Le chant des oiseaux fait partie des sons qui nous font du bien. © GETTY IMAGES

Et si on prenait un bain de sons?

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

C’est prouvé: l’exposition prolongée au bruit affecte notre santé. Pour faire barrage au stress et à l’anxiété, on peut faire appel à la nature et à ses sons thérapeutiques.

Et puis, un jour, on a baissé le volume… C’était il y a un peu plus d’un an: les Belges étaient assignés à résidence et le pays tournait au ralenti à cause de ce satané virus. Dans les villes, les bruits de klaxons, d’avions, de moteurs et d’engins de chantier avaient diminué en intensité et les citadins s’étaient remis à tendre l’oreille, surpris d’entendre à nouveau le chant des oiseaux et le bruissement des arbres.

La nuisance sonore, personne ne le conteste aujourd’hui, affecte notre santé et notre moral. « Ce n’est pas tant un certain son qui a un effet négatif sur notre bien-être, mais ce que nous considérons comme du bruit: le son doit être indésirable pour être considéré comme un bruit et cela peut différer d’une personne à l’autre, décrit Ann Desmet, psychologue de la santé et professeure à l’ULB. Nous sommes surtout ennuyés par les bruits intenses, imprévisibles et incontrôlables. Le bruit chronique augmente le stress physiologique, la pression artérielle, réduit l’attention, la concentration et la mémoire. Il conduit aussi à une motivation réduite pour effectuer des tâches au travail ou à l’école et peut augmenter les émotions négatives et l’agressivité. »

Beaucoup de gens ne découvrent les bienfaits des sons de la nature que quand ils tombent malades.

Pourtant, si certains sons peuvent nous taper sur le système, d’autres au contraire nous font le plus grand bien. C’est ce que démontre une méta-analyse publiée récemment dans la revue scientifique Pnas par des chercheurs canadiens. Les bruits de la nature, tels que ceux que l’on peut entendre dans les grands parcs nationaux américains, améliorent la santé et réduisent le stress et l’anxiété. Les chercheurs ont pu mettre en évidence quelques effets concrets de l’exposition à un environnement acoustique réparateur, soit là où les sons anthropiques sont les plus faibles, comme la diminution de la douleur, l’augmentation des performances cognitives et une amélioration de l’humeur. Des « sons », mais lesquels? Ceux qui, justement, ne sont pas produits par l’homme. Ils peuvent être de source géophysique comme le vent ou la pluie ou de source biologique comme le chant des oiseaux.

La nature, sous toutes ses formes

Ces derniers mois, de nombreux professionnels de la santé ont incité les confinés à bout de nerfs à prendre l’air près de chez eux et à se reconnecter à la nature. Bien sûr, la forêt de Soignes n’est pas le parc Yosemite mais le chant de la nature qui émane de nos bois, nos forêts et nos campagnes est tout aussi bénéfique. « Différentes formes d’exposition à la nature ont été associées à un meilleur bien-être émotionnel, une plus grande résilience, une meilleure humeur, mais aussi à des cas plus faibles de troubles mentaux tels que la diminution des symptômes de stress, les troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention et la dépression, poursuit Ann Desmet. La nature est ici considérée très largement. Beaucoup de gens qui ont une petite fontaine sur leur terrasse peuvent reconnaître l’effet apaisant du son de l’eau qui coule. »

La musique a une capacité à stimuler notre fonction cérébrale.
La musique a une capacité à stimuler notre fonction cérébrale.© GETTY IMAGES

Professeur de neurologie à l’ULiège et auteur de La Méditation, c’est bon pour le cerveau (éd. Odile Jacob, 2019), Steven Laureys mène depuis plus de vingt ans des recherches sur les états de conscience. Selon lui, le monde scientifique a mis du temps à admettre que des voies complémentaires aux médicaments et à la médecine de pointe pouvaient soulager certains patients. « Avec la Covid, les gens ont ressenti le besoin de se sentir plus proches de la nature. Des études démontrent en effet les bienfaits d’une balade en forêt ou dans un parc. Au Japon, par exemple, les médecins n’hésitent plus à prescrire des bains de forêt à leurs patients dans le cadre de sorties organisées. De façon plus générale, on constate que le patient a besoin d’être pris en charge en tant qu’être humain dans son ensemble. On sait que la nature nous fait du bien et qu’il est aujourd’hui nécessaire d’investir davantage dans la prévention des maladies. Or, beaucoup de gens ne découvrent les bienfaits des sons de la nature que quand ils tombent malades. »

Ann Desmet confirme cet intérêt croissant pour l’utilisation des promenades dans la nature comme aide thérapeutique. « Pour les personnes qui ont des niveaux plus élevés de problèmes de santé mentale, le contact avec la nature est souvent fourni en combinaison avec un programme qui leur donne un but et leur permet de s’accomplir – par exemple en prenant soin d’animaux ou de plantes – et facilité par un thérapeute qui peut renforcer leur sentiment d’autonomisation. » On peut aussi se connecter à la nature en utilisant les applis dédiées à la méditation ou à l’écoute des sons mais l’expérience immersive sera évidemment moins intense, soulignent les deux professionnels de la santé. Les autres éléments visuels tout comme l’air frais ont leur importance. « C’est le fait de les vivre tous, via tous nos sens, qui a le plus grand effet », conclut Ann Desmet.

Beethoven ou AC/DC pour stimuler les patients dans le coma

Le neurologue Steven Laureys (ULiège) et son équipe de chercheurs ont mené d’importants travaux sur la neurologie de la conscience et le coma. Ils ont mis en évidence que la musique, stimulus hautement émotionnel, pouvait modifier la connectivité fonctionnelle du cerveau chez les patients atteints de troubles de la conscience. L’ expérience, menée sur cinq patients, a démontré que l’exposition à leur musique préférée pouvait avoir des effets sur le réseau auditif, impliqué dans la perception du rythme et de la musique, et sur les régions cérébrales liées à la mémoire autobiographique. L’ équipe de chercheurs ne s’est pas arrêtée là. Elle a voulu déterminer si ces effets sur l’activité spontanée du cerveau dépendaient du niveau de conscience. Des patients postcomateux et des patients témoins sains ont ainsi été évalués par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (technique permettant de repérer si certaines zones du cerveau sont stimulées) au repos et au contact de la musique. Les résultats montrent que la musique semble déclencher des changements de connectivité plus importants que le repos. Ce qui confirme une capacité potentielle de la musique à stimuler la fonction cérébrale des patients, conclut l’étude.

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