Focus sur le « time out »: peut-on encore envoyer son enfant au coin ?
Le débat entre les partisans de l’éducation positive et ceux de la méthode du «Time Out» – la mise à l’écart de l’enfant pour un court moment – fait rage. Peut-on encore punir son enfant ?
Depuis plusieurs mois, la bataille fait rage entre les partisans d’une éducation positive (ou bienveillante) et ceux de la fermeté. Les deux camps s’affrontent par médias interposés et sur les réseaux sociaux, brandissant des études scientifiques censés conforter leur théorie. Un point, en particulier, les oppose: le time out, soit la nouvelle version du « coin » où nombre de parents envoient leurs enfants en cas de crise.
Le time out, abréviation de «time out from positive reinforcement», est ce qui, avec la question des limites, oppose les partisans d’une éducation très à l’écoute des émotions de l’enfant à ceux qui prônent un retour à plus de fermeté et de règles éducatives. Régulièrement attaquée sur sa vision du time out et sur les modalités de sa mise en application, Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents, docteure en psychopathologie clinique et figure de proue du clan de la fermeté éducative, rétorque que ses détracteurs confondent limites éducatives et maltraitance. Il est vrai que même au sein de la communauté scientifique, le fait d’envoyer un enfant se calmer dans sa chambre divise.
Le time out est une stratégie disciplinaire utilisée dans le cadre des programmes d’entraînement aux habiletés parentales pour le traitement des troubles du comportement chez l’enfant, clarifie Edouard Gentaz, psychologue du développement et spécialiste de l’approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant. Il s’agit d’une méthode de punition dite «négative» qui consiste à placer l’enfant dans un environnement moins stimulant et ce, pour une période déterminée, connue de l’enfant, afin de réduire les comportements considérés comme inadaptés.
Le time out prive donc l’enfant de tous les renforcement positifs habituels, comme le fait d’être en présence d’autres personnes, de recevoir de l’attention de la part des parents ou des pairs, ou de participer à une activité. Il ne s’agit cependant pas, à ce moment précis du moins, d’engager l’enfant dans une réflexion sur son comportement. Le time out se fonde sur un raisonnement simple: si l’attention nourrit le comportement inapproprié, alors il faut interrompre brièvement tous les types d’attention pour mettre fin à ce comportement.
Il existe une réelle confusion entre le laxisme et l’éducation positive, que je préfère appeler l’éducation non violente.
Le fait de brandir à tout bout de champ des données extraites d’études et de faire appel à l’imagerie cérébrale pour soutenir des consignes éducatives agasse plus d’un scientifique, dont Edouard Gentaz: «Ces études ont principalement porté sur des enfants présentant des comportements opposants et défiants, comme il en existe dans le trouble oppositionnel avec provocation ou le trouble des conduites mais aussi dans le déficit de l’attention-hyperactivité.
Dans de telles situations, le time out est une mesure de sécurité qui permet d’enrayer l’escalade d’hostilité entre les parents et les enfants. Mais le time out ne doit jamais être enseigné aux parents tant que ceux-ci ne maîtrisent pas les compétences parentales axées sur l’établissement d’une relation bienveillante et étayante avec leur enfant. Il ne doit pas, non plus, être utilisé dans les situations où l’enfant a peur ou s’il est en détresse à cause d’un incident.»
«Ce qui me préoccupe surtout, dans ce débat, poursuit-il, c’est que les représentants des deux courants mettent en opposition des principes alors qu’ils ne réalisent eux-mêmes aucune recherche et qu’ils lisent mal celles sur lesquelles elles s’appuient. Ils sont légitimes pour parler de ce qu’ils observent dans leur cabinet mais pas pour faire des interprétations ultra-abusives de données scientifiques. Et pourtant, ce sont elles que les médias appellent. Ça donne l’impression que si on aborde le problème avec nuance et dans toute sa complexité, personne ne voudra écouter.»
«Le time out n’est ni une pratique de torture des enfants éthiquement inacceptable ni la pierre angulaire d’une feuille de route qui permettrait à des parents déboussolés de rasseoir leur autorité. C’est un outil au sein d’une boîte à outils comportementale ayant fait la preuve de son efficacité, et que l’on peut englober sous le nom de “renforcement du comportement positif”, évalue pour sa part Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS en sciences cognitives. Prôner le temps mort hors du cadre théorique et pratique dans lequel il a fait ses preuves, en ne donnant aux parents aucune des clés qui conditionnent son efficacité, c’est les précipiter vers des pratiques qui risquent d’être inefficaces et inutilement répressives.»
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