Comment le passé colonial a rendu le roi des animaux plus vulnérable

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Une nouvelle étude révèle que les lions abattus par les chasseurs coloniaux il y a plus de 100 ans étaient génétiquement plus divers que ceux qui peuplent désormais la savane africaine.

Si le lion régnait autrefois sur la savane, l’espèce connaît un déclin progressif ces quatre dernières décennies. Ses populations sont aujourd’hui décimées par l’homme et d’après certains scientifiques, l’animal pourrait même disparaître d’ici 2050. Un recensement récent de sa population, réalisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature, montre qu’aujourd’hui, il resterait « environ 20 000 [lions] à l’état sauvage sur le continent africain, et 500 en Inde. Les effectifs ont diminué de moitié au cours des deux dernières décennies« .

Parmi les causes du déclin de l’espèce : la chasse aux trophées, qui existe depuis la fin du 19e siècle, lorsque les colonialistes européens sont arrivés et ont commencé à abattre les lions par milliers. Légale dans certains territoires, cette pratique consiste à chasser le lion, hors des zones protégées, dans le but d’obtenir un « trophée ».

L’impact de la chasse coloniale

Des chercheurs viennent de découvrir un nouvel impact de cette prédation sur le lion. Si le nombre et l’aire de répartition géographique de l’espèce ont diminué, il semblerait que leur aptitude génétique ait également souffert de la chasse coloniale. « La diversité génétique de la population moderne a été réduite de 12% à 17% par rapport aux populations historiques », révèle l’étude. Une découverte inquiétante qui indiquerait que la lutte pour la survie de l’animal serait plus compliquée qu’on ne le pensait.

« La perte de diversité génétique signifie que les lions sont maintenant moins en mesure de résister à de nouvelles maladies ou à des problèmes environnementaux, tels que des vagues de chaleur ou des sécheresses »,a déclaré Simon Dures, auteur principal de l’étude. En effet, les populations génétiquement diminuées sont sujettes à une perte de résistance, une perte de potentiel évolutif et à une perte de la résilience des écosystèmes.

Et pourtant, le changement climatique menace de provoquer de nouvelles maladies parmi la faune sauvage, et de provoquer (si ce n’est déjà le cas dans certaines régions) des sécheresses plus intenses. Le lion pourrait donc être la cible privilégiée de ces futurs dangers. D’autant que la perte croissante de leur habitat naturel réduit encore davantage leur diversité génétique.

Étude sur des spécimens du musée

Pour en arriver à de tels résultats, l’équipe de chercheurs a étudié deux sources d’ADN : des échantillons prélevés sur des lions sauvages dans la zone de conservation de Kavango-Zambezi, et des échantillons de peau et d’os prélevés sur des spécimens conservés au Musée d’histoire naturelle de Londres.« En comparant les données génétiques des collections de musées avec les populations sauvages modernes de la même région, on pourrait évaluer dans quelle mesure les niveaux actuels de variation génétique ont été réduits », expliquent les chercheurs.

Malgré les cris de nombreux détracteurs, ce secteur lucratif perdure et divise encore : des études révèlent en effet que cette chasse sélective pourrait être favorable à l’animal puisqu’elle permet de financer les parcs naturels protégés. « La chasse aux trophées met en quelque sorte l’habitat sauvage sous cloche »,commentait en 2015 Marion Valeix, écologue au CNRS et chercheuse associée à l’Université d’Oxford.

Mais comme le prouve la nouvelle recherche, il ne faut pas voir dans cette déclaration une bonne nouvelle pour le félin, bien au contraire. Selon Simon Dures, « nous devons faire encore plus attention à la façon dont nous essayons de les protéger ».

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