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Quelle aide humanitaire pour la Turquie et la Syrie ? « Il ne faut pas foncer tête baissée »

Anouche Nicogossian

Plus de 5.000 morts sont à déplorer, suite aux séismes qui ont frappé la Turquie et la Syrie lundi. De nombreux pays européens et non européens proposent et envoient de l’aide, répondant ainsi à l’appel international lancé par le ministre turc de l’Intérieur Süleyman Soylu. Mais quelles aides pour quels besoins ?

Les besoins principaux de la Turquie et de la Syrie aujourd’hui sont liés à l’identification des victimes, au désencombrement et progressivement, dans les prochaines semaines, une aide à la reconstruction”, expose Gautier Pirotte, spécialiste des questions de coopération internationale et professeur à l’Université de Liège.

Jan Jambon a débloqué une aide d’urgence de 200.000 euros. “Nous cherchons maintenant à savoir comment déployer cette aide rapidement et de manière ciblée. S’il s’avère qu’une aide supplémentaire est nécessaire, la question sera examinée plus en détail au sein du gouvernement », a déclaré le ministre-président flamand.

Une aide supplémentaire: la Belgique pourrait-elle la fournir ? “La Belgique est déjà intervenue dans des catastrophes humanitaires de ce type, dans des inondations et des tsunamis également, à travers l’organisme B-FAST”, précise Gautier Pirotte. Les Affaires étrangères ont d’ailleurs indiqué envoyer une équipe médicale d’urgence en Turquie, dans le cadre de B-FAST. Les modalités concrètes de cette aide (la date de son départ, la composition de l’équipe, le matériel, restent cependant à déterminer, en collaboration avec les autorités turques). Si l’équipe B-FAST (qui sera constituée de 80 personnes) tarde à décoller, c’est parce qu’elle compte une équipe médicale, une aide que la Turquie n’a pas encore demandée, a expliqué la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden, mardi, dans l’émission De Ochtend. Par ailleurs, le pays « met à disposition un A400M pour subvenir en soutien logistique sur place », a tweeté la ministre de la Défense Ludivine Dedonder. Enfin, la ville de Bruxelles vient d’ouvrir une collecte de biens de première nécessité, devant le Palais 11.

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De plus, la zone où se sont déroulés les tremblements de terre, est un véritable pôle humanitaire. “De nombreuses agences onusiennes et ONG internationales s’y trouvaient déjà pour intervenir en Syrie. Elles peuvent ainsi constituer un relais pour identifier les besoins précis et, in fine, intervenir sur place”, ajoute le professeur. Filippo Grandi, le chef du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a d’ailleurs tweeté que l’agence onusienne était « prête à fournir une aide d’urgence aux survivants par l’intermédiaire de ses équipes sur le terrain, dans la mesure du possible ».

Par ailleurs, les ONG belges pourraient elles aussi apporter un soutien. “Vu l’ampleur de la catastrophe, un consortium d’ONG peut se mettre en place”, évoque-t-il. 

Dans l’immédiat, le plus urgent après l’identification des besoins relève de la coordination des actions. “Avec les diverses aides proposées, le danger est de créer des goulots d’étranglement, de se lancer tête baissée dans l’acheminement d’une aide qui ne correspondrait pas aux besoins ni aux capacités d’absorption du pays”, avertit le spécialiste. Selon Gautier Pirotte, l’Etat et le réseau associatif (en partie international) vont permettre de sauver des vies. A tout le moins du côté turc, car en Syrie, cela s’annonce plus compliqué

Une aide humanitaire teintée d’enjeux de politique internationale 

“Penser que l’aide humanitaire est portée uniquement par des enjeux humanistes, de sauvetage d’êtres humains, c’est un peu naïf, reconnaît Gautier Pirotte. Au-delà de l’importance des dégâts humains et matériels, il y a des enjeux de politiques internationales à prendre en compte.” Difficile d’y voir clair pour l’instant mais les tentatives de construction politique autour de la Mer Noire pourraient, par exemple, expliquer les propositions de la Roumanie et de l’Ukraine (qui se trouve également dans un processus espéré d’intégration à l’Union européenne). 

Sans oublier que la crise humanitaire que connait aujourd’hui la Turquie – et la Syrie – s’inscrit dans le cadre des relations complexes qu’elle entretient avec l’Union européenne. Il ne serait donc pas étonnant, selon le professeur, de voir “la question des réfugiés syriens et la politique d’ouverture et de fermeture des frontières turco-syriennes utilisées comme monnaie d’échange vis-à-vis de l’Union européenne.”

De nombreux pays ont d’ores et déjà annoncé apporter de l’aide à la Turquie et à la Syrie :

  • La Belgique

La Belgique se prépare à envoyer une équipe médicale d’urgence (Emergency Medical Team, de B-Fast) en Turquie, a fait savoir le ministère des Affaires étrangères. « Notre pays installera un hôpital de campagne et enverra du personnel pour fournir l’assistance médicale nécessaire à la population locale et soulager la pression sur les hôpitaux turcs », indiquent les autorités belges. Les premiers experts partent mercredi.

L’hôpital de campagne mis à disposition par la Belgique et qui doit être opérationnel dans le courant de la semaine prochaine, pourra traiter plus de 100 patients par jour et accueillir au moins 20 patients pour passer la nuit sous observation. L’équipe sera composée de médecins belges, spécialisés en chirurgie d’urgence, soutenus par des infirmiers urgentistes et d’autres profils médicaux spécifiques. En fonction des besoins sur le terrain, l’équipe, composée de 70 à 80 personnes, restera sur place plusieurs semaines. Une unité de reconnaissance partira mercredi pour repérer les lieux où l’hôpital pourra être installé. Une deuxième équipe partira ce week-end pour installer l’ensemble de l’hôpital de campagne qui devra être actif au plus tard jeudi prochain. Le matériel, réparti dans plusieurs dizaines de conteneurs, sera acheminé par des avions de la Défense depuis l’aéroport militaire de Melsbroek.

Vu les conditions météorologiques extrêmes, la Belgique a également décidé d’envoyer immédiatement 10.000 sacs de couchage.

  • L’Union Européenne

Un porte-parole de la Commission européenne, Balazs Ujvari, a expliqué mardi à la presse que, par le biais du mécanisme européen de protection civile, l’UE a « mobilisé plus de 30 équipes de recherche et de sauvetage et des équipes médicales, collectivement, de 21 pays européens ». « Cela inclut 19 États membres de l’UE, le Monténégro et l’Albanie. En termes de personnel, cela représente donc plus de 1.200 secouristes et plus de 70 chiens de détection. Onze équipes sont déjà sur le terrain et les autres arrivent progressivement aussi », a-t-il précisé.

Concernant la Syrie, M. Ujvari a déclaré « l’UE y est bien sûr le principal donateur humanitaire » ses organisations partenaires participant « également aux efforts de sauvetage ». « Bien sûr, nous sommes prêts à fournir une aide supplémentaire et nous continuerons à travailler 24 heures sur 24 dans les semaines et les jours à venir », a-t-il assuré.

La Grèce et la Suède, qui entretiennent des relations orageuses avec Ankara, ont annoncé leur soutien. La Suède a notamment annoncé un don d’environ 650.000 dollars à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à destination de la Turquie et de la Syrie.

L’Allemagne a annoncé mardi le départ dans l’après-midi pour Adana, en Turquie, d’une équipe de recherche et de sauvetage de l’Agence fédérale allemande pour le secours technique (THW), composée de 50 sauveteurs et de matériel.

Pour la France, 139 secouristes de la Sécurité civile doivent se rendre en Turquie, les Français envisageant d’aller en particulier à Kahramanmaras, épicentre de la première secousse. Italie, Hongrie, Pologne et Espagne ont dit vouloir mettre des équipes de secouristes à disposition, cette dernière annonçant l’envoi « des effectifs et des drones » à Malatya, où se trouve le centre d’aide international.

  • L’Espagne

L’Espagne a « immédiatement mobilisé des effectifs et des drones » en partance pour Malatya, où se trouve le centre d’aide international.

  • L’Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que son pays en guerre était « prêt à fournir l’aide nécessaire » à la Turquie. Et même « un grand groupe de secouristes », a précisé son chef de la diplomatie, Dmytro Kouleba.

  • La Suède

Autre pays européen en proie aux tensions diplomatiques avec Ankara, la Suède a assuré qu' »en tant que partenaire de la Turquie et en charge de la présidence de l’UE », elle était « prête à offrir (son) soutien ». Elle a annoncé le don de sept millions de couronnes (environ 650.000 dollars) à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à destination de la Turquie et de la Syrie.

  • Le Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a envoyé 76 secouristes, du matériel et des chiens en Turquie.

  • La Russie

Le président russe Vladimir Poutine a indiqué envoyer « des secouristes » en Turquie et en Syrie. En Syrie, 300 militaires russes stationnés dans le pays ont commencé à aider au déblaiement des décombres, a indiqué l’armée russe.

  • Les Etats-Unis

Deux détachements américains de 79 secouristes ont été annoncés par la Maison Blanche, après que Joe Biden a déclaré sur Twitter avoir demandé à ses services de « fournir toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ».

  • La Chine

Pékin a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence, selon un média d’Etat.

  • Le Maghreb

Le Maghreb s’est aussi mobilisé avec, pour l’Algérie, l’envoi de 17 tonnes de matériel d’intervention ainsi qu’un « premier groupe de 89 agents spécialisés dans la gestion des risques majeurs » envoyé dès lundi en Turquie, selon le colonel Farouk Achour, un responsable de la Protection civile algérienne. 

Alger a aussi envoyé dans la nuit de lundi à mardi 115 tonnes de produits pharmaceutiques et alimentaires et des tentes à destination de la Syrie où une équipe de la protection civile algérienne constituée de 86 secouristes s’est rendue dans la nuit, a déclaré le ministre algérien de l’Intérieur, Brahim Merad, cité par la presse.

Tunis a mis à disposition 14 tonnes de couvertures et de produits alimentaires, dont du lait pour les bébés, tandis que le Premier ministre libyen Abdelhamid Dbeibah a ordonné l’envoi « immédiat » d’une équipe de recherche et sauvetage, composée de 55 secouristes, appartenant à la protection civile, au génie militaire et de cinq chiens.

  • Le Liban

Beyrouth a ouvert son espace aérien et ses ports, exonérant de frais et taxes les compagnies de transport aériens et maritimes arrivant à des fins humanitaires, selon le ministre libanais des Travaux publics. Un régiment de l’armée libanaise, et des équipes de secouristes, notamment de la Croix-Rouge libanaise devaient se rendre Syrie.

  • Les pays du Golfe

Le Qatar a annoncé l’établissement d’un « hôpital de campagne » et l’envoi de secouristes en Turquie.

Idem pour les Emirats arabes unis, qui ont en outre promis 100 millions de dollars d’aide, un montant qui sera divisé à parts égales entre la Syrie et la Turquie.

L’Arabie saoudite, qui n’entretient pas de liens avec le régime de Damas depuis 2012, a pour sa part annoncé la mise en place d’un pont aérien pour venir en aide aux populations affectées à la fois en Turquie et en Syrie. 

  • Le Royaume-Uni/L’Irlande

Le chef de la diplomatie britannique, James Cleverly, a annoncé dès lundi une « aide immédiate » avec l’envoi de 76 secouristes, de matériel et de chiens en Turquie, et Dublin a promis une aide humanitaire de deux millions d’euros.

  • L’Inde

L’Inde a décidé d’envoyer « immédiatement » des « équipes de recherches, de secours et médicales, ainsi que du matériel de secours », ont annoncé les autorités.

  • Le Japon

Le Japon va envoyer une « équipe de secours en cas de catastrophe », afin de « répondre aux besoins humanitaires », selon un communiqué officiel de Tokyo.

  • Israël

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a « ordonné à toutes les autorités de se préparer immédiatement à fournir une assistance médicale et des secours », selon un communiqué.

  • L’Iran

Téhéran a envoyé lundi à Damas un avion transportant 45 tonnes d’aide, notamment couvertures, tentes, médicaments et des vivres, entre autres, selon l’agence officielle syrienne Sana.

  • L’Irak

Deux avions en provenance d’Irak sont arrivés à Damas, transportant chacun 70 tonnes de vivres, couvertures et fournitures médicales, entre autres, selon l’agence officielle syrienne Sana.

Bagdad a ouvert un corridor aérien spécifique à l’aide humanitaire et enverra mercredi du carburant, selon un responsable de la diplomatie irakienne.

  • La Jordanie

Amman a apprêté ses premiers avions de secours de l’armée de l’air jordanienne, à leur bord, matériel médical et logistique ainsi qu’une équipe de secours comprenant 99 secouristes et cinq médecins des services médicaux royaux, selon le journal progouvernemental Al-Watan.

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