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Ce qu’il faut savoir sur le procès des prothèses mammaires PIP

Le procès du scandale des prothèses mammaires frauduleuses PIP s’ouvre ce mercredi à Marseille. Avec plus de 5000 plaignantes et 300 avocats, l’audience promet d’être hors-norme.

Un scandale aux ramifications internationales

En mars 2010, l’Agence du médicament retire du marché des prothèses mammaires fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP), dont l’usine est basée à La Seyne, dans le Var. En cause, la composition de ces implants, à base d’un gel de silicone non autorisé, vendus dans les années 2000. Selon les estimations de l’Agence du médicament, en France, 30 000 femmes en sont porteuses. Parmi elle, près de 15 000 auraient, depuis le début de l’affaire, subi une explantation.

Le scandale ne se cantonne pas à l’Hexagone: les prothèses varoises étaient vendues dans le monde entier. La société réalisait le plus gros de son activité (84%) à l’export. Amérique du Sud (Venezuela, Brésil, Colombie, Argentine…), Europe de l’Ouest (Espagne, Grande-Bretagne, Suède, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Suisse…), de l’Est (Bulgarie, Hongrie, Russie…), ou encore Iran, Turquie, Israël, Syrie… au total 65 pays auraient acheté les implants incriminés.

Un prévenu principal provocateur

Au coeur de cette affaire, le fondateur et PDG de PIP, Jean-Claude Mas, accusé d’avoir concocté le gel de silicone non autorisé, au coût dix fois moindre que celui des aux normes. A 73 ans, il assume froidement les faits de tromperie qui lui sont reprochés. Il faut dire que l’homme est provocateur. En garde à vue, lorsqu’on lui demande ce qu’il ressent pour les victimes, il se contente d’un « rien ».

Désaccords

Avant l’ouverture du procès, la Cour de cassation examine à 8h30 le recours de deux ex-cadres de PIP, également prévenus, qui mettent en cause l’impartialité du tribunal et réclament le dépaysement du procès. Par ailleurs, au cours des audiences, prévues pour durer un mois, il ne sera pas question d’indemnisation des victimes, du fait de l’insolvabilité des prévenus. Un constat qui fait enrager les parties civiles.

Jean-Claude Mas fonde la société Poly Implant Prothèse en 1991. Un an plus tard, le scandale du fabricant américain Dow Corning débouche sur l’interdiction du silicone aux Etats-Unis… et en France. Exit le silicone, bienvenue à l’hydrogel et au sérum physiologique. Cette nouvelle composition vaut à l’entreprise PIP plusieurs plaintes outre-Atlantique. En 2000, la société est bannie d’Amérique. « Géo trouvetou » – sobriquet donné par l’avocat de Jean-Claude Mas, Me Yves Haddad – cherche alors de nouveaux marchés et se tourne vers l’Amérique du Sud et l’Europe, entre autres.

Entre temps, le silicone est de nouveau autorisé en France. Jean-Claude Mas, pour des raisons purement financières, choisit d’utiliser des huiles de silicone industrielles au lieu du gel américain Nusil, seul homologué… Pour couvrir cette manipulation, il parvient à tromper les inspections du leader allemand de contrôle de qualité, TÜV.

En 2005, les ruptures de prothèses rattrapent le dirigeant. Il essaye un nouveau gel, modifie l’enveloppe des implants, envisage même de revenir au Nusil… En vain. PIP est dénoncé à l’Agence du médicament par les chirurgiens. Le scandale éclate au grand jour.

Un dispositif hors-norme

C’est donc le procès de Jean-Claude Mas et de quatre autres dirigeants de la société PIP qui s’ouvre ce mercredi à Marseille. L’audience ne fait d’ores et déjà pas l’unanimité: certains estiment qu’il manque du monde parmi les prévenus, comme par exemple les autorités sanitaires, les chirurgiens et TÜV. Les chiffres donnent le vertige. Fin mars, on comptabilisait plus de 5100 plaignantes, dont environ 4900 Françaises. Un nombre susceptible de croître puisque toute porteuse d’implants de la marque PIP peut se constituer partie civile jusqu’à la veille des réquisitions. Le parquet estime qu’environ 10% d’entre elles pourraient venir assister à l’audience, soit près de 500 personnes à caser sur le banc des parties civiles… Par ailleurs, quelque 300 avocats se sont constitués.

Le coût de l’agencement extraordinaire est estimé à 800 000 euros

Pour accueillir tous ces acteurs, un dispositif hors-norme a été mis en place. L’audience a été délocalisée au sein du Parc Chanot, le centre des congrès de Marseille, où un espace de 4800 m2 a été aménagé pour héberger la salle d’audience principale, capable d’accueillir près de 700 personnes. Trois salles annexes, de 830 places et équipées de vidéotransmission, sont également installées.

Par ailleurs, sont prévus une salle pour les témoins, une pour les prévenus, une pour les avocats – avec boxes de confidentialité – une pour les magistrats, un espace de presse et une salle de repos pour les victimes. Le coût de cet agencement extraordinaire (location, aménagement, sécurité) est estimé à 800 000 euros.
Par son ampleur, on compare déjà le procès des prothèses PIP à celui d’AZF ou du tunnel du Mont-blanc, une première pour la cité phocéenne.

Par Julie Saulnier

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