Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: à Bruges, la désignation d’une porte-voix de la ville vire à l’éruption d’antiwokisme

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Dalilla Hermans, écrivaine et chroniqueuse aux origines rwandaises, connaît un départ pour le moins chahuté dans sa fonction de porte-voix de la candidature de Bruges au titre de capitale culturelle européenne en 2030. Le Vlaams Belang et la N-VA locales voient dans cette promotion un nouveau triomphe d’un wokisme ambiant et une manifestation de racisme antiblanc peu compatibles avec la préservation de l’identité flamande. Les réseaux sociaux ont embrayé par un flot de commentaires haineux.

Toute cause se doit d’avoir un visage. Bruges a choisi celui qui portera sa candidature à l’élection de capitale culturelle européenne en 2030. Il a pris les traits de Dalilla Hermans, 37 ans, écrivaine, chroniqueuse de presse, bombardée coordinatrice en chef de la campagne après sélection par un jury, approbation par l’administration communale et validation par le collège échevinal. Du net et du sans bavures, Dalilla a émergé comme la meilleure des aspirants.

Sauf que tout le monde dans le Landerneau politique brugeois n’en est pas si sûr. C’est que l’heureuse élue aux origines rwandaises a ses détracteurs et le Vlaams Belang local s’est fait un devoir de sonner le tocsin. Motif de l’alerte: l’extrémisme woke et le racisme antiblanc triomphent une fois encore, incarnés en l’occurrence par une personne fichée par l’extrême droite «adepte du Black Lives Matter», «suppôt du Hamas», «ouvertement antiblanc». Une croisade contre le raciste Zwarte Piet, une volonté de «décoloniser» l’histoire qui se double d’un appui au déboulonnage des statues, cette charge remarquée en 2017 contre les énièmes aventures de ces monuments de la BD flamande que sont Suske & WiskeBob & Bobette in het Frans – parce qu’elles mettaient en scène un homme noir aux lèvres outrancièrement épaisses: ce serait bien assez pour ériger ce pur produit du wokisme en menace pour la préservation de l’identité flamande et des traditions locales.

Ainsi chauffés, les réseaux sociaux y sont allés du tristement classique flot de commentaires haineux, à relents racistes. Entre-temps, la N-VA brugeoise, dans l’opposition locale elle aussi, était entrée dans la mêlée par la voix de sa figure de proue, Maaike De Vreese, députée régionale, en rodage en vue du scrutin communal de 2024, exprimant aussi son déplaisir devant «ce pas de trop posé sur la voie du wokisme». Sans aller jusqu’à réclamer le retrait de la lauréate et encore moins s’associer à la campagne de haine ambiante, Maaike De Vreese attend de pied ferme que la coordinatrice prouve «sa capacité à ne pas polariser» et à mettre en sourdine cette «focalisation sur la couleur de peau».

Et que pense Bart De Wever de toute cette polémique, au fond? Il en connaît un rayon en wokisme, lui qui vient de commettre un ouvrage sur ses effets nuisibles pour le vivre-ensemble. Le président de la N-VA, par plateau télé interposé, n’a pas donné tort aux sérieux doutes émis par sa coreligionnaire. Lui aussi a sorti ses fiches et pris au mot Dalilla Hermans lorsqu’en 2017, elle plaçait systématiquement du mauvais côté de la barrière les Blancs, ces éternels porteurs de mort, de ruine et de misère tout au long de l’histoire. Et Bart De Wever de suggérer de remplacer l’emploi du terme «blanc» par celui de «noir» pour conclure que ce n’est pas une promotion qui attendrait l’autrice de tels propos mais une convocation au tribunal.

Dalilla Hermans ou l’art de prospérer sur le terrain de la victimisation, CQFD. Mais la victime de cette éruption d’antiwokisme de se poser humblement «en personne de chair et de sang qui n’a rien fait de plus que de solliciter un job et de le décrocher». Pour des premiers pas dans un emploi, madame est servie.

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