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Pourquoi, étonnamment, la voiture n’a jamais été aussi populaire (analyse)

Philippe Berkenbaum Journaliste
Thierry Fiorilli Journaliste
Estelle Spoto Journaliste
Mathieu Colinet Journaliste

Confinements, hausse des prix de l’énergie et mesures environnementales: son trône vacille mais la voiture continue de régner dans notre quotidien. En coulisses, par contre, la guerre des carburants bat son plein. Et si l’issue semble évidente, les motifs qui y mènent le sont moins.

Dans son baromètre des investisseurs d’août dernier, ING relevait que «la guerre en Ukraine et le réchauffement climatique inquiètent trois quarts des investisseurs», que cette inquiétude «se marque un peu moins chez les moins de 45 ans», que «cet état d’esprit a déjà conduit près de huit Belges sur dix à prendre des mesures pour consommer moins d’énergie» et que, parmi celles-ci, on peut pointer que «55% envisagent de rouler moins vite sur l’autoroute» et «32% d’acheter une voiture électrique».

Fin juillet, le Belgian Mobility Dashboard, l’observatoire de la mobilité lancé en janvier par la Fédération des entreprises belges (FEB) et la Fédération belge de l’automobile et du cycle (Febiac) signalait que «les niveaux d’émission de CO2 moyens des voitures neuves à motorisation diesel et essence immatriculées entre le 1er janvier et le 30 juin 2022 sont stabilisés par rapport à ceux de 2021» et que «la moyenne des émissions pour l’ensemble des voitures neuves immatriculées – toutes motorisations confondues – figure en baisse de 8%». Explication: «le succès grandissant des voitures 100% électriques et des plug-in hybrides, dites rechargeables.»

L’observatoire précisait que «ce sont les entreprises qui tirent la demande de voitures rechargeables. Celles-ci représentent, en leasing ou en achat direct, 34,8% des immatriculations du canal “société”.» Plus d’une sur trois, donc. Alors que «ce chiffre est de 3% pour le canal “particuliers”, qui leur préfère les hybrides simples, dites autorechargeables (en recharge électrique uniquement par le moteur thermique), lesquelles s’acquittent de 11%».

L’ ascension des véhicules électriques se confirme donc, s’accélérant même puisque, d’une part, les accès aux grandes villes des moteurs à combustion se compliquent toujours davantage et, d’autre part, la prise de conscience des urgences climatiques s’amplifie, convainquant de plus en plus d’automobilistes, occasionnels ou pas, à choisir le moteur thermique, quand bien même l’impact environnemental de la voiture électrique, considérée dans son ensemble, reste significatif.

La voiture retrouve son trône

Autant de constats édifiants dès lors que, comme l’annonçait début septembre le prestataire de services RH Tempo-Team, après une enquête menée en collaboration avec la KULeuven auprès de 2 500 travailleurs, du 22 juin au 11 juillet derniers, «l’auto est à nouveau aussi populaire qu’en 2020 pour se rendre au boulot». Bref, que «le Belge a repris l’habitude de se rendre au travail en automobile. Près de six personnes sur dix le font régulièrement (57%), soit autant qu’avant la pandémie», même si «une moitié des salariés et fonctionnaires (49%) travaillent régulièrement à domicile et doivent par conséquent prendre la route moins souvent qu’autrefois».

Parmi ceux qui (re)font la navette en voiture entre la maison et le lieu de travail, 20% déclarent «souhaiter une contribution plus importante des employeurs ou des autorités afin d’indemniser les frais plus élevés des voitures plus propres». Des employeurs dont «19% ont installé des bornes de recharge» et «12% proposent des voitures hybrides ou des vélos de société (avec atelier de réparation sur place)». La plupart se disent «motivés par la responsabilité sociale des entreprises (30%), pour préserver la planète (23%) ou parce que de telles mesures vertes sont financièrement plus intéressantes pour les travailleurs (19%). Seulement 5% des employeurs déclarent qu’une telle politique de mobilité plus verte n’est actuellement pas prioritaire à leurs yeux.»

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Les confinements ont beau avoir changé les habitudes de travail, le virus, la guerre en Ukraine et l’inflation avoir fait exploser le prix à la pompe et celui de l’électricité et du gaz, la voiture être de moins en moins la bienvenue dans les centres-villes (des centres qui s’élargissent toujours) et la mobilité douce – vélo et trottinettes en tête – gonfler sans cesse ses voiles, les quatre roues voient clairement leur étoile de plus en plus pâlir sans que leur règne soit pour autant à l’agonie.

Un match en plusieurs manches

Dans ce contexte, «le duel des carburants» est aussi féroce que ses enjeux sont cruciaux. Lequel faut-il donc recommander aujourd’hui, que le véhicule soit privé, de société ou utilitaire? Essence, diesel, LPG, CNG, hybride (non rechargeable), hybride plug-in (rechargeable), 100% électrique, hydrogène? Lequel faut-il recommander en tenant compte que tant de critères doivent être considérés? Le prix du carburant, le prix d’achat et le poids du véhicule, les coûts (notamment en matière d’environnement) de fabrication de toutes ses composantes, celui des installations de recharge (pour l’électrique), celui des entretiens, leur fréquence, la recyclabilité, l’usage qu’on en fait – quotidien ou intermittent? –, les zones et distances annuelles qu’il parcourt, son régime fiscal, son autonomie et sa consommation…

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La question initiale se subdivise dès lors en plusieurs autres:

  • quel carburant est aujourd’hui le moins cher?
  • quel carburant est le plus écologique?
  • quel carburant est le plus disponible?
  • quel carburant est le plus adapté à tel ou tel type d’utilisation du véhicule?
  • quel carburant garantit le mieux l’accès aux grandes villes?

Le duel tourne donc plutôt au match en plusieurs manches. Ou en plusieurs épreuves, qui correspondent au nombre de critères et sous-critères évoqués. Son issue semble rester inéluctable à plus ou moins court terme: la victoire des carburants «propres» ou «alternatifs», qui seront les plus répandus, les plus défendus, les plus proposés. Mais sans pour autant que les gagnants aient remporté chaque épreuve. Ou alors en y parvenant parfois par la petite porte, sur trois fois rien, un souffle. Presque une balle ou une phase de jeu litigieuse.

C’est ce qu’illustre notre large dossier consacré aux avantages et inconvénients de chaque carburant disponible en Belgique, les données qu’il fournit et les expert(e)s qui y interviennent.

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