celui qu’il aura en consultation de suivi les jours suivants.

La téléconsultation comme complément à la consultation physique

« Doktr ne remplacera jamais une consultation physique classique, c’est un complément » insiste Ariane Peters. Certaines indications, comme l’auscultation ou la prise de paramètres, nécessitent un contact. Dans le cadre de problèmes psychologiques, en général accentués par la crise épidémique actuelle, elle insiste sur l’importance du face à face. Sur le même ton, le ministre de la Santé insistait hier auprès du Parlement pour que ces téléconsultations ne soient pas utilisées pour des consultations inopinées, mais plutôt dans le cadre d’un suivi du dossier médical par le généraliste.

La téléconsultation est idéale pour des consultations primaires, comme les rhumes ou des toux, « cela fait gagner du temps aux deux parties ». La consultation à distance peut également être un soulagement pour les patients qui suivent un traitement sur le long terme et ont besoin de prescriptions médicales de façon récurrente, ajoute Ariane Peters. Par exemple, la plupart des femmes de moins de 30 ans sont sujettes à des cystites chroniques (infections urinaires). Le traitement n’étant disponible que par prescription médicale, « dans ce cas-là, la téléconsultation s’adapte parfaitement ».

Même constat pour les personnes géographiquement éloignées des centres ou des cabinets médicaux. La téléconsultation peut constituer un premier contact et permettre de lancer le début d’un traitement médical.

Plus de plages horaires ?

Les médecins devront définir eux-mêmes les heures durant lesquelles ils sont joignables. « Cela fait partie des gros avantages de l’application affirme la chargée de communication. Reste à établir si la demande sera bien présente et que les médecins ne bloquent pas des créneaux « pour rien ». Proximus devra donc trouver un système pour faire correspondre les disponibilités des praticiens à celles des patients.

Et les données des patients ?

Proximus assure que les conversations textuelles seront conservées 48 heures avant d’être effacées, tandis que les communications vidéo ne feront pas l’objet d’un enregistrement. « Ça, c’est ce qui est dit, mais nous n’en avons pas la garantie », s’inquiète Ariane Peters. Elle se rappelle l’affaire des données des clients récoltées par Proximus.

À quel prix ?

Tant que le système mis en place par l’Inami dans le cadre de la crise Covid pour les consultations téléphoniques reste en vigueur, le service de téléconsultations sera gratuit et directement facturé à la mutuelle du patient. Pour le moment, l’Inami n’a créé qu’un seul code de « consultation téléphonique ». « Quand le système spécial Covid prendra fin, Proximus devra demander un nouveau cadre légal » explique Ariane Peters. L’Inami devra actualiser le code des consultations téléphoniques en créant un nouveau code pour les téléconsultations.

Pour l’instant, étant donné le nombre assez réduit de médecins inscrits sur l’application, « la consultation sera facturée avec le code de la consultation téléphonique », conclut la chargée de communication.

Analle Lucina.

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