A fence lies on sand dunes of the Menie estate, the site for U.S. property mogul Donald Trump's proposed golf resort, near Aberdeen, north east Scotland May 27, 2010. REUTERS/David Moir (BRITAIN POLITICS - Tags: SPORT GOLF BUSINESS) - RTR2EF9S © REUTERS

Le sable : une ressource inestimable aux mains de la mafia ?

Stagiaire Le Vif

Avec plus de 15 milliards de tonnes extraites chaque année, le sable constitue la deuxième ressource la plus consommée dans le monde, juste derrière l’eau et devant le pétrole. Pourquoi la surexploitation de cette ressource naturelle est-elle si peu médiatisée ? Eclairage sur une problématique planétaire aussi sombre qu’inconnue.

Notre civilisation est littéralement bâtie sur le sable. On le retrouve, bien sûr, dans le béton armé de nos bâtiments ou sur le revêtement de nos routes, mais également dans notre vin via le dioxyde de silicium, dans nos produits cosmétiques ou dans les micro-processeurs de nos ordinateurs. Son coût – autour des 50 euros le mètre cube – et les quantités requises dans le domaine de la construction – 20.000 tonnes pour un kilomètre d’autoroute, 300 tonnes pour une maison de taille standard – en font l’une des ressources les plus recherchées de la planète. Pas de problème diront certains, le désert gagne du terrain chaque jour et il suffit de se baisser pour le ramasser. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples.

Des conséquences irrémédiables sur l’environnement

Les grains de sable présents dans le désert sont trop petits et polis par le vent. Impossible donc, de les utiliser dans les différents cas évoqués plus haut, car ils ne s’agrègent pas. Le sable qui intéresse les promoteurs immobiliers et autres industriels se trouve dans la roche et dans les fonds marins. Deux solutions pour l’extraire donc : défigurer le paysage en creusant la roche ou aspirer le sable des fonds marins, quitte à emporter tout l’écosystème présent au fond. Aujourd’hui, les carrières de sable sont épuisées ce qui oblige l’homme à se tourner vers la mer, amorçant ainsi une bombe écologique aux conséquences quasi invisibles. Parmi celles-ci, nous citerons, entre autres, la disparition des poissons, l’impact aggravé de l’érosion ou l’affaiblissement de la protection naturelle que constitue le sable contre les tempêtes et les tsunamis. Certaines de ces conséquences vont même jusqu’à remonter à la surface de la Terre, puisque 75% des plages du monde auraient déjà été réduites suite à la surexploitation de ces fonds marins.

Quand l’Indonésie troque ses îles contre de l’argent

Le boom immobilier et la folie des grandeurs de certaines nations accroissent incontestablement la pression autour de cette ressource naturelle. En tête des plus gros consommateurs, la Chine et l’Inde, deux puissances en pleine explosion démographique et qui sont de grandes consommatrices de sable. Des plus petites entités comme Singapour et Dubaï sont également de grands importateurs de sable puisqu’elles engloutissent à elles seules plusieurs millions de tonnes de sable par an. Face à cette demande en constante augmentation, certains Etats sont tentés de se transformer en marchands de sable, quitte à y laisser un peu de leur éthique et de leurs territoires. L’Indonésie par exemple, n’a pas hésité à exploiter ses fonds marins pour subvenir aux besoins de sa voisine Singapour avec, comme conséquence directe, la disparition de 25 de ses îles. Et les ambitions des promoteurs immobiliers ne s’arrêtent pas aux immeubles qui fleurissent chaque jour. A Dubaï, « The World », un chantier de 300 îles censées représenter la carte du monde, aura nécessité d’importer 150 millions de tonnes de sable directement d’Australie. Un défi qui n’a pas découragé le prince dubaïote à l’origine du projet et qui lui aura coûté la bagatelle de 14 milliards de dollars. Rien n’est trop beau pour marcher sur l’eau.

Pots de vin, pillages et mafias : quand les marchands de sable font la loi

Alors quel est donc le contexte qui entoure cette extraction planétaire et pourquoi a-t-on si peu d’informations à son sujet ? En réalité, personne ne se soucie du sort du sable, une ressource naturelle quasi gratuite et perçue comme inépuisable. Les autorités publiques, grandes consommatrices de cette denrée pour les travaux d’aménagement du territoire, ne semblent que très peu enclines à légiférer sur la question. C’est donc en toute impunité que certains profitent des brèches laissées par les gouvernements. Parmi les marchands de sable qui se partagent le marché mondial du sable (qui pèserait tout de même 70 milliards de dollars), il y a bien sûr les multinationales qui extraient le sable en toute légalité comme c’est le cas en Europe, mais également d’autres acteurs qui ne semblent pas se soucier d’obtenir une quelconque autorisation. Ainsi, dans le cas de Singapour par exemple, la cité-Etat n’a que faire de la provenance du sable qui lui est vendu. Le sable sur lequel elle bâtit son expansion (+20% de territoire en un demi-siècle) est extrait illégalement depuis des pays voisins comme le Cambodge ou la Malaisie, qui refusent pourtant officiellement de vendre du sable à Singapour. Ce sont donc les mafias et autres petites mains du secteur qui se chargent d’approvisionner la boulimique, laissant les plages et les carrières à la merci de bandes criminelles. Et ce phénomène s’étend à une grande partie de l’Asie, où pots-de-vin et gros profits parviennent à mettre tous les acteurs de la chaîne de production d’accord.

Et en Belgique ?

Le dragage de sable en mer dans la partie belge de la mer du Nord est strictement contrôlé par les pouvoirs publics et est régi par la loi du 13 juin 1969. Elle est également soumise par la loi MMM « Marien Milieu Marin », ainsi qu’à la réglementation internationale (les directives européennes « Habitat » et « Oiseaux » et la directive-cadre stratégie pour le milieu marin).

Cinq zones marines protégées ont été créées le long des 67 kilomètres de côte, et ce, dans le but de préserver certains aspects de la biodiversité marine. La production annuelle belge varie entre 1.400.000 m³ et 2.100.00 m³ de sable, utilisé en grande partie pour le remblayage de nos plages. Les entreprises extraient le sable sous des conditions bien précises telles qu’un volume maximal extrait par année et un nombre de mètres à ne pas dépasser. Avec quelles conséquences sur l’environnement ? « L’avenir nous dira quelles seront les conséquences exactes  » explique le rapport du SPF économie.

Alors quel sera le sort que nous réserverons aux populations qui vivent sur les îles menacées et près des plages ? Faudra-t-il attendre la disparition totale de nos plages ou l’arrivée d’une catastrophe majeure pour que les autorités ne commencent à s’inquiéter des conséquences environnementales de cette extraction ? A l’échelle européenne, le problème a déjà été soulevé et les autorités ont légiféré sur la question pour un meilleur contrôle de l’extraction, sans pour autant s’attarder réellement sur les conséquences du dragage.

Par Nicolas Claise

Si vous désirez aller plus loin, le documentaire d’Arte « Le sable – Enquête sur une disparition » est disponible sur le web.

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