Joseph Ndwaniye

Mondial, boycott, pétrole et Maroc (chronique)

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

On retiendra du Mondial quelques images fortes, dont la performance du Maroc, premier pays africain à atteindre les demi-finales. Mais aussi l’appel au boycott, les droits humains bafoués et l’enjeu du pétrole. Aujourd’hui, c’est dans les coulisses du Parlement européen que le spectacle continue.

A l’ approche du Mondial de football 2022 au Qatar, une indignation virtuelle et massive a embrasé les réseaux sociaux. Il a suffi que quelques personnes influentes allument la mèche «boycott» pour que le feu se propage à toute vitesse. Des internautes qui, d’habitude, n’étaient pas intéressés par le foot se sont levés comme un seul homme pour rallier le mouvement.

Boycott est devenu, en l’espace de quelques heures, le mot qu’il était de bon ton d’afficher sur sa page virtuelle. Certains se sont aussitôt félicités de la soudaine prise de conscience du problème des droits bafoués tant des travailleurs étrangers et des homosexuels que des femmes. D’autres n’y ont vu que de l’opportunisme, car douze ans plus tôt, lors du choix du Qatar par la Fifa, aucun d’eux n’avait bronché. Seules quelques critiques s’étaient élevées à propos des fortes chaleurs d’été qui risquaient d’éprouver les joueurs. Le Mondial avait donc été exceptionnellement déplacé en hiver, bouleversant l’agenda des autres compétitions. Les passionnés qui avaient suivi en direct les résultats du vote étaient étonnés de l’éviction d’autres candidats qui, eux, pouvaient mettre en avant une culture footballistique.

Ils ont omis de souligner la dépendance des pays occidentaux au pétrole qui coule à flots dans les oléoducs.

Les médias ont abondamment relayé l’absence de respect des normes internationales du travail sur les chantiers de construction des stades. Mais ils ont omis la plupart du temps de souligner la dépendance des pays occidentaux au pétrole qui coule à flots dans les oléoducs. Quand les as du foot sont entrés en scène pour aligner des passes et marquer des buts, la plupart ont subitement été pris d’amnésie collective afin de ne pas risquer d’être hors-jeu. L’opinion publique s’est déchargée de la responsabilité sur les Etats qui ont choisi de faire participer leur équipe…

Puis il y eut celle du Maroc, héroïque. Premier pays africain à atteindre les demi-finales d’une Coupe du monde. Avant eux, les joueurs camerounais avaient réalisé l’exploit d’atteindre les quarts de finale en 1990. Les Sénégalais les avaient imités en 2002 et les Ghanéens en 2010. La cerise sur le gâteau fut le face-à-face entre les deux stars de la compétition, Mbappé et Messi, dans la finale opposant l’Argentine à la France. Le Brésil, l’autre favori, avait été recalé en quarts de finale, et la Belgique, pourtant outsider, n’a même pas franchi la phase des poules, nous laissant dans la nostalgie de 2018 où nous avions atteint les demi-finales. J’ai continué à tendre l’oreille mais je n’entendais plus que des murmures à propos des milliers de morts sur les chantiers de construction.

Les voix dissonantes s’étaient mêlées à celles, tonitruantes, des commentateurs et aux cris d’un public conquis. A peine les crampons des finalistes raccrochés, un autre spectacle a créé une nouvelle polémique: le geste jugé outrancier, voire insultant, d’un vainqueur (le gant d’or du meilleur gardien érigé comme un phallus). Et le slogan «Et un et deux et trois zéro» des Français après la victoire contre le Brésil en 1998, oublié?

Le spectacle continuait quelques jours plus tard, cette fois-ci dans les coulisses de l’honorable Parlement européen. La vice-présidente, Eva Kaili, a été interpellée et même écrouée, soupçonnée de s’être laissé corrompre par le Qatar au point d’avoir osé faire l’éloge du pays en matière de droit du travail. Malgré ces controverses, il se dit que cette édition 2022 fut l’une des plus réussies depuis la création de la Coupe du monde en 1930.

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