Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: les manières énervantes du PTB

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le PTB est très offensif sur les pensions et autres avantages octroyés aux mandataires politiques, à grand renfort d’indignation feinte et de raccourcis parfois grossiers. Mais est-ce vraiment ça le problème?

C’est vrai qu’elles sont énervantes, les manières du PTB.

Cet air d’avoir tout inventé, tout découvert, d’avoir toujours raison, cette manière de salir une cause souvent juste en la rendant toujours fausse, ce sens si travaillé de la carabistouille, si exercé qu’on n’arrive pas à y croire tellement ils veulent qu’on arrive à y croire, non, vraiment, c’est énervant tellement ils font semblant.

Et quand ils font croire qu’ils ont découvert sur une feuille de papier volante, écrite au Bic, une décision d’augmenter les pensions des députés qui aurait été prise en cachette «sur un coin de table», comme ils disent, ils racontent encore des carabistouilles avec leurs manières énervantes.

Car il n’y a pas eu de découverte. Ce généreux système des pensions allouées aux députés est tout à fait légal, et à cet égard public.

Et les pensions des députés n’ont pas été augmentées au cours de cette réunion. Elles ont, en fait, plutôt été diminuées (la durée de cotisation a doublé, et l’âge de la pension est passé de 55 à 62 ans) à ce moment. Le fameux plafond de «120%» n’est même pas une dérogation cachée, mais plutôt une limite: jusque-là, la «rente» des députés retraités d’une carrière mixte n’était pas plafonnée.

Et la décision n’a pas été consignée au Bic sur une feuille de papier volante. Elle n’est que la transcription de dispositions légales et réglementaires assez facilement accessibles, et la feuille brandie comme un pacte secret n’est qu’une annexe – probablement les notes d’un des fonctionnaires qui y assistaient – au procès-verbal de la réunion. Le procès-verbal en question, cela dit, manque: cela ne change rien au fond du trucage.

Le journal Le Soir du 22 avril a très implacablement démontré tout ce qui précède.

La démonstration de nos confrères a été suivie d’un torrent unanime d’insultes, lancées au PTB par ceux qu’il accusait d’avoir collectivement profité d’un entre-soi de caste captatrice pour se remplir les poches encore plus qu’elles ne l’étaient déjà.

Les mandataires des partis que le PTB qualifie de «traditionnels» qualifièrent alors le PTB de «populiste» et de «poujadiste», de «démagogue» et de «semeur de haine», d’«apôtre des solutions faciles» et de «danger pour la démocratie».

Tous les partis sont très énervés par les manières énervantes du PTB. Et là, ils étaient comme contents d’avoir trouvé l’occasion de les confondre, ils l’ont fait tous ensemble, exactement comme le PTB leur reproche de faire leurs affaires tous ensemble.

Comme quand ils taxent les mandataires du PTB de mensonge parce qu’ils vivent avec 2 000 euros par mois alors qu’ils avaient dit qu’ils vivaient avec 1 800 euros par mois, et qu’eux-mêmes le font avec environ trois fois plus. Ils sont si sûrs d’eux, si fiers d’avoir raison, qu’ils croient les contredire alors qu’ils renforcent leur propos.

Avec cette vraie candeur qu’ont parfois les arrogants, depuis la révélation que cette révélation n’en était pas une, ils hurlent que ce n’est pas une découverte parce que ce système existe depuis longtemps, et ce faisant ils démontrent que ce système existe depuis suffisamment longtemps pour ne pas les avoir assez dérangés pendant tout ce temps.

Ces grands assauts de colère même pas feinte, manifestations d’un honneur outragé, leur donnent encore plus l’air d’émarger à une élite qui s’offusque que l’on présente ses avantages comme immérités. Alors qu’ils ne sont que beaucoup trop importants.

Parce que c’est vrai qu’elles sont énervantes, les manières du PTB. Mais, entre ceux qui peuvent profiter d’avantages beaucoup trop importants, quand bien même ils seraient tout à fait légaux et à cet égard publics, et ceux qui les dénoncent, fût-ce en racontant des carabistouilles, qui c’est qui a vraiment les manières les plus énervantes?

Nicolas De Decker est journaliste au Vif.

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