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Au moins 5600 Belges ont un système immunitaire déficient: des enfants sains ne devraient pas mourir d’une grippe.

Des milliers d’enfants ont un gène défectueux qui fait que leur système immunitaire ne fonctionne pas comme il le devrait. Cette pathologie est très rarement diagnostiquée. La spécialiste du système immunitaire Isabelle Meyts milite pour que les bébés soient systématiquement « screenés » et que l’on informe mieux les docteurs.

Jonas n’avait que sept ans lorsqu’il est mort d’une banale infection virale. Depuis toujours il avait ce qu’on appelle une petite santé. Dès sa naissance il a enchaîné les infections virales et avait été très malade après avoir été vacciné contre la rougeole. Dans un premier temps sa soeur semblait suivre le même chemin jusqu’à ce que les médecins diagnostiquent une immunodéficience primaire, soit un déficit congénital et héréditaire du système immunitaire.

« Aujourd’hui, il y a encore des enfants qui meurent suite à de banales maladies comme la grippe alors qu’il serait simple de l’éviter » dit la docteure Isabelle Meyts. « Lorsque quelqu’un meurt d’une maladie infectieuse à laquelle normalement tout le monde survit, alors il y a de grandes chances que la cause est une immunodéficience primaire. Il y a au moins une personne sur 2000, ou plus ou moins 5600 Belges, qui en souffrent. Souvent, ces personnes l’ignorent. »

Comment se fait-il que cette maladie qui n’est pas si rare soit si peu connue ?

Il y a tellement de types d’immunodéficiences que celle-ci n’est souvent pas perçue comme une seule et même maladie. Pour l’instant, on connaît pas moins de 300 anomalies génétiques qui entraînent une immunodéficience primaire. Et chaque jour on en découvre davantage. C’est pour cela qu’établir un diagnostic relève souvent d’un véritable casse-tête. Certains symptômes peuvent venir d’une cinquantaine d’autres anomalies génétiques. Pour cette raison on doit effectuer une étude génétique poussée pour pouvoir établir le bon diagnostic.

À quoi peut-on reconnaître l’immunodéficience ?

À une répétition de mêmes symptômes comme des infections chroniques des sinus, oreilles ou poumons. Elles ne doivent même pas être graves. Les autres symptômes inquiétants sont si l’enfant a régulièrement des mycoses, ne grandit pas ou ne prend pas de poids, ou a toujours besoin d’antibiotiques par intraveineuse pour guérir. Un abcès sur un organe ou un cancer peuvent aussi être un signe. Beaucoup des patients qui ont cette maladie ont plus de chances de développer une leucémie ou un lymphome.

Ces symptômes, comme les otites et les sinusites, touchent de nombreux enfants, non ?

Oui et c’est pour cela qu’il est très important que les médecins soient correctement formés et informés. Si un enfant a 10 fois par an une otite, le médecin doit comprendre que ce n’est pas normal et donner l’alarme. Aujourd’hui ce n’est pas toujours le cas, car beaucoup de médecins ne savent que peu de choses sur l’immunodéficience.

À quel âge la maladie peut-elle être diagnostiquée ?

Cela dépend de la gravité. Dans sa forme la plus grave, la Severe Combined Immunodeficiency (SCID), le système immunitaire de l’enfant est totalement défectueux et celui-ci meurt avant son premier anniversaire d’une banale infection. Pourtant cela pourrait être évité si tous les bébés étaient « screené » à la naissance. Ils le font déjà en France, en Suède, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni et dans certains états américains. Si le diagnostic est posé très tôt, on peut prévoir des transplantations de cellules souches avant les premières infections. En faisant cela, on pourrait sauver chaque année trois ou quatre vies. On a aussi constaté que certains enfants que l’on pensait victime de mort subite étaient en fait décédés suite à une infection alors qu’il souffrait d’une immunodéficience.

Mais même chez les adultes on estime qu’il y a un taux de 80% non diagnostiqué. Souvent on pense à tort que c’est le syndrome de fatigue chronique (SFC), parce que les patients sont souvent fatigués. Or il devient de plus en plus évident que notre système immunitaire est un système complet qui peut à lui seul expliquer de nombreux symptômes pathologiques et aider à les soigner. Et être diagnostiqué tôt aurait pu changer radicalement la vie des patients.

Est-ce que tous ces patients peuvent être sauvés ?

S’ils reçoivent une transplantation de cellules souches, c’est possible. Mais cette opération est très lourde et tout le monde ne survit pas au traitement. Il y a aussi la thérapie génique, dans laquelle une cellule souche est corrigée puis réimplantée au patient. Mais cela n’est possible qu’à l’étranger et n’est pas sans danger. Ces traitements ne sont donc conseillés qu’à ceux qui souffrent des formes les plus graves de cette maladie. Pour les autres, on opte plus souvent pour une thérapie à base d’anticorps. Mais celle-ci aussi n’est remboursée qu’à des conditions très strictes.

L’année dernière, les parents de Yaro, un petit garçon de six ans, tiraient la sonnette d’alarme, car le traitement du petit garçon leur coûtait presque 1000 euros par mois…

C’est en effet un problème. Ces traitements dits de soutiens sont souvent très chers et pas remboursés. Il n’existe pas non plus de ligne de conduite de soins rationalisés comme il existe pour d’autres maladies chroniques.

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