Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens: pourquoi les couples dorment-ils dans la même chambre ? Pour mieux asservir la femme (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Elizabeth II, paix à son âme, était la seule citoyenne britannique à pouvoir voyager sans passeport et à conduire sans permis ni plaque d’immatriculation. Elle était également propriétaire de tous les cygnes en liberté du Royaume-Uni, ainsi que de tous les dauphins, baleines, esturgeons et autres marsouins nageant jusqu’à cinq kilomètres au large des côtes. Mais de tous les privilèges dont bénéficiait la souveraine, celui de dormir seule devait probablement se révéler le plus exclusif. L’une des rares épouses sur terre que personne n’emmerdait parce qu’elle pionçait solo. Depuis… 1947! Jamais, paraît-il, la reine et son époux Philippe n’ avaient partagé la même chambre. Des portes communicantes? Parfois, selon les résidences. Mais deux dans le même pieu? No way! Vieille tradition aristocrate. Les riches n’ont jamais dû s’entasser pour ne point cailler.

O tristesse, ô solitude? O confort, aussi. Parce que, bon, un ronflement peut atteindre jusqu’à 100 décibels, l’équivalent du doux ronronnement d’une tronçonneuse. Et ce sont, statistiquement, surtout les femmes qui en souffrent acoustiquement: selon le CHU Brugmann, le sciage nocturne de bûches affecte deux fois plus les hommes. Et puis, il y a les gestes brusques, les invasions du territoire matelassé, la moiteur des corps, les marmonnements… S’en dispenser permet peut-être de vivre jusqu’à 96 ans.

Elle l’ignorait probablement, mais la queen aura surtout échappé à un (énième) contrôle social imposé par l’Eglise catholique, cette bonne vieille inventrice de la notion de «lit conjugal», comme le décrit l’historienne Michelle Perrot dans son ouvrage Histoire de chambres (Seuil, 2009). Parce qu’ avant que les hommes en robe ne s’en mêlent et ne fassent du mariage un saint sacrement, les braves gens dormaient la plupart du temps seuls et peinards.

En particulier les femmes. Car dans le lit conjugal, le couple ne fait pas que dormir… Ainsi ces dames commencèrent-elles à «subir l’appétit sexuel des maris», raconte Michelle Perrot dans une interview au Monde. «Le lit devient un lieu d’affrontement, comme l’attestent les textes de confession. Les confesseurs exhortent leurs pénitentes à remplir leur « devoir conjugal », tandis que celles-ci demandent à leurs époux de « faire attention ».» Comprenez: de pratiquer le coït interrompu. Qui est – quelle surprise! – sévèrement réprouvé par l’Eglise (qui avait même trouvé un petit surnom flippant à la pratique, le «crime d’Onan» (1)).

En forçant les femmes à partager leur couche, l’Eglise a scellé leur destin d’utérus sur pattes.

Faut-il rappeler qu’à l’époque, le mariage et l’amour étaient deux choses aussi distinctes que la mayonnaise et la sauce bolognaise. Pensée émue pour toutes ces ancêtres qui devaient endurer, chaque nuit, ces coups de boutoir d’époux se souciant certainement fort peu de leur clitoris, en flippant de se retrouver avec un énième mouflet…

En forçant les femmes à partager leur couche, l’Eglise a donc scellé leur destin d’utérus sur pattes. Des siècles plus tard, faire chambre à part est considéré comme une anomalie, un échec, une désolation. Pour ce que cela semble sous-entendre: l’absence de relations sexuelles. Pourtant, combien de couples, côte à côte chaque soir dans leur beau lit commun, ne se touchent même plus du bout du doigt de pied? Mais ils préservent les apparences… Amen.

(1) Onan était le fils de Juda. Un père sympa, qui lui avait ordonné d’épouser la femme de son frère. Et comme ça lui plaisait moyen d’engrosser sa belle-sœur, le brave Onan se retirait juste à temps. Mais bon, ça lui avait tout de même valu la mort.

Le droit familial, une affaire d’hommes

S’il existe un domaine du droit où les avocates se révèlent (très) largement majoritaires, c’est celui consacré à la famille. Le Barreau n’est apparemment pas au courant: avocats.be organisait, le 9 septembre, à l’UCLouvain, ses «Etats généraux du droit de la famille, 4e édition». Face à l’amphithéâtre: six hommes. Parfaite illustration du plafond de verre: le prestige, la compétence, la connaissance, la vraie, c’est un truc de mecs, ça!

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femmes, douze interruptions de grossesse, douze récits. Zéro jugement. L’ écrivaine Dominique Costermans avait d’abord commencé à publier ces histoires sur son blog. Elles forment désormais un livre, paru le 15 septembre aux éditions Courteslignes. Pour «entrouvrir la porte à un autre discours sur l’avortement, bienveillant, respectueux, libérateur».

Fausses covers, vrais seins

Depuis début septembre, dans plusieurs villes de France, des surcouvertures de magazines en trompe-l’œil sont distribuées, représentant des femmes allaitantes. Cette initiative, lancée par des associations et une agence de communication, entend normaliser l’allaitement dans les lieux publics. Car celles qui nourrissent leur enfant en public sont parfois la cible d’agressions. «Regards réprobateurs, remarques déplacées ou, pire, violences verbales ou physiques et des injonctions à stopper et à faire ça ailleurs», déplore Claire Schneider, l’une des initiatrices. La campagne est accompagnée d’une pétition qui avait déjà été signée par plus de 33 000 personnes le 12 septembre.

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