COP27
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La COP27 se termine par un bilan contrasté, l’UE « déçue »

Après des négociations longues et difficiles qui ont largement débordé du calendrier prévu, la COP27 s’est terminée dimanche à l’aube après avoir adopté un texte très disputé sur l’aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre.

Après plus de deux semaines, la grande conférence sur le climat de l’ONU a pris fin avec plus d’un jour de retard sur le calendrier prévu, ce qui en fait l’une des COP les plus longues de l’histoire. « Ca n’a pas été facile » mais « nous avons finalement rempli notre mission », a souligné le président égyptien de la conférence Sameh Choukri.

Une déclaration finale fruit de nombreux compromis a été finalement adoptée, appelant à une réduction « rapide » des émissions mais sans ambition nouvelle par rapport à la dernière COP de Glasgow en 2021.

« Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant – et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu », a regretté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à l’issue de la conférence climatique. Dans la foulée, l’Union européenne s’est dite « déçue » par l’accord sur les émissions.

Cette édition a en revanche été marquée par l’adoption d’une résolution emblématique, qualifiée d’historique par ses promoteurs, sur la compensation des dégâts causés par le changement climatique déjà subis par les pays les plus pauvres.

Ce dossier des « pertes et dommages » climatiques des pays pauvres avait failli faire dérailler la conférence, avant de faire l’objet d’un texte de compromis de dernière minute qui laisse de nombreuses questions en suspens, mais acte le principe de la création d’un fonds financier spécifique.

« Les pertes et dommages dans les pays vulnérables ne peuvent désormais plus être ignorés même si certains pays développés avaient décidé d’ignorer nos souffrances », a salué la jeune militante ougandaise Vanessa Nakate.

Recul critiqué

Le texte sur les réductions d’émissions a été également très disputé, de nombreux pays dénonçant ce qu’ils considéraient comme un recul sur les ambitions définies lors de précédentes conférences. Notamment sur l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, contenir le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, qui est toutefois réaffirmé dans la décision finale.

Les engagements actuels des pays signataires de l’accord ne permettent pas de tenir cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la température à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, quand les humains ont commencé à utiliser en masse les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique.

Ces engagements, en admettant qu’ils soient intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C à la fin du siècle et, au rythme actuel des émissions, sur celle d’un catastrophique +2,8°C. Or, à près de 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts dramatiques du changement climatique se multiplient déjà.

L’année 2022 en a été l’illustration, avec son cortège de sécheresses, méga-feux et inondations dévastatrices, impactant récoltes et infrastructures.

Les coûts de ces événements extrêmes s’envolent également: la Banque mondiale a ainsi estimé à 30 milliards de dollars le coût des inondations qui ont laissé un tiers du territoire pakistanais sous l’eau pendant des semaines et fait des millions de sinistrés.

Les pays pauvres, souvent parmi les plus exposés mais qui sont généralement très peu responsables du réchauffement, réclamaient depuis des années un financement des « pertes et dommages » qu’ils subissent.

« Suspects habituels »

La bataille ne s’achèvera pas avec l’adoption de la résolution de Charm el-Cheikh puisque celle-ci reste volontairement vague sur certains points controversés.

Les détails opérationnels doivent être définis pour adoption à la prochaine COP, fin 2023 aux Emirats arabes unis, promettant de nouveaux affrontements. Notamment sur la question des contributeurs, les pays développés insistant pour que la Chine en fasse partie.

Autre sujet qui a secoué la COP: les ambitions de réductions d’émissions. De nombreux pays ont estimé que les textes proposés par la présidence égyptienne constituaient un retour en arrière sur les engagements d’en relever régulièrement le niveau pris à Glasgow. « Cette COP a affaibli les obligations pour les pays de présenter des engagements nouveaux et plus ambitieux », a regretté Laurence Tubiana, architecte des accords de Paris de 2015.

Sans compter la question de la réduction de l’usage des énergies fossiles, à l’origine du réchauffement mais à peine mentionnées dans la plupart des textes sur le climat.

Le charbon avait été cité en 2021 après de rudes échanges mais à Charm el-Cheikh les « suspects habituels », selon l’expression d’un délégué, s’y sont une nouvelle fois opposés pour le pétrole et le gaz. Arabie saoudite, Iran ou Russie sont les noms de pays les plus souvent avancés.

Le développement des renouvelables fait cependant l’objet d’une mention inédite aux côtés des énergies à « basses émissions », expression généralement appliquée au nucléaire.

Pour la ministre Khattabi, la COP27 n’a pas répondu à l’urgence de la situation

Le résultat de la COP27, malgré des négociations qui ont joué les prolongations jusqu’aux petites heures dimanche, n’est pas à la hauteur des attentes, en particulier sur le volet « atténuation », a réagi la ministre fédérale du Climat, Zakia Khattabi (Ecolo), pour qui « la montagne a accouché d’une souris ».

 « Des rapports récents indiquent que nous nous dirigeons vers une alerte mondiale de 2,5°C. C’est une catastrophe pour l’humanité, et en particulier pour les pays et les communautés les plus vulnérables. Je suis venue pour conclure un accord ambitieux concernant l’opérationnalisation de l’accord de Paris et du Pacte climatique de Glasgow. On en est loin ! », se désole la ministre belge, qui a participé aux négociations à Charm el-Cheikh, en Egypte.

   Alors que cette décennie est décisive pour réussir à contenir la hausse du mercure à 1,5°C, comme l’ont répété les nombreux rapports du Giec, le texte final est insuffisant pour s’assurer que les grands émetteurs augmentent et accélèrent leurs réductions d’émission, selon la ministre. « Pour ce faire, il fallait que le Mitigation Work Program soit conçu comme un outil de suivi et de pilotage permettant une mise en œuvre effective et efficace de l’Accord de Paris et du Pacte de Glasgow, et pas un salon de discussion. »

   La COP27 a décidé la création d’un fonds pour les pertes et préjudices subis par les pays du Sud en raison du dérèglement climatique, une revendication de longue date des pays en développement. Mais « si l’enjeu de la justice climatique a enfin légitimement trouvé sa place dans l’accord, je regrette que cela soit au détriment de l’atténuation », poursuit Mme Khattabi. « Pour moi, les deux vont de pair, la solidarité c’est aussi mettre tout en œuvre en amont pour éviter les pertes et dommages. Nous marchons sur deux jambes, ici nous quittons la COP en boitant et on sait que, si l’on n’y prend garde, cela laisse des traces. »

   « Le manque de confiance entre les parties était trop important et a pesé sur les négociations. Cet accord était le seul possible dans ce contexte. Un nouveau chapitre s’ouvre, les premières lignes doivent permettre de rétablir la confiance, préalable nécessaire à un futur accord plus ambitieux », conclut la ministre belge.

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