Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: pas d’entorses au néerlandais standard à la VRT

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Pas question pour la chaîne publique de l’audiovisuel flamand d’admettre dans sa programmation l’usage d’une « tussentaal », cette variante moins « noble » que le néerlandais standard qui s’enseigne à l’école et s’emploie dans la sphère publique. Le ministre des Médias, Benjamin Dalle (CD&V), soutenu par une très large majorité du monde politique, a fermé la porte à une velléité d’assouplissement de la norme linguistique manifestée par la conseillère linguistique de la VRT au nom d’une adaptation à l’évolution langagière de la société.

Sitôt dit sitôt recadrée. La conseillère en matière linguistique de la VRT aura pris un peu vite l’un ou l’autre désir et l’une ou l’autre manifestation d’assouplissement pour une prochaine réalité. Il n’en sera rien, la sentence est tombée en guise de rappel à l’ordre assené par le ministre flamand des Médias en personne, Benjamin Dalle (CD&V): «Le néerlandais standard est et reste la norme des programmes de la VRT.» Il continue de mériter le respect jusque sur les plateaux de télévision et devant les micros de la radio.

C’est que l’évidence ne saute plus aux yeux en Flandre. Le «Standaardnederlands» avec un grand S, la forme «noble» du néerlandais qui s’enseigne dans les écoles et fait autorité dans la sphère publique, subit la concurrence toujours plus rude d’une variante intermédiaire, quelque peu dégradée sans aller jusqu’à verser dans le dialecte. Cette «tussentaal» dégage un côté sympa, cool, branché, qui en fait sa popularité au quotidien, par contraste avec l’usage du bon/beau langage connoté austère, pompeux, ringard, bon pour les élites, politiques, magistrats, profs ou fonctionnaires. La cohabitation peut mener loin, jusqu’à devoir sous-titrer en néerlandais normé certains programmes télévisés afin de les rendre intelligibles au commun des mortels flamand.

Le monde politique, dans une quasi- unanimité, se cabre à l’idée de voir proliférer cette dérive langagière.

Le ministre Dalle a cru en perdre son Standaardnederlands en découvrant que ce registre langagier plus familier pourrait devenir tendance au sein de la chaîne publique de l’audiovisuel flamand. Le tolérer rendrait sans doute la VRT plus en symbiose avec la façon dont on cause entre potes, au bistrot, au foot ou à la salle de sport. A quoi bon, d’ailleurs, résister à l’air du temps alors que la tussentaal s’invite déjà sans autorisation dans certaines émissions? A ce propos, Tom Waes, présentateur-vedette de la série historique à succès Het Verhaal van Vlaanderen, actuellement diffusée sur la VRT, ne contribue pas peu à jeter ce minipavé dans la mare linguistique, par son parler mâtiné de patois anversois qui en irrite plus d’un. Parmi les agacés, Geert Bourgeois (N-VA), eurodéputé et ex-ministre-président flamand, a jugé ce laisser-aller «navrant» et à coup sûr indigne de la narration du riche passé de la Flandre.

Le monde politique, dans une quasi- unanimité de la droite à la gauche, se cabre d’ailleurs à l’idée de voir proliférer cette dérive langagière dans la programmation de la VRT. Ne pas l’étouffer dans l’œuf équivaudrait à une rupture du contrat de gestion. A l’heure où le ministre de l’Enseignement, Ben Weyts (N-VA), (re)fait de la maîtrise défaillante du néerlandais le fer de lance des programmes scolaires, à l’heure où l’inburgering fait de l’apprentissage de la langue de Vondel un élément clé du kit d’intégration des nouveaux arrivants en Flandre, il serait malvenu d’autoriser la VRT à assouplir son rôle exemplaire de gardienne du néerlandais standardisé, ce que la chaîne publique jure n’avoir jamais sérieusement envisagé. C’est dit: sa charte linguistique maintiendra la tolérance à la tussentaal à sa juste place sur ses antennes, dans le registre de la fiction ou de l’humour. Punt aan de lijn.

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