Une femme sur dix est touchée par l'endométriose. La couleur jaune quant à elle représente le combat contre l'endométriose. © Laura Lequeu

Endométriose: pourquoi il est temps d’en parler

Antoine Denis Journaliste

Dans le monde, environ une femme sur dix est atteinte d’endométriose. Pourtant, le diagnostic très tardif arrive fréquemment après de nombreuses fausses pistes et maladresses médicales. Une situation très compliquée qui peut amener à un mal-être psychologique.

Pour comprendre ce qu’est l’endométriose, il faut se souvenir de quelques notions de sciences. L’association française de lutte contre l’endométriose donne une définition assez claire de ce qu’est cette maladie. « Au cours du cycle menstruel, l’endomètre s’épaissit en vue d’une potentielle grossesse, et s’il n’y a pas fécondation, il se désagrège et saigne. Ce sont les règles. Chez quasiment toutes les femmes, des cellules vont remonter et migrer via les trompes et se disperser dans l’abdomen. Mais le système immunitaire s’organise pour détruire ces cellules qui ne se trouvent pas là où il faut. Or chez 10 % des femmes, le tissu endométrial qui se développe hors de l’utérus n’est pas détruit et se greffe sur les organes et provoque alors des lésions, des adhérences et des kystes ovariens, endométriomes. C’est là que cela devient une « endométriose »« .

Cette maladie met en moyenne 7 ans à être dépistée. Avant d’obtenir un diagnostic, les femmes atteintes doivent donc souvent subir des traitements inadéquats ainsi qu’énormément de remarques déplacées.

Un parcours du combattant

Sarah était atteinte d’endométriose depuis plusieurs années, mais elle ne le savait pas. Afin de mettre en lumière le processus que beaucoup de femmes vivent, elle a accepté de nous livrer son témoignage. « En gros on m’a fait passer pour une tarée en me disant que c’était psychologique. J’ai eu droit à des histoires comme quoi j’étais allergique à mon copain. On m’a aussi dit que je faisais des infections urinaires. Moi je le croyais et je me suis gavée d’antibiotiques pendant 5 ans. Puis un jour je suis allé voir un urologue qui m’a parlé pour la première fois de l’endométriose. Évidemment j’ai pleuré. Je suis ensuite allé voir sa collègue gynéco qu’il m’avait recommandée. Quand je suis arrivée dans son cabinet, elle m’a dit que son collègue en question, l’urologue, était incompétent, que je n’avais rien et que c’était dans ma tête« .

À ce moment-là, Sarah avait un peu abandonné l’idée de se soigner et s’est dit qu’on ne trouverait jamais d’où provenaient ses souffrances. Malgré tout, « cette gynéco m’a quand même prescrit un traitement de 3 mois à 200 euros et non remboursé. Ce traitement-là c’était un traitement pour mes supposées infections. Je l’ai pris et évidemment je ne vois toujours aucun résultat. Un jour j’ai commencé à avoir des douleurs absolument atroces, des saignements horribles. Du coup ma mère m’a gueulé dessus et m’a emmené encore une fois à l’hôpital. Et là, on m’a dit d’aller directement à Érasme où il y a plus de médecins spécialisés. Donc j’y suis allé, je suis tombé sur un gars pas du tout sympa, qui me disait que je n’avais rien, que c’était encore une fois dans ma tête et que c’était normal d’avoir mal quand on avait ses règles. »

L’histoire continue car « pour être totalement sûr, il veut quand même me faire passer une échographie. Je passe à l’échographie et à ce moment, la dame parle avec son assistante et lui balance « ah tu vois, là c’est de l’endométriose et c’est un vrai carnage« . Du coup je sors de là en larmes et je retourne voir le médecin quelques semaines plus tard et il me dit : « ok on va opérer dans deux semaines« . Oui mais opérer de quoi, comment, pourquoi ? On ne m’a rien expliqué. Le jour de l’opération, tout se passe bien. Et après l’intervention le médecin me sort : « elle était toute petite, je ne vois pas pourquoi ça faisait mal ». »

Pour elle, « le plus gros problème de cette maladie, c’est le dialogue autour. Beaucoup de médecins ne l’envisagent même pas. Pourtant, le diagnostic est assez simple en réalisant une IRM ».

Les symptômes de l’endométriose :

  • Douleurs pendant les règles (dysménorrhée)
  • Douleurs pendant les rapports sexuels
  • Troubles urinaires
  • Troubles digestifs
  • Fatigue chronique
  • Trouble de la fertilité

Attention, environ 30 % des femmes sont asymptomatiques et/ou n’ont qu’un seul symptôme.

De la positivité et du soutien grâce à une ASBL

Laura Lequeu est aussi passée par un parcours similaire à Sarah. C’est pour cette raison qu’à 21 ans seulement, elle a lancé son ASBL « Toi mon endo « .

« Ce qui m’a poussé à créer cette ASBL, c’est le fait que je me sois sentie hyper seule quand j’étais en train de trouver des mots pour maux. Je voulais créer un espace, une famille, pour toutes ces filles qui se sentent seules comme je l’ai été. »

Pour comprendre la motivation Laura, il faut aussi se plonger dans son parcours. Dès ses premières règles à l’âge de 13 ans, une douleur intense était présente « sauf que la société nous a vraiment appris qu’avoir mal pendant ses règles c’est normal donc je ne me suis jamais réellement inquiétée. Pourtant moi, je m’évanouissais à cause de la douleur. On ne m’a jamais dit qu’il faudrait que je consulte. »

C’est seulement à ses 19 ans que Laura a « commencé à avoir aussi de grosses douleurs pendant mes rapports sexuels à tel point que j’ai préféré ne plus en avoir du tout. C’est là que j’ai consulté un gynéco et il m’a dit que c’était certainement une mycose. J’ai fait le test nécessaire et évidemment je n’avais rien du tout. Il m’a alors dit que j’avais sûrement un blocage et que je devrais réessayer. Ce que j’ai tenté mais ça n’allait pas mieux ! »

Au total elle a vu huit gynécos en trois mois, autant des femmes que des hommes, qui lui ont déclaré que « que c’était mon corps qui rejetait mon copain parce qu’au fond de moi je ne l’aimais pas et que mon corps voulait me le faire savoir. On m’a fait croire que, vu que je saignais pendant et après chaque rapport, je faisais des fausses couches. On m’a aussi dit que j’avais peut-être un cancer et que j’allais devenir stérile. En fait on m’a détruite psychologiquement et on ne m’a jamais prise au sérieux. Tout était dans ma tête et je devais aller consulter des psys. »

(retrouvez aussi son histoire sur sa chaine YouTube)

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Ne trouvant aucun diagnostic, Laura a commencé à rechercher elle-même sur Google ce que ça pouvait être et c’est à ce moment qu’elle a découvert l’endométriose. « J’ai été voir mon médecin traitant en lui demandant de me prescrire une IRM pelvienne. Et là il m’a répondu que je ne devais pas surcharger les hôpitaux alors que c’était dans ma tête. Du coup j’ai appelé tous les hôpitaux pour savoir où il y avait des spécialistes. J’ai pris le premier rendez-vous que je pouvais, en août. Et là enfin on m’a prise au sérieux. Au bout de la neuvième fois. »

Comment va fonctionner l’ASBL

C’est donc grâce à son ASBL qu’elle compte faire changer les choses. « Vu que les médecins ne nous écoutent pas, il faut qu’on informe les jeunes. Il faut empêcher que ça dégénère. Moi j’ai été détruite. C’est pour ça que je veux d’abord agir sur l’enseignement. Je suis déjà en contact avec des ministres pour essayer de mettre en place des séances d’informations en secondaires. »

Endométriose: pourquoi il est temps d'en parler
© Laura Lequeu

Laura veut vraiment que ce soit accessible pour tout le monde « parce qu’en fait pour l’endométriose il y a l’opération et le gynéco, mais aussi d’autres choses qui peuvent aider mais qui coûtent extrêmement cher ; moi j’ai dû aller voir des sexologues, des psys, des kinés, et tout ça, vu que l’endométriose n’est pas toujours pas reconnue comme maladie en Belgique, on paie de notre poche. Et si tu n’as pas les moyens, tant pis pour toi, tu souffres. C’est pour ça que moi je me suis dit qu’en faisant ces ateliers ça permet de regrouper des filles et de leur donner des outils à des prix démocratiques. »

Un plan pour une meilleure sensibilisation de l’endométriose

C’est une première en Belgique. Un plan de sensibilisation a été voté le 25 février dernier au Parlement francophone bruxellois pour une meilleure prise en charge de l’endométriose et un second sera bientôt discuté au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’endométriose est une maladie gynécologique touchant plus d’une femme sur dix en Belgique. Le diagnostic est estimé à environ 7 ans, et les femmes qui en souffrent doivent souvent passer par plusieurs spécialistes avant d’être diagnostiquées. Le plan consiste justement à former et sensibiliser les professionnels de la santé et à soutenir les associations de terrain pour un meilleur encadrement des femmes atteintes d’endométriose.

Si vous désirez avoir plus d’informations ou de soutenir l’ASBL de Laura, c’est par ici.

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