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Dans les rivières du monde, un niveau « dangereusement élevé » d’antibiotiques

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Les concentrations d’antibiotiques relevées dans certaines rivières dépassent largement les niveaux acceptables, avec des conséquences néfastes sur la résistance des bactéries face à ces médicaments.

Des centaines de sites situés dans les rivières du monde présentent des niveaux dangereusement élevés d’antibiotiques, selon la plus grande étude mondiale sur le sujet. Des chercheurs de l’université d’York ont testé 711 sites dans 72 pays et ont trouvé des antibiotiques dans 65% d’entre eux. Dans 111 d’entre eux, les concentrations d’antibiotiques ont dépassé les seuils de sécurité, le pire cas – au Bangladesh – dépassant plus de 300 fois la limite de sécurité. Or, même les rivières contaminées par de faibles niveaux d’antibiotiques constituent une menace.

Rôle déterminant de l’environnement

Les antibiotiques, entre autres, se retrouvent dans les rivières et dans le sol via les déchets humains et animaux, et via les fuites des usines de traitement des eaux usées et des installations de fabrication de médicaments. Leur présence dans l’environnement a des conséquences sur la résistance aux antibiotiques. « Un grand nombre des gènes de résistance que nous voyons dans les pathogènes humains proviennent de bactéries de l’environnement », réagit William Gaze (Université d’Exeter), écologiste microbien, cité par le Guardian.

« De nouveaux scientifiques et dirigeants reconnaissent désormais le rôle de l’environnement dans le problème de la résistance aux antibiotiques. Nos données montrent que la contamination des rivières pourrait y contribuer de façon importante », confirme Alistair Boxall, (Université de York), qui a codirigé l’étude. « C’est assez effrayant et déprimant. Nous pourrions avoir d’autres grandes sections de l’environnement qui ont des niveaux d’antibiotiques suffisamment élevés pour affecter la résistance. »

Une résistance croissante et préoccupante

La recherche démontre que certaines rivières, parmi les plus connues dans le monde, sont contaminées par des antibiotiques classés comme étant d’une « importance critique » pour le traitement d’infections graves. Dans de nombreux cas, leur présence a été détectée à des niveaux dangereux, ce qui signifie que la résistance est beaucoup plus susceptible de se développer et de se propager.

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Image d’illustration © Reuters

Découverts dans les années 1920, les antibiotiques ont sauvé des dizaines de millions de vies. Mais au fil des décennies, les bactéries se sont modifiées pour résister à ces médicaments, au point que l’Organisation mondiale de la santé a averti que le monde allait manquer d’antibiotiques efficaces. Elle considère d’ailleurs la problématique comme une « urgence sanitaire mondiale », qui pourrait tuer 10 millions de personnes d’ici 2050. Les bactéries peuvent devenir résistantes quand les patients utilisent des antibiotiques dont ils n’ont pas besoin, ou bien ne terminent pas leur traitement, donnant ainsi à la bactérie une chance de survivre et de développer une immunité.

Quelles régions les plus touchées ?

Les pays à faible revenu présentent généralement des concentrations d’antibiotiques plus élevées dans les cours d’eau, les régions d’Afrique et d’Asie affichant les pires résultats.

En Europe, des échantillons prélevés dans le Danube contenaient sept antibiotiques, dont la clarithromycine, utilisée pour traiter des infections des voies respiratoires, à un taux près de quatre fois supérieur au niveau considéré comme sans danger. C’est par ailleurs le fleuve le plus pollué du continent européen. 8% des sites testés s’y situaient sous les limites de sécurité. La Tamise, souvent considérée comme l’une des rivières les plus propres d’Europe, est contaminée, avec certains de ses affluents, par un mélange de cinq antibiotiques.

L’équipe de recherche prévoit désormais d’évaluer les impacts environnementaux de la pollution par les antibiotiques sur la faune. Ils s’attendent à des résultats graves. Les niveaux de médicaments dans certaines rivières au Kenya étaient si élevés qu’aucun poisson ne pouvait survivre : « Il y a eu un effondrement total de la population », confirme Boxall.

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