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Le béton, pire que le plastique?

Stagiaire Le Vif

On s’en méfie peu, alors qu’il est l’un des matériaux les plus utilisés au monde. Pourtant, la production et l’utilisation – pas toujours transparentes – du béton ont des conséquences importantes sur notre environnement.

Le béton est utilisé en construction depuis des milliers d’années. Le superbe Panthéon de Rome, vieux de 1 900 ans, en est l’un des plus beaux exemples. Mais d’après le Guardian, aujourd’hui, le recours massif à cette matière menacerait l’équilibre environnemental au même titre que le plastique, tant dans sa production que son utilisation. Selon un rapport de la Chatham House, le béton serait le deuxième matériau le plus utilisé au monde après l’eau : quatre milliards de tonnes de ciment sont produites chaque année. A titre de comparaison, « seulement » dix milliards de tonnes de plastique ont été fabriquées ces septante dernières années.

Pollution béton

L’industrie bétonnière serait responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2. Si elle était un pays, elle se situerait donc juste derrière la Chine et les Etats-Unis. Pour espérer cadrer avec les accords de Paris, et l’objectif du maintien du réchauffement climatique à +2°C, les émissions bétonnières devraient baisser d’au moins 16 % d’ici 2030. Or elles ne font qu’augmenter, encouragées par la demande des pays émergents qui pousserait la production à 5 milliards de tonnes par an en 2050. C’est un phénomène constant : le développement d’une nation s’accompagne systématiquement d’une bétonisation massive, comme ce fut le cas de la France ou du Japon d’après-guerre. Aujourd’hui, la Chine en est, de loin, la plus grosse consommatrice : entre 2011 et 2013, elle aurait coulé 6,6 gigatonnes de béton, soit plus que les Etats-Unis pendant tout le XXe siècle.

La construction du barrage des Trois-Gorges, en Chine, a nécessité 27,2 millions de mètres cubes de béton.
La construction du barrage des Trois-Gorges, en Chine, a nécessité 27,2 millions de mètres cubes de béton. © REUTERS

Le serpent qui se mord la queue

Le béton a certes quelques avantages. Par exemple, d’après le scientifique Vaclav Smil cité sur le blog de Bill Gates, remplacer un sol de terre par une dalle réduirait de 80 % les risques de maladies parasitaires. Mais il cesse d’être bénéfique dès lors qu’il recouvre peu à peu la planète pour soutenir les économies en plein boom. Toujours en Chine, le président Xi Jinping ordonne désormais la démolition des bâtiments excédentaires, après la découverte de 450 km2 de surface résidentielle invendue. Mais sans pouvoir ralentir le rythme de la construction, le secteur employant près de 55 millions de personnes, soit plus que la population de la Corée du Sud. La solution est donc d’exporter son savoir-faire, avec la construction d’au moins quinze barrages en Afrique, des chemins de fer au Brésil et des ports au Pakistan, en Grèce, au Sri Lanka… nécessitant la création d’une centaine d’usines de ciment dans cinquante pays.

Un problème de corruption

La gestion des bâtis dans le monde est de plus loin d’être vertueuse, donc difficile à réguler. D’après l’ONG Transparency International, la construction serait l’une des activités les plus sales au monde. Il est en effet facile dans ce domaine de grossir les prix tout en réduisant la quantité de matériau utilisé, permettant de dégager des marges confortables, ou de camoufler des transactions entre les multiples acteurs. C’est également un bon indicateur du niveau de corruption d’un état, le milieu étant familier du versement de pots-de-vin pour encourager l’attribution des grands projets. Au Brésil par exemple, près de 2 milliards de dollars de dessous de table auraient été distribués à des politiciens, en échange de grosses commandes d’infrastructures comme celles de la Coupe du monde 2014 ou des JO de 2016. Elle semble bien loin, la noblesse du Panthéon…

Juliette Chable

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