Mentir à ses enfants pour la Saint-Nicolas ou la Noël, est-ce grave? «Il y a mentir et mentir»
Lorsque la Saint-Nicolas approche, certains parents se posent la question: est-il bien judicieux de continuer à entretenir le mensonge? Moïra Mikolajczak, professeure de psychologie et spécialiste de la parentalité, livre son éclairage sur un sujet qui, l’air de rien, soulève des questions plus profondes qu’il n’y parait.
C’est de saison. A l’approche de décembre, nombreux sont les parents qui s’interrogent sur le fait d’entretenir ou non le mensonge autour de saint Nicolas ou du père Noël. D’autres se posent moins de questions, assumant pleinement le mystère ou, à l’inverse, jouent la transparence dès le départ.
Quelques craintes s’expriment aussi quant aux effets produits sur les enfants. Sera-t-il traumatisé, une fois mis au courant? Cette idée que ses parents lui auront caché la vérité sapera-t-elle sa confiance envers eux?
Un traumatisme, vraiment? «Non, on ne traumatise pas nos enfants en mentant au sujet du père Noël ou de saint Nicolas», répond tout de go Moïra Mikolajczak, professeure en psychologie à l’UCLouvain. Du moins, «on observe qu’une majorité écrasante des adultes associe ces fêtes à d’excellents souvenirs». Or, indique-t-elle, un traumatisme donnerait lieu à des comportements d’évitement. «Là, dans la plupart des cas, c’est tout l’inverse: les parents sont impatients de reproduire avec leurs enfants ce qu’ils ont eux-mêmes vécu. Clairement, on ne peut pas parler de traumatisme.»
Les parents sont impatients de reproduire avec leurs enfants ce qu’ils ont eux-mêmes vécu. Clairement, on ne peut pas parler de traumatisme.
Moïra Mikolajczak
En revanche, «la question vraiment intéressante est de savoir à partir de quand il convient d’arrêter le mensonge». Ce moment peut potentiellement devenir problématique si les parents n’y mettent pas un minimum les formes. «Si vous lui dites brutalement que voilà, la Saint-Nicolas, c’est terminé, que tout ça n’était jamais qu’un mensonge, alors il est possible que ce soit violent pour l’enfant.» Potentiellement violent, mais pas vraiment traumatisant, la nuance est importante.
Cela étant, l’erreur est plutôt commise dans la situation inverse. L’enfant commence à s’interroger, à poser des questions. Il se dit que, décidément, passer à travers la cheminée ou fournir des cadeaux à des millions d’enfants en un temps record ne tient pas la route. Peut-être aura-t-il détecté que d’une fois à l’autre, saint Nicolas n’a pas la même apparence. Ou qu’en toute logique, les rennes ne devraient pas pouvoir voler.
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Ce raisonnement, qui survient souvent vers l’âge de six, sept ou huit ans, «est correctement construit. Il arrive que l’enfant le demande ouvertement à ses parents: alors, c’est vous, saint Nicolas? A ce moment, évidemment, entretenir le mensonge n’a plus beaucoup de sens. Peut-être est-ce d’ailleurs le parent qui cherche à prolonger la magie, pour lui-même, mais pas pour l’enfant. En tout cas, lorsque le raisonnement est mûr, construit, aboutit aux bonnes conclusions, il est important de permettre à l’enfant de faire confiance à sa propre capacité à raisonner», explique encore Moïra Mikolajczak.
Souvent, c’est un juste milieu qui peut être trouvé, quelque part entre une vérité exposée de but en blanc et l’entretien d’un mensonge que l’enfant à lui-même déconstruit.
Mensonge culturel et mensonge individuel
Certains parents peuvent nourrir une autre inquiétude: la crainte que l’enfant intègre l’idée que ses parents lui racontent des bobards. «Si un parent ment par ailleurs et que l’enfant le détecte, il risque alors de perdre sa confiance dans la parole de l’adulte. Ce sera un mensonge qui s’ajoute à un autre. Par exemple, le parent qui soi-disant ne fume pas, alors que son enfant sent très bien l’odeur de cigarette…»
Mais il y a mensonge et mensonge, en réalité, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une légende comme celle de saint Nicolas. «Si c’est l’unique mensonge des parents et que l’enfant sent bien que, par ailleurs, les parents disent toujours la vérité, même lorsqu’elle est difficile à entendre, alors il a accordera du crédit à leur parole.»
Il s’agit de surcroit d’un «mensonge culturel», comme le qualifie Moïra Mikolajczak. A l’intérieur d’une même culture ou d’une même communauté, tous les enfants partagent cette expérience, qui se déroule dans un contexte heureux. L’enfant est en mesure de saisir la différence avec un «mensonge individuel, lors duquel l’enfant est le seul auquel on cache la vérité, alors que les autres personnes la connaissent. Là, en effet, il peut y avoir un sentiment de trahison», mais qui n’a pas lieu d’être autour du grand saint, dans l’immense majorité des situations.
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