Benoît Lutgen

Crimes de guerre en Ukraine : un tribunal spécial pour Poutine et Loukachenko (carte blanche)

Benoît Lutgen Eurodéputé (Les Engagés)

Pour les eurodéputés Benoît Lutgen, Jeroen Lenaers et Rasa Juknevičienė, il est nécessaire de créer un tribunal spécial pour Poutine et Loukachenko, afin qu’ils soient jugés pour la guerre en Ukraine et tous les crimes qui y sont commis, trop souvent contre des civils.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, plus de 10 000 incidents assimilables à des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été enregistrés et 600 suspects identifiés.  Dès le mois de février, Amnesty International a déclaré que les attaques russes contre les villes de Vuhledar, Kharkiv Ouman, Marioupol et bien d’autres endroits étaient susceptibles de constituer des crimes de guerre. 

Nous avons tous vu les images horribles de Bucha où plus de 400 cadavres de civils ont été découverts. Un tribunal ukrainien a condamné un commandant de char russe à la prison à vie pour avoir tué un civil lors du premier procès pour crimes de guerre depuis le début de cette guerre d’agression.  Et pourtant, le gouvernement russe nie avoir pris pour cible des civils. La Cour pénale internationale (CPI) a déjà envoyé des enquêteurs et des spécialistes de la criminalistique sur place. En parallèle, les autorités de l’Ukraine, de la Pologne et de la Lituanie ont mis en place une équipe d’enquête conjointe. Soutenue par Eurojust et le Bureau du Procureur de la CPI à La Haye, elle vise à recueillir des preuves sur les crimes fondamentaux internationaux présumés commis en Ukraine en vue de les poursuivre.

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L’Europe n’a pas rempli sa promesse du « Plus jamais ça !». Des atrocités similaires à celles dont nous avons été témoins à l’époque d’Hitler et de Staline se produisent maintenant sur le continent européen, en Ukraine. Des crimes graves telles que le meurtre, le viol et la torture d’enfants, d’hommes et de femmes, des expulsions forcées et des persécutions de masse ont été signalées à plusieurs reprises.

La liste est longue et comprend aussi des prises d’otages et des bombardements de zones résidentielles et d’infrastructures civiles. Des déportations forcées de civils vers le territoire de la Fédération de Russie ont également eu lieu , y compris vers la Sibérie – zone vers laquelle des millions de personnes ont été déportées par le régime soviétique. Les atrocités commises par les soldats russes dans les villes ukrainiennes sont choquantes. Il semble que le Kremlin cherche délibérément à exterminer des hommes et des femmes parce qu’ils et elles sont Ukrainiens et Ukrainiennes. Nous ne pouvons pas accepter de tel actes dans l’Europe d’aujourd’hui. Alors que faire pour mettre fin à cette souffrance ?

Bien sûr, inculper un soldat pour avoir commis un crime de guerre est essentiel. Mais il est, en définitive, de la plus haute importance de demander des comptes au dirigeant politique qui a ordonné cette guerre illégale et non provoquée, ainsi qu’aux commandants militaires et à leurs alliés. Le président Poutine et son adjoint Loukachenko doivent être tenus responsables et jugés.

Il est clair et regrettable que les instruments juridiques actuels ne suffisent pas à punir les agresseurs. Le monde démocratique doit trouver un moyen de traduire les auteurs en justice, comme cela a eu lieu à Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale.

Par conséquent, nous devons combler cette lacune et créer un tribunal spécial qui aurait une compétence spécifique sur le crime d’agression contre l’Ukraine

Aujourd’hui, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis pendant la guerre de la Russie contre l’Ukraine font l’objet d’une enquête de la CPI. A la différence d’autres préventions internationales fondamentales, la CPI est confrontée à des difficultés évidentes pour obtenir la compétence sur le crime d’agression – et ce pour diverses raisons. Par conséquent, nous devons combler cette lacune et créer un tribunal spécial qui aurait une compétence spécifique sur le crime d’agression contre l’Ukraine.

Des négociations ont lieu actuellement sur la manière de mettre en place un tel tribunal afin qu’il ait une légitimité globale. Cela pourrait se faire soit par l’intermédiaire d’un organisme international comme les Nations Unies, soit sous les auspices d’un ensemble d’États agissant ensemble, comme ce fut le cas avec le tribunal de Nuremberg, créé en 1945 par l’Union soviétique, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.

Le Parlement européen a récemment voté en faveur de la prolongation du mandat d’Eurojust, l’Agence de l’UE pour la coopération judiciaire en matière pénale, et lui a conféré de nouveaux pouvoirs. Ces nouveaux pouvoirs permettront à l’agence de préserver, de stocker et d’analyser les preuves liées aux crimes de guerre, au génocide et aux crimes contre l’humanité. En raison des hostilités en cours, le risque que les preuves relatives aux crimes de guerre ou aux crimes contre l’humanité ne puissent pas être stockées en toute sécurité sur le territoire de l’Ukraine existe, et il est donc approprié d’établir un stockage central dans un endroit sécurisé.

En vertu des nouvelles règles, Eurojust pourrait également traiter des données relatives à ces types de crimes et partager les données avec la CPI et d’autres organisations internationales, ainsi qu’avec les autorités des États membres de l’UE. Cependant, l’extension du mandat d’Eurojust ne couvre que trois des quatre crimes reconnus dans le Statut de Rome, pierre angulaire de la CPI. Le mandat d’Eurojust doit donc être ajusté pour inclure le crime d’agression.

Il ne peut exister d’impunité pour les crimes de guerre en Ukraine. Les personnes qui en sont responsables doivent répondre de leurs actes face à la justice. La communauté internationale doit prendre toutes les mesures possibles pour punir les auteurs et rétablir la justice afin que « Plus jamais ça ! » ne reste pas une promesse oubliée.

Benoît Lutgen, Jeroen Lenaers et Rasa Juknevičienė, eurodéputés

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