Anne-Sophie Bailly

EDITO | Rouler à 100 km/h. Et si on y gagnait quelque chose?

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Chaque mesure avancée pour réduire la consommation d’énergie a son côté pile comme son côté face, comme le cristallise aujourd’hui la proposition de Philippe Henry, ministre wallon de l’Energie, de réduire la vitesse automobile. Et si on pointait l’avantage potentiel d’un changement plutôt que son côté contraignant?

Parmi les mesures proposées par le ministre wallon de l’Energie, Philippe Henry (Ecolo), dans le cadre de son plan Pace (Plan air climat énergie), l’une d’elles n’a pas manqué de faire monter au créneau: limiter la vitesse automobile à 100 km/h sur les autoroutes, 70 km/h sur les voiries régionales et 30 km/h en agglomération. «C’est ennuyant, c’est embêtant», ont fait valoir ses partenaires de la coalition, qui franchement préféreraient qu’on trouve d’autres moyens – comme «taxer les multinationales» ou «faire des choix industriels intelligents» – pour réaliser les indispensables économies d’énergie et atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la Wallonie.

Bousculer les habitudes de consommation et comportements s’avère difficile. Pourtant, le véritable enjeu est là.

Voici quelques mois, c’est dans le rapport des experts mandatés par la Vivaldi pour soutenir le pouvoir d’achat et la compétitivité que cette proposition se trouvait, au chapitre «Comment réduire la demande d’énergie pour faire baisser les prix». Là, le débat s’ était cristallisé autour du côté contraignant qu’il aurait fallu donner à la mesure, ou pas.

Ces réactions prouvent de facto combien bousculer les habitudes de consommation et comportements s’avère difficile. Pourtant, le véritable enjeu est là. Dans l’indispensable changement des mentalités.

La question à se poser aujourd’hui est donc bien la suivante: comment accompagner cette transition puisque la succession de crises et d’épisodes climatiques extrêmes et catastrophiques – incendies, inondations, sécheresse, tempêtes – n’y suffit pas? En pointant l’avantage potentiel d’un changement plutôt que son côté contraignant? C’est le postulat sur lequel se fonde le fameux concept managérial «What’s in it for me?» (qu’est-ce que j’y gagne, en français) qui met les préoccupations des personnes au cœur du processus évolutif. Puisque l’individu est confronté à une situation différente qu’il ne peut contrôler et qui peut être source de peur ou d’angoisse, montrons-lui que ce bouleversement est aussi susceptible de créer un effet d’aubaine. Pour revenir au plan Pace, que rouler à 100 km/h, bien sûr allonge de quelques minutes chaque trajet, mais se traduit aussi par un gain financier – les estimations l’évaluent entre 300 et 350 euros par an pour les véhicules thermiques – ou de santé publique. C’est un exemple, il y en a d’autres.

Vaincre cette résistance au changement est le seul gage de réussite d’une transition. Sinon, elle ne se fera qu’ à coups de mesures embêtantes et/ou contraignantes. Auxquelles la colère répliquera. On n’ aura alors réussi à répondre ni au défi climatique ni à l’urgence sociale.

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