Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Les suicides forcés, cet aspect ignoré des violences conjugales

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ils ne tuent pas leurs femmes. Pas directement. Mais à force de violences, de harcèlement, ces maris/compagnons les poussent à mettre fin à leurs jours. Ces suicides forcés sont l’angle mort des violences faites aux femmes.

Et si c’était, par exemple, un patron qui tuait un employé? En le rouant de beignes, en lui collant une balle, peu importe. Ça se passerait tous les cinq jours, en moyenne. Dans les riches multinationales comme dans les modestes PME. Après des années à avoir harcelé son salarié, un boss finirait par l’abattre, au bureau. Ça ferait la une des journaux, des JT. Puis des sociologues seraient massivement interrogés, les mécanismes de la violence sur le lieu de travail seraient précisément disséqués, les ministres feraient une priorité urgente de ce qui finirait probablement par être nommé «salaricide» ou «employicide». L’opinion s’émouvrait massivement de ce phénomène de société. Comment est-ce possible? Dans un pays civilisé? Comment peut-on accepter que 172 travailleurs, au moins, soient décédés ces cinq dernières années sous les coups de leurs supérieurs?

Et si c’était, par exemple, un patron qui tuait un employé? En le rouant de baignes, en lui collant une balle, peu importe.

Comment peut-on accepter que cela ne bouleverse personne, socialement parlant, lorsqu’il s’agit des féminicides? Mêmes chiffres: un crime tous les cinq jours, 172 décès ces cinq dernières années. Et tant de gens s’en fichent. Comme si crever torturée par un mari, un conjoint, un ex faisait partie de la condition féminine. Fatalisme. Ça fait certes parfois la Une, mais seulement de certains journaux, d’autres minimisant encore le phénomène, à grand renfort de titres racoleurs, genre «Yvonne (46) décongèle accidentellement des frites: elle est étranglée, démembrée et jetée dans des sacs-poubelle, son mari connaît sa peine…». Les ministres en font une telle priorité que les propositions de loi se succèdent depuis des années sans jamais avoir être adoptées.

Mais ça y est. La loi «stop féminicide», portée par la secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres, Sarah Schlitz (Ecolo), a du moins été acceptée en première lecture par le Conseil des ministres, le 28 octobre. Dans quelques semaines, plus probablement mois, la Belgique comptera ses mortes. Enfin. Sérieusement, et non plus en laissant cette tâche reposer sur les coupures de journaux compilées par les militantes de Stop Féminicide. Une nouvelle victoire féministe.

Ce futur recensement, s’il se met effectivement et correctement en place, révélera probablement une réalité malsaine, des chiffres dérangeants. Et, peut-être, un phénomène souvent complètement ignoré: le suicide des femmes violentées, persécutées, harcelées par ceux qui étaient censé les aimer. Ils ne poussent pas directement sur la gâchette, ne portent pas le coup de poing fatal. Mais, sans eux, elles seraient toujours là.

Le journal français Libération a récemment consacré un dossier à ce sujet. «Les auteurs de violence menant au “suicide forcé” sont souvent des hommes, qui aimeraient être dominants mais se sentent impuissants. Et qui, quand ils ne sont pas bien, vont décharger sur l’autre leurs tensions intérieures, y explique la psychiatre Marie-France Hirigoyen, autrice d’un ouvrage sur l’emprise. Dans le cas du suicide forcé, c’est “T’es tellement moche, t’es tellement bête, que tu ferais mieux de te foutre en l’air”. Ces femmes n’en peuvent plus et finissent par avoir envie de se tuer.»

En France, la justice est confrontée à quelques affaires de ce type, comme le suicide de l’influenceuse Mava Chou. Mais, évidemment, nul n’a de vision globale du phénomène. En Belgique, la future loi «stop féminicide» promet de s’y intéresser.

Combien d’articles, combien de sociologues interrogés, combien de déclarations ministérielles outrées y a-t-il eu, encore, dans le cadre de l’affaire des 35 suicides constatés en 2008 et 2009 chez France Télécom ?

Stérilisation forcée

Elles seraient environ 4 500. De jeunes Inuits qui, parfois, venaient étudier sur le continent et se retrouvaient, de force, à se faire poser un stérilet. L’affaire, révélée par une série de podcasts, agite le Groenland et le Danemark. Cette politique visant à limiter la natalité dans le territoire arctique s’est déroulée entre les années 1940 et 1975, alors que le premier territoire était toujours sous la tutelle du second. Alors que le gouvernement danois a accepté d’ouvrir une enquête, les victimes réclament désormais justice.

70%

des personnes atteintes de fibromyalgie en Belgique sont des femmes, soit près de 200 000. Une maladie officiellement reconnue il y a vingt ans, qui se caractérise par des douleurs chroniques et une fatigue intense. Ses causes restent méconnues et les traitements inexistants. Il faudrait, en moyenne, quatre à cinq ans avant que le bon diagnostic soit posé, selon le professeur Etienne Masquelier (UCLouvain), interrogé par levif.be. Certains médecins resteraient même sceptiques quant à l’existence de la maladie. Parce que 70% des personnes atteintes sont des femmes?

Stéréotypes @work

Alors que les femmes, en France, ont (virtuellement) commencé à travailler gratos le 4 novembre (merci l’écart salarial), une étude de Zety, cabinet de conseil en recherche d’emploi, confirme la persistance des stéréotypes sexistes dans le monde du travail. Ainsi, 41% des sondées pensent ne pas avoir reçu d’augmentation salariale en raison de leur sexe, tandis que 42% estiment ne pas avoir été promues pour la même raison. Une dernière stat pour la route: 46% considèrent que leur sexe est une raison pour laquelle elles n’ont pas été embauchées.

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