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Grainothèque : la tendance du troc de graines s’enracine en Belgique

Stagiaire Le Vif

A la bibliothèque d’Uccle, on n’emprunte pas que de gros bouquins. Depuis peu, on peut aussi y dénicher… des graines. Un système de troc qui a déjà séduit de nombreux pays.

Entre deux livres du rayon jardinage, une petite boîte en carton attire l’attention des curieux. Dans cette boîte, des graines en libre-service. N’importe quel amoureux de la nature peut venir les prendre, puis les planter dans son potager, et ce, sans débourser un centime.

Une graine pour favoriser la biodiversité

Pour que le système fonctionne et que la grainothèque ne reste pas désespérément vide, on demande à ceux qui prennent des graines d’en rapporter. Soit les mêmes après les avoir reproduites, soit d’autres variétés de légumes, fruits ou fleurs. La seule obligation, c’est de ne proposer que des graines biologiques. Il suffirait qu’une personne sur cent vienne reposer des graines pour assurer la pérennité de la grainothèque.

Visiblement, les amateurs de plantes vertes y trouvent leur compte. Matthieu, trentenaire et jardinier à ses heures perdues, confie à Terra Eco : « je fréquente les grainothèques de La Rochelle régulièrement pour trouver des semences qui ne sont pas commercialisées. Il y a quelques jours, je suis tombé comme ça sur un bout de papier plié en quatre où il était indiqué au crayon de bois ‘SainFoin récolte 2013′ ». Une découverte qui a de quoi le ravir : cette plante herbacée aux multiples propriétés se fait de plus en plus rare.

Derrière ce troc en apparence assez simple, se cache ainsi une forte ambition : celle de préserver au maximum la biodiversité. Et il y a urgence : selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), en un millénaire, les trois quarts des espèces de plantes auraient disparu. La faute selon l’organisation au phénomène de standardisation des graines, qui sont génétiquement modifiées pour rentrer dans les cases du marché.

300 grainothèques aux Etats-Unis

Sauver la planète en plantant des graines, voilà en tout cas une idée qui séduit. Les projets poussent en France et en Belgique comme de champignons. Sur le site commun aux bibliothèques de Waimes et Malmedy, qui se sont laissées convaincre, on parle d’un projet « un tantinet utopiste » et « un brin fantasque ». La croissance des lieux d’échange n’est pas prête pour autant de s’essouffler. Le site Graines de Troc a depuis sa création aidé à l’installation de 110 grainothèques à travers l’Hexagone. Il recevrait encore d’après son fondateur près d’une demande par jour.

Malgré ce rapide développement, les « grainothèques » restent assez peu nombreuses en Europe. Mais aux Etats-Unis, où on en compterait plus de 300, le partage de graines a été érigé en véritable art de vivre. Il y a même sa journée nationale, le dernier samedi du mois de janvier. Via internet ou au cours de grands événements, des passionnés de jardinage se rencontrent pour échanger leurs petites trouvailles. Et cela fait plus de trente ans que ça dure.

Le troc de graines ne fait pas que des heureux

Pourtant, les obstacles ne manquent pas, comme en témoigne le récent rappel à l’ordre adressé à la Joseph T. Simpson Library. Située au coeur de la Pennsylvanie, cette bibliothèque a elle aussi, voulu proposer des graines en plus de ses livres. Sauf que l’Etat, lui, en a décidé autrement. Une loi datant de 2004 interdit de vendre des graines mal étiquetées, ou dont le potentiel toxique n’aurait pas été suffisamment testé. La bibliothèque devra de ce fait obtenir une licence si elle souhaite continuer à offrir des semences à ses habitués. La nouvelle a réveillé d’autres États, qui ont aussitôt brandi des lois similaires, supposées protéger les fermiers des vendeurs illégaux. Les militants pour la liberté des graines ont répliqué avec une pétition, signée plus de 14 000 fois. De l’autre côté de l’Atlantique, en 2002, c’est un géant du marché, Baumax, qui avait attaqué en justice l’association de partage de graines Kokopelli. Il lui réclamait 50 000€ de dommages et intérêts, l’accusant de concurrence déloyale. La justice aura finalement donné raison à Kokopelli.

Si ces actions en justice ne multiplient, c’est parce que les grandes entreprises de vente de graines pourraient y perdre gros. En France, la grainothèque en ligne Graines de Troc comptabilise 600 échanges de semences par mois, pour un total de 4500 adeptes. Parmi eux, il n’y a pas que des jardiniers du dimanche, mais aussi toute une flopée d’agriculteurs, venus chercher gratuitement des produits qu’ils payaient auparavant au prix fort…

Perrine Signoret

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