La Commission européenne s’attaque aux pénuries de médicaments

La Commission européenne propose une réforme visant à contraindre les entreprises pharmaceutiques à se prémunir contre les pénuries qui touchent les Vingt-Sept, mais aussi les encourager à développer de nouveaux antibiotiques et à lancer leurs médicaments dans l’ensemble de l’UE.

Les ruptures de stock ou tensions d’approvisionnement sur les médicaments, particulièrement criantes pendant la pandémie de Covid-19, ont notamment touché des antibiotiques largement prescrits comme l’amoxicilline, mais également le paracétamol ou encore récemment la pilule abortive en France.

« Durant la dernière décennie, les pénuries signalées de médicaments, notamment d’antibiotiques, ont grimpé en flèche pour se chiffrer en dizaines de milliers », a rappelé la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, en dévoilant une révision de la législation actuelle, vieille de 20 ans. 

Très attendue et plusieurs fois reportée, cette réforme a suscité un intense lobbying de l’industrie pharmaceutique. « Les entreprises devront signaler les potentielles pénuries plus tôt et avoir des plans de prévention pour leurs médicaments », a poursuivi Mme Kyriakides.

Bruxelles prévoit de dresser d’ici la fin de l’année une liste de médicaments essentiels, qui pourra ensuite servir de base à une obligation de constituer des stocks.

Les pénuries de médicaments, sont liées à plusieurs facteurs, dont la concentration de la production des principes actifs dans quelques pays asiatiques, notamment la Chine et l’Inde.

La proposition ne résoudra pas l’ensemble du problème, reconnaît un haut fonctionnaire de la Commission, soulignant les mesures présentées par ailleurs par Bruxelles pour sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques et attirer la production industrielle en Europe.

La réforme entend aussi rendre les médicaments plus abordables, en favorisant l’arrivée des génériques et en obligeant les laboratoires à plus de transparence sur les fonds publics reçus pour la recherche et développement.

Pas de « citoyens de 2e classe »

Elle réduit de dix à huit ans la période garantie de protection des données et d’exclusivité commerciale sur un médicament, pendant laquelle la mise sur le marché de génériques, moins chers, est impossible.

L’UE espère de cette façon contribuer à faire baisser les prix des médicaments. Elle n’a toutefois pas la compétence de fixer ces prix: ils sont du ressort des autorités nationales, dans le cadre de négociations avec l’entreprise commercialisant le médicament, de même que les taux de remboursement. Mais les entreprises pourront prolonger leur droits d’exclusivité de deux ans si elles lancent leurs médicaments dans tous les Etats membres. 

Une façon de s’attaquer aux inégalités d’accès dans l’UE: si les patients des Etats membres de l’Ouest et les plus  peuplés ont accès à 90% des nouveaux médicaments, ce chiffre n’est que de 10% dans des petits pays de l’Est, souligne Stella Kyriakides. « Nous ne pouvons pas avoir des citoyens de première et deuxième classes », a-t-elle dit.

Des délais supplémentaires seront accordés aux fabricants de médicaments correspondant à des « besoins de santé non satisfaits » ou capables de traiter d’autres maladies notamment, ce qui pourra permettre aux entreprises répondant à tous les critères d’avoir jusqu’à 12 ans d’exclusivité, contre 11 actuellement. Pour les maladies rares, la durée pourra s’étendre jusqu’à 13 ans, contre 10 actuellement.

Autre défi de taille auquel la législation veut répondre: la résistance aux antibiotiques, qui fait chaque année dans l’UE quelque 35.000 morts. 

Pour lutter contre cette menace croissante et encourager le développement de nouveaux antibiotiques -qui s’avèrent peu lucratifs puisqu’ils sont voués à un usage modéré-, la Commission propose un système controversé de bons d’exclusivité transférables.

Il s’agit de permettre à une entreprise, en échange du développement d’un nouvel antibiotique, d’étendre d’un an la durée pendant laquelle elle a l’exclusivité sur la vente d’un autre produit plus rémunérateur, ou de revendre ce bon à une autre compagnie. 

L’idée, qui avait fuité il y a quelques mois, avait suscité les réticences de la moitié des Etats membres (dont la France, la Belgique et les Pays-Bas), qui la jugeaient trop onéreuse pour les systèmes de santé. Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a aussi dénoncé une telle perspective.

Bruxelles prévoit aussi des procédures d’autorisation de mise sur le marché plus rapides et plus simples, comme celles qui ont été appliquées aux vaccins anti-Covid. 

La durée d’évaluation par l’Agence européenne des médicaments (EMA) sera réduite à 180 jours, contre une moyenne qui s’établit actuellement à 400 jours.

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