Dans la forêt Brosteni, au nord de la Roumanie, on recenserait quarante-cinq ours, pour une population idéale de dix-huit, d'après les recherches menées dans les années 1970. © HERVÉ BOSSY

En Roumanie, la cohabitation précaire entre l’homme et l’ours (reportage)

Attaques contre les troupeaux et les habitants d’un côté, volonté de préserver les ours de l’autre: aux abords des forêts du nord de la Roumanie, la cohabitation entre l’homme et l’espèce sauvage reste précaire.

Un reportage d’Hugo Nazarenko.

La brume recouvre presque entièrement les cimes des Carpates. Un museau sort du sous-bois. Pour les ours, ces forêts de pins et de hêtres constituent la plus grande tanière d’Europe: y vivent entre six mille et dix mille spécimens. Des chiffres qui diffèrent selon que l’on se place du côté des ONG qui oeuvrent à leur protection ou de celui des chasseurs, farouchement favorables à une réduction drastique de cette population, même si la chasse aux ursidés, autrefois très répandue, est interdite depuis 2016. Alors que les attaques contre les troupeaux et les hommes se multiplient, le gouvernement a promis, en août dernier, de lancer une vaste campagne de recensement. « La Roumanie n’a pas vocation à être le zoo de l’Europe », clamait alors le ministre de l’Environnement.

« Les ours nous terrorisent! Ils m’ont pris un porc l’autre nuit, ils ont dévoré les vaches du voisin et, hier, les poules de ma mère. Les enfants n’en dorment plus! », raconte une mère, rencontrée au lendemain d’une attaque nocturne à Vatra Dornei, en Bucovine. Dans cette région du nord du pays, quatorze attaques sur des troupeaux ont été recensées au cours de la seule année 2020. Les ours, présents depuis toujours dans les montagnes, ont modifié leur comportement au contact de l’homme qui a colonisé la forêt et l’exploite désormais en toutes saisons, habituant la bête à sa présence constante. Certains hôteliers des zones touristiques rusent même pour attirer l’animal sauvage au plus près des villes. Nombreux sont les acteurs qui tirent profit de sa présence et chacun défend ses intérêts. En résulte une épineuse question sur laquelle le gouvernement ne parvient pas à faire consensus.

Plusieurs communes de Bucovine imposent aux bergers de rentrer leurs troupeaux dès la tombée de la nuit, les pâturages sont désertés et la colère face à ces mesures amène des habitants à empoisonner ou piéger les ours.
Plusieurs communes de Bucovine imposent aux bergers de rentrer leurs troupeaux dès la tombée de la nuit, les pâturages sont désertés et la colère face à ces mesures amène des habitants à empoisonner ou piéger les ours.© HERVÉ BOSSY
George Celsie, employé de la Régie forestière nationale, administre les fonds cynégétiques de Bucovine. Il bat en brèche le discours des ONG sur l'impact de l'exploitation des bois:
George Celsie, employé de la Régie forestière nationale, administre les fonds cynégétiques de Bucovine. Il bat en brèche le discours des ONG sur l’impact de l’exploitation des bois: « Des zones de coupe rase comme ici permettent le développement d’une végétation secondaire très riche pour les ours, qui y trouvent baies et champignons. » Il assure aussi la logistique des dépôts de nourriture. « L’espèce étant opportuniste, elle n’attaquera pas les troupeaux si elle trouve de quoi se rassasier. »© HERVÉ BOSSY
Pour Cristina Lapis, qui a créé un sanctuaire accueillant plus d'une centaine d'ursidés blessés ou ayant connu la captivité, les dépôts de nourriture constituent
Pour Cristina Lapis, qui a créé un sanctuaire accueillant plus d’une centaine d’ursidés blessés ou ayant connu la captivité, les dépôts de nourriture constituent « une pratique héritée du temps de la chasse, qui habitue les animaux et les rend dépendants de l’homme ».© HERVÉ BOSSY
Le biologiste Ruben Iosif et une volontaire installent un
Le biologiste Ruben Iosif et une volontaire installent un « piège » vidéo cerné de fils barbelés qui permettra de récolter des échantillons de fourrure et de sang. Une nouvelle méthode de recensement, « plus précise que celle des autorités, basée sur l’observation, et qui aboutit à des chiffres délirants pour justifier la chasse ».© HERVÉ BOSSY
George Celsie, employé de la Régie forestière nationale, administre les fonds cynégétiques de Bucovine. Il bat en brèche le discours des ONG sur l'impact de l'exploitation des bois:
George Celsie, employé de la Régie forestière nationale, administre les fonds cynégétiques de Bucovine. Il bat en brèche le discours des ONG sur l’impact de l’exploitation des bois: « Des zones de coupe rase comme ici permettent le développement d’une végétation secondaire très riche pour les ours, qui y trouvent baies et champignons. » Il assure aussi la logistique des dépôts de nourriture. « L’espèce étant opportuniste, elle n’attaquera pas les troupeaux si elle trouve de quoi se rassasier. »© HERVÉ BOSSY
« Nous avons appris à travailler avec l’ours »,lancent, bravaches, deux ouvriers forestiers de Marginea, en Bucovine. Reste que le bruit des machines et les dégâts provoqués incitent l’animal à se déplacer toujours davantage.© HERVÉ BOSSY

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