Kamila Valieva peut se prendre la tête en main. De quoi seront faits ses Jeux d'hiver dans les prochains jours ?

La trimétazidine, cette molécule au coeur de l’affaire Valieva

Le Vif

La trimétazidine, qui place la patineuse russe Kamila Valieva au coeur d’une retentissante affaire de dopage en plein JO-2022 de Pékin, figure depuis 2014 dans la liste des interdictions de l’Agence mondiale antidopage (AMA): à quoi sert-elle normalement et a-t-elle un effet dopant ?

Pourquoi un médecin prescrit-il cette molécule ?

La trimétazidine, qui a reçu une autorisation de mise sur le marché en France en mars 1978 d’abord sous forme de comprimés, puis sous forme d’une solution buvable sous le nom de Vastarel produite par le laboratoire Servier, est prescrite en cas d’angine de poitrine.

Sa posologie est d’un comprimé de 20 mg trois fois par jour, un comprimé de 35 mg matin et soir, ou 3 ml (60 gouttes) en trois prises.

L’angine de poitrine se manifeste « quand les artères coronaires sont bouchées: on fait un effort, on a une douleur dans la poitrine et c’est la même douleur que quand vous avez une angine – cela vous serre au niveau de la gorge -, là c’est au niveau de la poitrine », explique à l’AFP François Carré, cardiologue au CHU de Rennes.

Mais pour Mathieu Molimard, professeur de pharmacologie à l’université de Bordeaux et chef du service de pharmacologie médicale et clinique au CHU de Bordeaux, la trimétazidine est « un vieux produit, peu ou pas utilisé actuellement ».

Quelle est son efficacité ?

Le Vastarel est peu prescrit en France.

« Cela a été essayé il y a 20, 25 ans et on a laissé tomber car cela n’avait aucun intérêt (…) Aujourd’hui c’est un médicament qui, dans les recommandations des sociétés savantes, n’apparait jamais », confirme François Carré.

En octobre 2011, la commission de transparence de la Haute autorité de santé a rendu un avis défavorable sur le « service médical » rendu par cette molécule, « compte tenu d’une quantité d’effet faible dans le traitement de l’angine de poitrine ».

Dans ses conclusions, ce rapport pointe « des risques de survenue d’événements graves associés à l’utilisation de la trimétazidine [manifestations neurologiques –symptômes parkinsoniens et troubles moteurs apparentés, vertiges, malaises et chutes–, potentiel immuno-allergiques –atteintes cutanées– et troubles hématologiques –thrombopénies– source d’une morbidité préoccupante notamment chez le sujet âgé ».

A-t-elle un effet dopant ?

Amélioration de la circulation sanguine ou stimulant, « on ne connaît pas très bien les effets à visée dopante », balaye François Carré, cardiologue au CHU de Rennes, alors qu’aucune étude scientifique n’a jamais mesuré de tels effets et élucidé leurs mécanismes.

Une certitude: on est loin des produits dopants les plus employés, depuis la testostérone jusqu’au cocktail de stéroïdes utilisé par les Russes lors du rocambolesque scandale des JO-2014 de Sotchi, en passant par l’EPO impliquée dans les disciplines d’endurance.

L’inscription de la molécule sur la liste des interdictions de l’AMA, d’abord dans la catégorie des « stimulants » en 2014, puis un an plus tard dans celle des « modulateurs hormonaux et métaboliques », fait toujours débat.

Facilement détectable, comme l’a montré en 2014 une étude polonaise, la trimétazidine s’accompagne de risques de « troubles de la marche », « chute » et « hallucinations », qui « ne semblent pas être de nature à favoriser un usage chez les sportifs, estimait fin 2020 le pharmacien et toxicologue Pascal Kintz.

Une étude russe publiée en janvier 2021 dans l’Asian Journal of Sports Medicine relevait « un manque de preuves » à l’appui de l’interdiction par l’AMA de la trimetazidine comme du meldonium, du xénon ou du cobalt.

« En tout cas une gamine de 15 ans n’a jamais besoin d’un médicament comme ca, ce n’est pas possible », insiste François Carré.

Y-a-t-il des précédents de dopage à la trimétazidine ?

La Russe Nadezhda Sergeeva, qui participait à l’épreuve de bobsleigh à deux, a été contrôlée positive durant les Jeux de Pyeongchang. Mais en octobre suivant, le TAS avait annulé sa suspension, car son contrôle positif résultait d’un « produit contaminé ».

Son cas rappelle celui de la nageuse américaine Madisyn Cox qui, en septembre 2018, a obtenu une réduction de sa suspension de deux ans à six mois après avoir prouvé la contamination accidentelle à la même molécule, via un complément alimentaire.

Le lutteur français Zelimkhan Khadjiev avait été contrôlé positif en 2019 et suspendu quatre ans pour dopage en juillet 2020. Il avait saisi le TAS, en contestant les bases scientifiques de la liste de l’AMA sans obtenir satisfaction.

Selon le docteur Jean-Pierre Mondenard, spécialiste du dopage cité comme témoin et interrogé l’an dernier par l’AFP, « un type a pris quatre ans pour un produit qui ne fait pas avancer un escargot ».

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