Anne-Sophie Bailly

Euthanasie: « Il s’était fixé une limite, le stade de la dépendance dégradante. Il estime l’avoir atteinte. Alors, il a fixé une date » (édito)

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Il s’appelle Laurent. C’est un père, un fils, un frère, un collègue, un ami, un pote, un voisin, un beau-père. C’est un quasi-quinqua, un amoureux de la poésie. Un amateur de rhum et de trails.

Il y a quelques années, le verdict est tombé. Sclérose en plaques primaire progressive. La forme la plus rare de la maladie. Celle qui se caractérise par une aggravation permanente et irréversible du handicap. Celle qui ne laisse aucun espoir de guérison, ni même de stabilisation.

Laurent s’était fixé une limite, celle qu’il appelle le stade de la dépendance dégradante. Il estime l’avoir atteinte. Penser et écouter sont les deux dernières choses qu’il peut encore accomplir seul et sans souffrir. Alors, il a décidé de faire siens les mots de l’écrivaine Anne Bert: «La vie ne vaut pas la peine d’être vécue jusqu’au bout de l’enfer.» Il a fixé une date. Proche. D’ici là, il se prépare. Les formalités, la cérémonie, sa succession. Il essaie surtout de préparer ses proches pour qu’ils comprennent sa démarche et l’accompagnent dans son choix. Il a voulu leur laisser ce témoignage pour que, plus tard, quand ils seront en proie au doute, en colère, tristes ou en questionnement, ils puissent trouver une réponse dans ses mots: «Je remercie le législateur belge. Cette loi est un cadeau. C’est ma dernière liberté.»

Il s’était fixé une limite, celle qu’il appelle le stade de la dépendance dégradante. Il estime l’avoir atteinte. Alors, il a fixé une date.

Il y a vingt ans, le 28 mai 2002, la Belgique votait une loi dépénalisant l’euthanasie et devenait alors une pionnière dans l’instauration d’une relation plus égalitaire entre le patient et le médecin, dans la possibilité offerte à la personne en souffrance de choisir.

Pionnière, la Belgique l’a encore été en étendant le champ d’application de la loi aux mineurs. Le débat est aujourd’hui ouvert pour l’élargir aux personnes souffrant de démence.

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Reste une zone d’ombre, l’absence de cadre pour les sanctions qu’un médecin qui n’aurait pas respecté l’ensemble des conditions de loi encourrait, ce qui suscite une insécurité juridique pour les praticiens posant cet acte. Malgré des cas emblématiques et médiatisés, aucune évolution de ce pan de la loi n’est inscrite à l’agenda. Pourtant, elle induit une certaine frilosité au sein du corps médical. Pour ses membres aussi, ce geste doit pouvoir être posé en toute sérénité. C’est nécessaire pour eux. C’est indispensable pour ceux qui choisissent de ne pas vivre jusqu’au bout de l’enfer. Comme Laurent.

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