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La nonchalance « je-m-en-foutiste » est-elle l’avenir de l’homme ?

Muriel Lefevre

Noyés par une agitation trop souvent vaine, ils sont de plus en plus nombreux à aspirer à une certaine nonchalance, à rêver d’instaurer la glande comme unique art de vivre et de faire de la paresse l’ultime astuce de survie. On les appelle les adeptes du « Dudéisme », du « Nesting » ou encore du « schlague. » Ou plus simplement: des feignasses qui s’assument.

Dans une société où chaque instant doit être productif, ou du moins rempli, l’art consommé de la flemme n’est plus qu’un lointain souvenir. Au point que la simple idée que l’on puisse se perdre dans l’espace-temps depuis son canapé, emporté par quelques contemplations futiles, a tout de l’hérésie.

Être une feignasse sans honte ou la glande assumée

Flemmarder en ne faisant rien d’autre que de siroter sa boisson, s’émouvoir d’un pli dans la moquette, manquer d’entrain pour se lever et prendre la télécommande ou encore procrastiner à foison sont autant de façon d’ériger la glande comme un art de vivre.

Ce n’est pas que ces personnes ne soient intéressées par rien, non, elles sont « relax ». Elles prennent les choses avec désinvolture, détendue du ce qu’on veut. Elles nourrissent leur tranquillité d’esprit en étant d’accord avec ce qui est. Ou pour reprendre la maxime d’adieu de Patrick Poivre d’Arvor: « Ce qui ne peut être évité, il faut l’embrasser ».

Des envieux

Selon un sondage réalisé sur 12 000 personnes interrogées dans une dizaine de pays, 80% d’entre elles souhaitent ralentir.

La nonchalance
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« Le capitalisme s’est emparé des individus en les contraignant à faire de plus en plus de choses à l’heure », constate Vincent Kaufmann, professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne dans Le Temps.

Or, nous serions donc de plus en plus nombreux à nous rebeller en faisant fi de l’adage qui veut que « le temps, c’est de l’argent. » Un mode de vie particulièrement prisé par le Dudeisme. Un mouvement qui pour certain serait même une religion agnostique et libertaire. Le Dudéisme peut se définir par une attitude relâchée et non consumériste. L’une de ses incarnations les plus connues se retrouve dans le personnage de Dude dans The Big Lebowski, film de Joel et Ethan Coen sorti en 1981.

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Une philosophie de vie dans lequel se retrouvent également les adeptes du nesting, ou l’art de rester tranquillement chez soi le week-end. Leur idéal ? Se reposer chez soi, souffler et laisser à leur porte le tumulte du monde.

Autre tendance : le ou la « schlague ». Un terme qui a plusieurs sens et qui à l’origine désignait en allemand « un châtiment qui consistait en coups de baguette sur le dos du fautif », selon la définition du Larousse. Si le mot signifie toujours « se faire obéir d’une façon brutale », il est également rentré dans le langage des « jeunes » dit le magazine Marianne, comme un « terme péjoratif » qui décrit quelqu’un d’un peu « à la ramasse », qui ne fait pas grand-chose de sa vie. Si le terme n’est pas flatteur, cela n’empêche nullement certains de s’en faire l’étendard.

Ralentir, les vacances mentales

Un mouvement commencé au milieu des années 80, dans les assiettes avec la Slow Food et qui s’est depuis étendu à pratiquement tous les domaines. Depuis on a redécouvert le Slow Sexe et la Slow Consommation. On notera au passage que le chemin est long puisqu’on estime, par exemple qu’une Européenne achète environ 30 kg de textile par an. Il y a aussi la Slow éducation: exit les parents « parents hélicoptères », qui planent au-dessus des enfants projetant angoisse et surchargeant d’activités. On n’oubliera pas non plus la Slow TV ou encore le Slow Tourisme.

Sénèque, Rousseau, Lafargue ou Russell défendent l’oisiveté

Selon le journaliste Tom Hodgkinson, l’attitude culpabilisante envers une certaine nonchalance « nous empêche de mener une vie selon nos désirs », explique-t-il dans L’Art d’être libre dans un monde absurde. Mais il n’est pas le seul.

Pour Sénèque l’oisiveté (« otium », en grec) n’est pas un vilain défaut précise France Culture. Au contraire cela permet un exil de la pensée qui offre l’occasion de méditer sur soi-même, sur les autres et sur le monde. C’est même le privilège du sage qui sait vivre en autarcie.

Chez Rousseau, la paresse s’inscrit dans la nature de l’homme. Cette « délicieuse indolence » serait notre ultime désir, notre passion naturelle la plus forte après la conservation de soi. Ce ne serait que « pour parvenir au repos que chacun travaille : c’est encore la paresse qui nous rend laborieux. »

Chez Lafargue, c’est un droit. Le travail devrait seulement être « un condiment de plaisir à la paresse » et ne devrait nous occuper que trois heures par jour. Ce serait la paresse qui devrait être considérée comme la norme. Chacun devrait avoir le droit d’user de sa propre personne à des fins désintéressées.

Pour Russell, dans son Eloge de l’oisiveté, les heures passées à se prélasser seraient les seuls véritables instants de bonheur. La morale du travail serait comme « une morale d’esclave », or « le monde moderne n’a nul besoin d’esclaves ».

La frugalité comme parade

Pour se détacher de la tyrannie du travail « forcé », l’une des options serait la frugalité ou encore la décroissance. Une tendance qui nous rend moins dépendants des finances et permet de reprendre le contrôle de sa vie. Ou autrement dit: celui qui n’a pas besoin de beaucoup, peut se contenter de peu.

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