Anne-Sophie Bailly

SVB, Crédit Suisse: le fil ténu de la confiance

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Les profils de Silicon Valley Bank et de Crédit Suisse sont pour le moins différents. Mais les deux banques ont pareillement ébranlé la confiance dans le secteur. Bonne chance, chères banques centrales, pour la restaurer.

L’une était située dans la Silicon Valley, dans laquelle elle finançait d’ailleurs moult start-up, l’autre installée au cœur du Vieux Continent et spécialisée dans la gestion de fortune et le private banking. L’une était régionale, l’autre qualifiée de systémique. L’une est en faillite, l’autre passée sous le pavillon de la concurrence. A priori, rien ne devait permettre d’établir de comparaison entre la Silicon Valley Bank (SVB) et le Crédit Suisse. Pourtant, les deux établissements financiers ont pareillement fait trembler les marchés et ressurgir le spectre d’une crise bancaire majeure. Elles ont remis à la Une de tous les journaux les termes Lehman Brothers bis, risque de défaut, craintes de contagion et plans de sauvetage.

La confiance est la base de tout édifice bancaire. Et la plus difficile à récupérer.

C’est que derrière les déboires respectifs des deux établissements financiers et leurs profils pour le moins différents, des points communs à leur descente aux enfers se dégagent et inquiètent.

Le premier concerne des manquements en matière de supervision. En effet, aucune lumière rouge ne s’est allumée lorsque KPMG a audité les comptes de SVB. Et aucun stress test n’a été imposé à la banque californienne. Avec un bilan de 209 milliards de dollars, l’établissement restait sous les radars de la Réserve fédérale, puisque sous la présidence de Donald Trump, le seuil à partir duquel une banque devait se soumettre à ces tests de résistance avait été relevé de 50 à 250 milliards de dollars. Contrôle tout autant défaillant du côté de l’organisme helvétique pour lequel PWC n’a relevé que récemment des «imprécisions dans les flux de trésorerie» datant de 2019.

Deuxième point commun: le contexte de resserrement monétaire initié par les banques centrales européenne et américaine pour juguler l’inflation. Une des conséquences de ce changement de cap est l’impact de la hausse des taux sur la valeur des obligations longtemps mises en circulation à un niveau plancher. Les titres de cette classe d’actifs émis aujourd’hui le sont à un taux supérieur et rendent de facto la valeur des obligations précédentes moins attrayante. Ce qui ne pose pas réellement de problème tant qu’il n’y a pas de crise de liquidité.

Mais, et c’est la troisième similitude entre les deux groupes, SVB a dû faire face à des retraits massifs de capitaux après des inquiétudes sur son niveau de liquidités. Ces craintes sont rapidement devenues virales au sein d’une clientèle particulièrement connectée, au point de se traduire en un véritable bank run. Crédit Suisse était tout autant confronté depuis des mois à un exode de ses clients qui a largement réduit sa surface financière. Ces départs se sont doublés d’un manque de soutien actionnarial. La Banque nationale saoudienne, devenue le premier actionnaire du groupe à la faveur d’une augmentation de capital en novembre dernier, avait exclu d’investir davantage dans l’établissement suisse.

Pour SVB comme pour Crédit Suisse, c’est donc bien un défaut de confiance qui a précipité la chute. Ce qui a obligé les autorités suisses à voler au secours du géant pour le marier illico presto à UBS. Avec l’objectif avoué de restaurer la confiance, celle des épargnants, des investisseurs, des clients, du personnel, aujourd’hui perdue en litres. Car c’est la base de tout édifice bancaire. Et la plus difficile à consolider.

Pour l’instant, elle reste particulièrement fragile. A charge pour les banques centrales de la regagner goutte après goutte en manœuvrant subtilement entre inflation et crise de liquidité. Sinon, les termes vulnérabilité bancaire et sauvetage d’urgence risquent d’apparaître sur d’autres Une encore.

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