Bertrand Candelon

Pourquoi un plafonnement des prix de l’énergie ne peut être généralisé

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Face à l’augmentation des prix de l’énergie, de plus en plus de ménages et d’entreprises n’arrivent plus à assumer leurs factures, entraînant ainsi une perte de pouvoir d’achat et de compétitivité dommageables pour notre économie. Bien sûr, ce choc est partiellement amorti grâce au mécanisme d’indexation automatique des salaires, qui reporte une partie du coût de l’inflation sur les employeurs et en particulier l’Etat.

Dans cet environnement, l’idée d’un plafonnement des prix de l’énergie peut paraître séduisante. En effet, il permettrait de réduire la facture énergétique des ménages et des entreprises, mais aussi d’annuler les prochaines indexations des salaires et d’ainsi limiter l’impact sur la compétitivité.

Le plafonnement consiste à imposer un prix de vente au consommateur final inférieur au prix du marché. Il peut se faire de deux façons: soit l’Etat finance directement l’écart de prix, soit les fournisseurs sont invités à faire un effort et à vendre en deçà du cours du marché. La situation budgétaire de la Belgique dans un environnement de hausse des taux d’intérêt rend impossible le plafonnement par une compensation de l’Etat. On peut regretter que notre marge budgétaire n’ait pas été plus importante en 2019 de façon à pouvoir soutenir l’économie comme le font nos voisins allemands. Les marchés de matières premières énergétiques étant mondialisés et la Belgique étant petite et ne disposant ni de gaz ni de pétrole, une contrainte sur les fournisseurs d’énergie pourrait les inciter à se détourner de notre pays, engendrant ainsi une pénurie. La mise en place d’un plafonnement des prix de l’énergie se révèle donc très périlleuse et inefficace à l’échelle nationale. Pour qu’il soit applicable, ce blocage devrait nécessairement se décider à l’échelon européen. En effet, cela permettrait de relâcher la contrainte budgétaire, par exemple par le biais d’un nouveau programme d’émission de dette commune, et de rendre la négociation avec les fournisseurs plus équitable – il est peu probable qu’ils refusent de fournir l’ensemble des Vingt-Sept.

Outre sa mise en place difficile, le blocage des prix casse le signal prix (le vrai coût de l’énergie) et augmente la consommation ainsi que nos émissions de CO2, ce qui va à l’encontre de nos objectifs en matière de transition climatique. De même, un plafonnement des prix ne permet pas de cibler les bénéficiaires prioritaires, qui en ont le plus besoin. Au contraire, il profite aux plus gros consommateurs (on parle alors de régressivité) et décourage les investissements verts. Pour être efficace, un plafonnement ne peut donc être généralisé mais doit être ciblé et lié aux quantités consommées.

D’autres actions semblent plus adaptées, principalement à l’échelon européen.

Bien que séduisante, la mise en place d’un plafonnement à l’échelon belge pourrait s’avérer dommageable. D’autres actions semblent nettement plus adaptées, principalement à l’échelle européenne (taxe sur les rentes, réforme du marché de l’électricité…). En Belgique, elles passent par une hausse du pouvoir d’achat et de la compétitivité, par des actions ponctuelles – des chèques ciblés sur la consommation, par exemple – si l’augmentation des prix estmomentanée, ou par une baisse de la fiscalité – de type réduction du taux d’imposition sur la première tranche d’imposition – si la situation devait perdurer. Cette dernière mesure permettrait, en outre, d’améliorer le taux d’activité et de lutter contre le piège à l’emploi qui pénalise notre pays.

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