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Mousson de tous les dangers pour les rhinocéros d’Inde

Le Vif

Au petit matin dans le parc national de Kaziranga, dans le nord-est isolé de l’Inde, le garde-forestier Gopi Kanta Deka nettoie son fusil: pour les rhinocéros unicornes qu’il est chargé de protéger, la saison de la mousson est celle de tous les dangers.

Les autorités indiennes sont sur les dents pour sauver cette espèce menacée par les braconniers, qui peuvent espérer tirer environ 130.000 euros de la revente d’une corne, d’après la presse indienne, une somme considérable en Inde.

Cette année, elles ont même décidé d’envoyer des renforts militaires, alors que trois rhinocéros ont déjà été tués depuis début janvier.

« Nous sommes toujours sur nos gardes en cette saison. Nous ne pouvons presque pas nous reposer. Les informations signalant des braconniers peuvent arriver à toute heure et nous devons agir immédiatement », raconte Gopi Kanta Deka en sirotant un thé noir.

La réserve de Kaziranga, classée au Patrimoine mondial par l’Unesco et qui s’étend sur 850 km2, abrite les deux tiers des rhinocéros unicornes de la planète.

Lors de la saison des pluies, l’herbe dans le parc est à son plus haut, fournissant une couverture parfaite aux braconniers. Les inondations fréquentes forcent aussi les animaux à se réfugier sur des terrains élevés, parfois en dehors de la réserve.

Le rhinocéros unicorne proliférait autrefois dans le nord de l’Inde, mais la chasse et la diminution de son habitat naturel ont réduit sa population à quelques milliers d’animaux seulement, presque tous concentrés dans le grand État d’Assam.

Le parc national de Kaziranga, créé en 1908 par les autorités coloniales britanniques, comptait 2.413 de ces rhinocéros en 2018, selon un recensement cette année-là.

Il abrite aussi des tigres, des éléphants et des panthères, sous la menace des braconniers eux aussi.

Mais c’est le rhinocéros qui est le plus recherché. La corne du mammifère est prisée par la médecine traditionnelle d’Asie orientale, la croyance lui attribuant des vertus aphrodisiaques et curatives.

En mission durant des semaines pendant la mousson (juin-septembre), dormant parfois à la belle étoile, Gopi Kanta Deka et ses collègues suivent les animaux pour les protéger.

« Nous marchons en groupes d’un campement à l’autre, ou ramons en barque au plus haut des inondations pour atteindre les zones desquelles une information nous est parvenue et faire le boulot vite », déclare-t-il.

Le garde-forestier Manoj Gogoi confie sa tristesse quand des animaux sont braconnés. « Nous nous sentons vraiment mal. »

Déploiement de militaires

Le rhinocéros unicorne d’Inde, à la peau semblable à une armure, est une espèce classée comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Bien qu’il soit interdit de le chasser depuis 1910, le braconnage a proliféré.

« Il y a une grosse demande de cornes et des réseaux internationaux y mettent d’énormes sommes d’argent, poussant les braconniers à parfois risquer leur propre vie », explique à l’AFP Somyadeep Datta, un défenseur de la faune sauvage.

Pour tuer leur proie, les braconniers peuvent utiliser des fusils d’assaut ou recourir à l’électrocution.

En 2014, les trafiquants ont tué 27 rhinocéros dans le parc de Kaziranga, puis 16 en 2015 et 12 en 2016. Mais une hausse significative du nombre de gardes-forestiers, qui sont désormais 700, a permis de diminuer le nombre de bêtes tuées à sept en 2017 et six en 2018, selon le département forestier de l’Assam.

Les autorités ont également évacué des poches d’habitations illégales dans la réserve naturelle, dont les braconniers se servaient comme refuge et qui leur permettaient d’obtenir des informations sur les déplacements des rhinocéros et des gardes-forestiers.

Et pour la première fois, l’Inde va déployer à partir de mi-juillet des militaires pour aider à protéger les rhinocéros.

Cette nouvelle Force de protection des Rhinocéros (RPF), forte de 82 membres, suit actuellement un entraînement accéléré aux armes.

« Les soldats de la RPF recevront des fusils automatiques dans un premier temps, mais ceux-ci seront remplacés par des AK-47 ultérieurement », dit un responsable du parc.

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