Thierry Fiorilli

Coupe du monde

Les petits pains à coller et l’album de la Coupe du monde 2022 (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Parfois, ça ne tient qu’au mot. Le son qu’il joue évoque des enchantements. C’était ça avec «panino», au pluriel «panini», soit «petit pain» ou «sandwich». Quand la nonna demandait «lo vuoi il panino?», ou annonçait qu’il y avait «i panini», rien que comme elle le disait – «il paniino», «i paniini», avec après le «a» un «n» et demi – on en avait déjà un en bouche, même s’ils n’étaient pas encore préparés. C’étaient les meilleurs, juste à l’ouïe. Comme les parfums plus précieux que ce qui les exhale. On ne pouvait donc que s’engouffrer dans les collections Panini Coupe du monde de foot. En plus, c’était seulement une fois tous les quatre ans. Les pochettes sentaient bon quand on les ouvrait. Et les drapeaux qu’on découvrait! Et ces joueurs qu’on aimait bien à cause de leur nom, ou de leur dégaine. Et ceux avec une mine de truand, ou déjà d’un autre temps, on aurait dit les pères des chauffeurs de car des équipes. Et ceux qu’on avait sept fois, ou jamais. On collait consciencieusement, mais quand même souvent de travers.

Ce sont surtout les 6 -12 ans qui collectionnent. Et c’est le Brésil 2014 qui a le mieux marché.

Et puis, on a commencé à collectionner les expériences de la vie. Tellement que plus de place pour les figurines. Après, on a un peu poussé pour que les enfants s’y mettent. Mais ça les passionnait moyen, et on a fait nous-mêmes les trocs avec les autres parents. Aujourd’hui, ils entament leur propre collection d’expériences, de la vie, donc, «ton truc-là…».

Alors, quand il y a eu lancement de l’album Qatar 2022, au siège de l’Union belge de football, à Tubize, on y est allé. Comme on accepte de remonter le temps. Le CEO de Panini Belgique, Thierry de Latre du Bosqueau, y a dit que c’était la 14e édition, 300 000 exemplaires imprimés chez nous, pochettes écologiques et 638 stickers. Que ce sont surtout les 6-12 ans qui collectionnent. Que «la plupart veulent compléter l’album pour le premier match». Que c’est le Brésil 2014 qui a le mieux marché. Qu’une édition World Cup «représente une augmentation de notre chiffre d’affaires de presque 50% une bonne année». Que toutes les vignettes sont tirées en même quantité. Que la situation économique et les questions éthiques, «ça fait partie des risques». Scandale ou non, il fallait une collection, «sous peine de perdre notre licence» avec la Fédération internationale de football.

Le manager commercial de l’Union belge a expliqué, lui, qu’il était très fier: c’est le quatrième album de rang avec les Diables, alors qu’en Italie, hum, et pour la deuxième fois d’affilée, hein… On a pensé intervenir – ja, ja, mais elle, elle boycotte quand c’est dans des pays pas bien, la Russie il y a quatre ans et maintenant le Qatar! Mais on s’est dit bah.

Alors, on a fui dans une trattoria pas loin. Le type a dit «y a plus rien sauf i panini». Avec un «n» et demi. Ça a été tout de suite mieux. On a ouvert l’album et on y a collé la première figurine, page 69. A peu près droit. Un attaquant du Ghana (drapeau rouge-jaune-vert, à l’horizontale, étoile noire au milieu). Kamaldeen Sulemana. Un nom d’histoire de princes, de dragons et de rivages orangés.

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