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Luc Bontemps (Febiac): « Le secteur automobile requiert une politique cohérente en matière de mobilité et de fiscalité »

Urbain Vandormael
Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

À la veille du Salon de Bruxelles, la Fédération belge de l’Automobile & du Cycle (Febiac) se dit satisfaite de 2018 et souhaite une politique cohérente en matière de mobilité et de fiscalité pour 2019.

« Pour la quatrième année consécutive, on a vendu plus de voitures que l’année précédente. En 2018, plus d’acheteurs ont également opté pour un moteur à essence, signe qu’ils se préoccupent de l’impact environnemental de la conduite », déclare Luc Bontemps, directeur général de la Febiac, la fédération qui défend les intérêts de l’industrie automobile et du cycle en Belgique.

Si on analyse les nouvelles immatriculations de 2018 par type de conduite, l’essence représente la plus grosse part, soit 58,2%, suivie du diesel à 36%. Les hybrides – y compris les hybrides plug-in – représentent 4,5 %, la propulsion électrique et le GNC 0,8 % chacun.

Si l’on examine la répartition par segment, les SUV se classent en première position (36,5 %), suivis des petites voitures familiales (21,2 %). Les limousines sont devenues un segment de niche (1,7 %), tout comme les coupés et les cabriolets qui, ensemble, représentent à peine 1,5 %.

2018 était également une année favorable pour la vente de camionnettes et de camions légers jusqu’à 16 tonnes, avec une augmentation de respectivement 2 % et 16,2 %. Les ventes de motocyclettes ont également augmenté de 11 % par rapport à 2017. De plus en plus de gens prennent leur vélo pour de courts trajets, alors que les motocyclettes les aident à se déplacer plus rapidement dans la circulation dense.

BMW 530d (diesel) ©
BMW 530d (diesel) ©

L’écologisation du parc automobile est absolument nécessaire

Pour Luc Bontemps, l’écologisation du parc automobile est absolument indispensable pour atteindre l’objectif de 95 g/km de CO2 fixé par la Commission européenne d’ici 2021. Les marques automobiles qui ne le feront pas souffriront non seulement d’un préjudice d’image, mais se verront également infliger de lourdes amendes.

D’où leur course contre la montre pour équiper autant de modèles que possible d’une propulsion alternative afin de réduire au maximum les émissions de gaz d’échappement nocifs. D’ici 2030, il devrait être encore réduit de 37,5 %.

Luc Bontemps : « Dans un premier temps, les vieilles voitures sans catalyseur doivent être mises hors service, c’est tout simplement un must. Ensuite, il s’agit de s’aligner. Les consommateurs, les producteurs et les autorités politiques doivent tous contribuer à l’objectif de zéro émission.

Le consommateur doit s’interroger sincèrement sur la propulsion qui correspond le mieux à son profil. Si l’on vit dans une agglomération urbaine et que l’on conduit maximum 30 à 50 kilomètres par jour, on a intérêt à prendre une voiture hybride ou électrique. Par contre, si on parcourt des centaines de kilomètres par jour, le diesel est le plus indiqué.

Aujourd’hui, le diesel est pointé du doigt, bien que la dernière génération de moteurs diesel émet parfois moins de gaz d’échappement nocifs qu’un moteur à essence et certainement moins de CO2. En fait, sans le diesel, il sera impossible pour un certain nombre de constructeurs d’atteindre l’objectif de 95 g/km de CO2 d’ici 2021. Sachez qu’en raison du passage du diesel à l’essence, les émissions de CO2 dans notre pays ont de nouveau augmenté l’année dernière.

La Kia Niro EV
La Kia Niro EV

Il ne s’agit pas de plaider en faveur du diesel, mais d’un plaidoyer en faveur du réalisme et du sens des réalités. Le passage des moteurs à combustion interne aux moteurs électriques prend plus de temps que prévu. La transition ne se déroule pas aussi bien que ce que le secteur avait prévu.

« Et là, je pense à la politique au niveau régional, national et supranational. Celui qui fixe des normes élevées pour les autres doit aussi s’approvisionner lui-même. Et il ne s’agit pas seulement de bornes de recharge et d’un réseau électrique qui peuvent fournir suffisamment d’électricité si la voiture électrique atteint rapidement une part de marché de 10%. Plus que jamais, nous avons besoin d’une politique cohérente et concertée en matière de mobilité et de fiscalité automobile, tant au niveau national qu’européen. Je fais référence à la Belgique : un petit pays avec trois régimes fiscaux différents. Cela crée de la confusion et de l’incertitude tant pour les consommateurs que pour les producteurs. »

Luc Bontemps (Febiac):
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La Febiac préconise l’introduction d’une redevance kilométrique intelligente pour les voitures particulières. Les réactions de la population et des politiciens ne sont pas unanimement positives.

Luc Bontemps: « Je comprends la réticence ou l’angoisse de l’homme de la rue: ce dernier craint un nouvel impôt. Pour nous, la taxe kilométrique remplacerait les taxes de circulation existantes, il ne peut être question d’une taxe automobile supplémentaire pour le citoyen.

C’est aussi notre message aux politiques. Chaque année, quelque 20 milliards d’euros de taxes automobiles sont versés au Trésor belge. Où va cet argent ? J’attends avec intérêt les promesses électorales des partis à l’approche du 26 mai. Jusqu’à présent, la mobilité n’a pas été une priorité absolue, et j’espère que cela va changer.

Les embouteillages deviennent peu à peu insupportables pour ceux qui doivent prendre la route tous les jours et coûtent très cher à l’industrie. En ce qui concerne les infrastructures routières, les systèmes modernes de contrôle du trafic et le développement des transports publics, la Belgique est vraiment à la traîne. Tout cela place notre pays sous un mauvais jour et risque d’avoir une influence négative sur les dossiers d’investissement.

Le dieselgate a conduit à un abus de confiance entre l’industrie et la politique. Au fond, c’est l’hôpital qui se moque de la charité.

Le secteur automobile est un pilier important de l’économie et l’un des plus grands employeurs du pays. Nous avons tout intérêt à entretenir de bonnes relations avec la politique, et vice versa. Le dieselgate a brouillé les relations, je ne peux pas le nier.

Il s’agit maintenant de tourner cette page, d’en tirer les leçons nécessaires et de rétablir le plus rapidement possible la confiance endommagée. Cela peut se faire par une consultation constructive sur des dossiers concrets dans le domaine des travaux d’infrastructure, de la co-mobilité, de la fiscalité automobile, de la législation, etc.

Si notre pays et notre secteur veulent demeurer concurrentiels dans un monde en pleine mutation, nous devons passer à la vitesse supérieure et nous concentrer davantage sur ce qui nous unit et non sur ce qui nous divise. En tant que secteur, nous sommes prêts à emprunter de nouvelles voies et la transition du constructeur automobile au prestataire de services de mobilité bat d’ailleurs son plein.

Cela prend du temps, mais nécessite également une restructuration radicale du secteur et de ses activités. Les mécaniciens automobiles doivent se recycler en tant qu’électriciens, mais de nouvelles compétences sont également requises de la part des vendeurs et du personnel administratif.

Aujourd’hui, il y a une grande pénurie de personnel qualifié, ce qui constitue un défi pour l’éducation, mais aussi pour le secteur lui-même. Ce dernier doit se présenter sur le marché du travail comme un employeur attractif.

En outre, il y a une consolidation et une expansion dans le domaine de la vente au détail. Je ne vois pas le fait que des groupes étrangers viennent investir dans notre pays comme une menace, mais comme la preuve que le marché automobile belge a du potentiel.

Les ventes en ligne de biens de consommation augmentent de façon spectaculaire. Certaines marques automobiles sont connues pour explorer les possibilités de vente en ligne. Il y a aussi des salles d’exposition virtuelles ici et là. Que dit votre boule de cristal?

Si seulement j’en avais une ! Dans notre monde numérisé, l’augmentation explosive des ventes en ligne crée indirectement des effets secondaires exaspérants. La gratuité n’existe pas, sans parler de l’empreinte écologique des produits qui se retrouvent à l’autre bout du monde via Internet. Je plaide donc pour une compensation correcte des transporteurs et pour l’optimisation des chargements.

Je doute que les gens commandent leur voiture par Internet un jour. Ils s’informent déjà en ligne de ce qu’il y a sur le marché et configurent la voiture de leurs rêves depuis leur PC. Du coup, les acheteurs potentiels sont bien informés lorsqu’ils se rendent chez un concessionnaire. Son rôle et sa tâche ont donc changé, mais je ne pense pas qu’il finira par devenir superflu. Une voiture reste une donnée complexe qui ne peut être commandée par un manuel écrit ou oral.

Ce qui n’enlève rien au fait que la voiture du futur nous décharge de nombreuses actions et que l’autonomie de conduite et l’absence d’émissions ne sont qu’une question de temps. L’industrie automobile et la voiture elle-même font face à la plus grande révolution de leur histoire, et je suis heureux de pouvoir vivre et guider cette transition depuis les premières loges. »

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