sexualite contraception
sexualite contraception © Getty

La contraception, aussi une affaire d’hommes

Le Vif

Alors qu’est célébrée lundi la Journée mondiale de la contraception, force est de constater que cette charge repose encore très majoritairement sur les femmes. Peu de moyens contraceptifs dits masculins sont disponibles en Belgique, tandis que des procédés existent depuis plusieurs années, sans être homologués.

Outre la méthode du retrait, qui consiste à retirer le pénis du vagin avant l’éjaculation, il existe deux méthodes de contraception masculine disponibles en Belgique. La plus répandue est le préservatif masculin, qui « est cependant rapidement abandonné par les couples hétérosexuels dits plus durables », souligne Laurence Stevelinck, autrice d’un mémoire sur la contraception partagée et diplômée du master en études de genre. Le préservatif externe est plutôt vu par ces couples comme un moyen de prévenir les infections sexuellement transmissibles (IST). En outre, « on voit que ce sont davantage les femmes qui proposent » de l’utiliser que les hommes, qui ont tendance à se « déresponsabiliser », explique Mme Stevelinck. Cette méthode ne permet donc pas d’alléger la charge contraceptive, qui repose encore techniquement, financièrement et mentalement sur les femmes en majorité.

La vasectomie rencontre un succès grandissant

Autre méthode de contraception masculine: la vasectomie. Elle consiste en une opération visant à rendre l’homme stérile en sectionnant ou en bouchant les canaux déférents par lesquels les spermatozoïdes produits dans les testicules rejoignent l’urètre, explique la Fédération des centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes (FCP-FPS). L’éjaculation de l’homme est maintenue mais son sperme ne contient plus de spermatozoïdes. Un retour en arrière peut être tenté : la vasovasostomie, en reconnectant ou en débouchant ces canaux déférents, mais sa réussite n’est pas assurée.

Pour effectuer la vasectomie, seule une anesthésie locale est nécessaire, alors que la stérilisation féminine (par la ligature ou l’obstruction des trompes) nécessite, elle, une anesthésie générale. L’opération de la vasectomie dure en général une trentaine de minutes et le patient peut ensuite rentrer chez lui. Elle est efficace après trois à six mois, le temps que le sperme ne contienne plus de spermatozoïde. Selon les données de l’Inami, transmises par Mme Stevelinck, cette méthode rencontre un succès grandissant ces dernières années, passant de 10.050 bénéficiaires en 2017 à 12.020 l’an dernier. Le nombre de ligatures des trompes, lui, diminue, de 4.141 en 2017 à 2.890 en 2021, « ce qui est une bonne nouvelle », juge Mme Stevelinck, « vu que la vasectomie est moins risquée et moins contraignante« .

La vasectomie est également plus populaire en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie, en raison de facteurs culturels, « des mentalités et de la manière dont l’information y est disponible. On évoque davantage cette possibilité au nord du pays », pointe Louise-Marie Drousie, coordinatrice du pôle pédagogique et référente contraception chez O’Yes. La méthode est aussi beaucoup plus utilisée dans les pays anglo-saxons.

Elle est principalement demandée en Belgique par « des hommes âgés de 35 à 40 ans, qui ont déjà des enfants et n’en veulent plus. Cela n’allège donc pas directement la charge de la femme », souligne Laurence Stevelinck. « Des jeunes peuvent aussi y recourir mais ils dépendent du médecin auquel ils s’adressent », ajoute Louise-Marie Drousie. « Les professionnels de la santé peuvent représenter un frein, jugeant que la personne est trop jeune, peut encore avoir des enfants et pourrait regretter son choix pourtant posé de manière éclairée. »

La contraception thermique ou hormonale

Il existe d’autres moyens de contraception masculine mais qui ne sont pas reconnus en Belgique, tels que la contraception thermique, qui consiste à augmenter légèrement la température des testicules au moyen d’un anneau ou d’un slip chauffant, pour diminuer suffisamment la production de spermatozoïdes. « Ce n’est pas remboursé en Belgique et ce n’est pas homologué, mais certaines médecins en parlent à leurs patients », avance Mme Stevelinck.

Une contraception hormonale pour les hommes existe également, en injectant dans un muscle de l’énanthate de testostérone, mais son utilisation reste faible. « L’homme est fertile tous les jours tandis que la femme ne l’est que quelques jours par mois et, pourtant, on fait comme si l’homme n’était pas fertile » en faisant reposer la charge contraceptive sur la femme, pointe Laurence Stevelinck. La contraception masculine revêt en outre plusieurs avantages, notamment un intérêt en matière de santé publique, le partage de la contraception permettant aussi de diminuer les risques d’effets secondaires potentiels de la contraception hormonale, relève Mme Stevelinck. « Ces effets secondaires sont encore très présents pour les femmes, avec des risques d’accident thromboemboliques, des douleurs, des maux de tête, des règles plus abondantes, etc. Pour certaines patientes, aucun moyen contraceptif ne convient. »

Compléter ou remplacer la contraception féminine serait aussi une possibilité supplémentaire de réduire les grossesses non désirées et les avortements. « C’est un mythe de penser que la contraception permet d’éviter totalement le risque de grossesse. La moitié des femmes voulant avorter utilisaient un moyen contraceptif », illustre Laurence Stevelinck. Les hommes peuvent aussi voir une contraception qui leur est dédiée comme « une chance à saisir de contrôler plus efficacement leur propre fertilité« , pointe Mme Stevelinck.

Le but n’est pas de laisser aux hommes le contrôle de la fertilité

La contraception masculine doit cependant être développée avec attention, préviennent Laurence Stevelinck et Louise-Marie Drousie. Le but n’est pas de laisser aux hommes le contrôle de la fertilité. Il faut être conscient, « dans un contexte patriarcal, que la contraception masculine pourrait être instrumentalisée afin de contrôler les femmes », souligne Mme Stevelinck. « Ce qui est primordial, c’est de déconstruire les rapports de pouvoir qui subordonnent les femmes aux hommes. On aura beau inventer le moyen contraceptif masculin le plus efficace et confortable, cela ne fonctionnera pas si on ne travaille pas sur les rôles genrés« , estime-t-elle.

« Les femmes se sont battues pour pouvoir disposer de leur corps et contrôler leur fertilité, il n’est pas question d’un retour en arrière« , abonde Louise-Marie Drousie. « Il ne faut pas que le contrôle de la fertilité revienne aux hommes mais plutôt permettre à chacun et chacune de contrôler sa propre fertilité », conclut-elle.

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