Thierry Denoël

Mais allez bosser aux urgences, Monsieur Vandenbroucke ! (opinion)

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le ministre de la Santé menace de poursuivre en justice les urgences de la clinique André Renard, à Herstal, qui vont fermer leurs portes jusque lundi pour cause d’épuisement. On se serait plutôt attendu à ce que Frank Vandenbroucke leur offre une solution plus empathique…

Ce genre de réaction extrême était prévisible : un service d’urgence a décidé de fermer ses portes trois jours en raison de l’épuisement de son personnel qui ne parvient plus à affronter l’afflux de patients. La situation y est devenue trop critique. La clinique André Renard veut ainsi faire temporairement barrage à la montée des eaux pour pouvoir offrir aux patients qu’elle a déjà en charge des soins de qualité. C’est à la fois interpellant et logique. C’est aussi un acte fort qui risque de se répéter ailleurs dans le pays. D’autant que, dans un communiqué, la direction de la clinique d’Herstal pointe les erreurs du gouvernement : « Sans une revalorisation de la profession, la situation va s’aggraver dans les prochains mois, des mesures structurelles sont indispensables au plus vite ». Ben oui, cela fait des mois, des années même, que les infirmiers le réclament et que les médias le répercutent, reportages et chiffres à l’appui.

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Cette décision de fermeture n’a pas été prise à la légère. Pour tout soignant, il est extrêmement difficile – voire impensable – de devoir annoncer qu’il n’est plus possible d’offrir des soins de qualité et donc de devoir refuser des patients. Il faut être au bout du bout pour en arriver là. Mais il suffit d’aller voir sur le terrain pour se rendre compte que l’épuisement n’est pas un vain mot pour décrire l’état dans lequel se trouvent la plupart des infirmiers. Qui plus est, ce n’est pas l’équipe mais la direction de la clinique qui monte, ici, au créneau, comme on le voit de plus en plus souvent dans d’autres hôpitaux. Un signal supplémentaire pour le ministre qui, lui, réagit en brandissant juste la loi et la menace d’envoyer un inspecteur d’hygiène qui, à chaque patient refusé, rédigera un PV qui sera transmis au parquet.

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Il faut être aveugle pour offrir une réponse aussi grossière à ces femmes et ces hommes qui tombent comme des mouches au point que les hôpitaux doivent fermer des lits en nombre dans les unités SIAMU de soins intensifs et d’urgences mais aussi à tous les étages des hôpitaux. L’absentéisme de longue durée n’a jamais atteint un tel niveau dans ce secteur de la santé, sans compter tous ceux qui, dégoûtés, changent de métier. Encore un signal pour le ministre. Et ce n’est pas le Fond blouse blanche (dont on verra peut-être les vrais effets dans quelques années) ni l’unique prime de 985 euros maximum pour un ETP (dont l’Etat a repris une bonne partie en impôts) qui vont permettre de rapidement panser les plaies béantes d’une profession estropiée. Dans ce contexte, réagir à la fermeture très temporaire des urgences de la clinique d’Herstal en brandissant le bâton est d’une maladresse brutale. Peut-être que tous les services SIAMU de Belgique devraient envoyer au ministre une blouse blanche pour l’inviter à venir bosser avec eux…

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