Nicolas De Decker

La certaine idée: la suppléance, ce facteur de renouvellement démocratique

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le gouvernement wallon n’a pas tenu sa promesse de supprimer les suppléants des listes électorales. Cette suppression était censée aider au renouvellement démocratique. En fait, elle aurait encore plus favorisé les sortants, les « fils de » et les barons locaux.

Comme autour d’un totem, on parle beaucoup tout en tournant en rond de régénérer la démocratie. Mais ces formules rituelles sont une mode du temps dans la mode du temps. On en parle toujours en avançant les mêmes vieilles idées tout en prétendant qu’il faut de nouvelles idées.

Toujours les mêmes, ces idées émergent du brouhaha maugréeur que dégagent journaux, réseaux sociaux et télévisions. Ces incantations sont, par exemple, la fin des suppléants, le tirage au sort ou les mécanismes de démocratie participative. Et ces sempiternelles idées régénératrices ont en commun de n’avoir aucune chance de régénérer quoi que ce soit et, surtout, de renforcer les causes qu’elles prétendent combattre.

Renforcer les causes

Leurs conséquences pratiques, nécessairement, contredisent leur intention théorique.

Ainsi du tirage au sort et de la démocratie participative, réputés élargir la délibération publique, et donc en dessaisir ceux qui l’avaient confisquée, mais qui ne sert jamais, au fond, que certaines catégories sociales, les mieux dotées: parce qu’ils sont accessibles à tous ceux qui veulent, c’est-à-dire pas beaucoup, ces outils ne sont en fait utilisés que par ceux qui savent, c’est-à-dire très peu.

Et ainsi aussi de la suppléance, présentée comme un apanage de particrates, donc comme un frein au renouvellement qu’empêcheraient les partis politiques et leurs hiérarques, soucieux de conserver leurs privilèges de caste. Or, elle est un moyen plutôt qu’un frein. Parce qu’elle émancipe des voix de préférence, la suppléance permet de promouvoir d’autres profils que les intangibles sociotypes qui colonisent nos nombreux parlements.

Eux font à tous les coups plus de voix que les autres, et on les récompense en conséquence: les sortants, les barons locaux et les enfants nés dans la famille qu’il faut. Pourtant, l’accord de coalition wallon prévoyait de supprimer les candidats suppléants des listes présentées aux élections régionales. Ils figureront encore sur les listes de juin 2024, et c’est toujours un échec ravageur qu’une majorité ne parvienne pas à décider ce qu’elle a promis de décider.

Ce sont surtout, au gouvernement wallon, les verts et les bleus qui prônaient la suppression de ce détournement particratique au profit d’un classement par les voix de préférence prétendument plus démocratique et plus régénérateur. Le PS wallon, ses efforts en matière de régénération démocratique et de renouvellement politique n’étant plus à prouver (ATTENTION C’EST UNE BLAGUE), a défendu durement la suppléance et les suppléants (ET CA CE N’EST PAS UNE BLAGUE).

Et c’est vrai que, souvent, le PS wallon place de bons petits soldats à une généreuse suppléance en récompense de services rendus, et que leur élection ne renouvelle rien et régénère encore moins.

Mais c’est vrai surtout que sans la suppléance, les carrières de personnes aussi peu régénérantes et renouvelantes que, par exemple, Sophie Wilmès ou Georges-Louis Bouchez, n’auraient jamais commencé, parce que les deux grands chefs bleus n’étaient ni sortants, ni barons locaux, ni enfants nés dans la famille qu’il faut. Peut-être faudrait-il un jour oser le rappeler avant de tourner autour d’un totem dans un brouhaha maugréeur.

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