Coronavirus : pourquoi fait-on des rêves étranges pendant le confinement ?

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La peur du coronavirus et le confinement ont chamboulé nos habitudes et nos rythmes. Le sommeil en est également perturbé. Si certains dorment mal, d’autres font des rêves particulièrement absurdes, voire des cauchemars. Explications.

Avec cette période de stress et de confinement, nous sommes nombreux à prêter une attention toute particulière à nos rêves. Sur les réseaux sociaux, ou parmi son groupe d’amis, de plus en plus de personnes se demandent pourquoi et surtout, si elles sont les seules à faire des rêves étranges et plus mémorables. La réponse est : non. Cela touche même des personnes qui, auparavant, ne se souvenaient jamais de leurs songes.

Régulateur émotionnel

Une récente enquête sur le sujet, menée par Deirdre Leigh Barrett, professeur de psychologie (Harvard), semble confirmer que l’incidence des rêves intenses a augmenté à mesure que le coronavirus s’est répandu dans le monde, indique le New York Times. Ce n’est pas la première fois qu’on observe qu’un fait marquant d’actualité a une conséquence directe sur le sommeil et l’inconscient. Cela avait déjà été le cas, par exemple, lors du 11 septembre.

Il n’est donc pas étonnant de penser que la pandémie de coronavirus, qui touche personnellement presque tout le monde, puisse avoir un impact similaire. Pourquoi ? S’il est difficile de démêler le comment du pourquoi, la science, qui est loin de tout savoir sur les rêves, donne quelques éléments de réponse. Nous savons que notre cerveau utilise le sommeil pour imprimer les souvenirs à long terme. Nous savons également que les rêves sont soit une partie de ce processus, soit un produit de celui-ci.

Certaines études montrent que le sommeil à mouvements oculaires rapides (REM), le stade du sommeil au cours duquel nous faisons les rêves les plus intenses, est également crucial pour notre santé, car il favorise la régulation émotionnelle et l’apprentissage. Les rêves sont également liés à l’encodage de la mémoire par le cerveau, et les émotions constituent une grande partie des souvenirs que le cerveau décide de conserver.

Stress et anxiété

Une chose est sûre : la crise actuelle a provoqué beaucoup de stress et d’anxiété chez des millions de personnes. Des études ont démontré qu’une anxiété accrue pendant la journée pouvait induire davantage de négatifs dans les rêves. Cela rend nos rêves plus absurdes, et pourtant terriblement réels, et conduit certains à faire des cauchemars, par exemple de leurs proches dans une situation inquiétante, de maladie ou de mort.

Un fait marquant de cette crise est d’ailleurs l’isolement physique et social. Si peu d’études ont été menées sur le sujet, de premiers éléments indiquent que l’on rêve davantage des amis proches et de la famille lorsqu’on est isolé ou loin d’eux. Or, les rêves qui concernent les proches sont souvent chargés d’émotion, ce qui contribue à s’en souvenir.

Le stress et l’anxiété peuvent également nous amener à nous souvenir davantage de nos rêves, car ils perturbent notre sommeil. Chacun d’entre nous, même les bons dormeurs, se réveille naturellement plusieurs fois par nuit, à la fin de chaque cycle de sommeil de 90 minutes. Sans ces brefs réveils, nous ne nous souviendrions pas de nos rêves. Lorsque nous nous réveillons, notre cerveau prend environ cinq minutes pour commencer à encoder la mémoire. Cela signifie que si vous vous réveillez pendant quelques secondes, vous ne vous en souviendrez pas. Or, si votre niveau d’anxiété est plus élevé, vous avez plus de chances de rester éveillé assez longtemps pour que vos souvenirs – et donc vos rêves – s’impriment dans votre conscience.

Un rythme chamboulé

L’augmentation des « rêves éveillés » pourrait également s’expliquer par les changements que la pandémie a imposés aux modes de vie des gens. Notre routine, nos habitudes de lever, de coucher, notre activité physique… ont changé. Cela influence notre rythme circadien, qui lui-même influence la qualité de notre sommeil.

Les épisodes les plus intenses du sommeil paradoxal ont tendance à se produire plus tard dans le cycle du sommeil. Si vous dormez plus longtemps parce que vous n’êtes pas au travail ou que vous travaillez à la maison, il est plus probable que vous arriviez à ces périodes plus profondes de sommeil paradoxal, qui produisent certains de nos rêves les plus intenses. Et si l’anxiété a un impact négatif sur votre sommeil, votre cerveau peut essayer de « rattraper » le sommeil paradoxal chaque fois qu’il le peut, créant ainsi plus de pics de rêves éveillés tout au long de la nuit, explique le Time.

Chaque rêveur est cependant différent. Chacun focalise son attention et son émotion sur des éléments divers. De plus, un confinement tel qu’on le connait actuellement est un évènement inédit. Mais les chercheurs s’affairent déjà à distinguer et comprendre les conséquences personnelles, émotionnelles ou autres, que la crise du coronavirus aura eu sur les gens – et sur leurs rêves.

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