Nicolas De Decker

En Flandre, le PS est la pierre philosophale

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Pour certains flamands, tout est la faute du PS, y compris la progression du Vlaams Belang. Quand le PS est dans l’opposition, c’est parce qu’il est dans l’opposition que le Vlaams Belang progresse. Et quand le PS est au pouvoir, c’est parce qu’il est au pouvoir que le Vlaams Belang progresse.

La folie, c’est de répéter les mêmes choses et de s’attendre à un résultat différent, n’a pas dit Albert Einstein, qui était un vrai socialiste mais dont la plupart des citations que vous voyez passer sur les réseaux sociaux sont fausses, fussent-elles d’une incontestable pertinence méthodologique.

Est-ce parce que ce physicien de génie se revendiquait socialiste qu’acteurs et observateurs de droite considèrent avec une crâneuse relativité cette implacable guideline apocryphe qui postule, le plus simplement du monde, que les mêmes causes produisent les mêmes effets, et que si ce n’est pas le cas, les deux phénomènes ne présentent pas de lien de causalité?

Car dans la réalité molle de l’éditocratie flamande, dans l’honnêteté fissile des partisans de la droite âpre, dans la dialectique restreinte des Einstein des réseaux sociaux, on semble tenir pour une loi une folie. Celle de s’attendre à ce que les choses différentes répètent le même résultat.

Supposons, par un effort puissant d’imagination, un gouvernement sans le Parti socialiste. Un gouvernement fédéral de droite. De droite comme l’ était le gouvernement Michel. Supposons qu’il augmente l’âge de la pension légale, qu’il impose des économies aux hôpitaux, qu’il bloque l’indexation des salaires et qu’il réduise les moyens des chemins de fer, de la justice et de la police. Supposons aussi qu’il diminue l’impôt des sociétés et qu’il durcisse les conditions d’accès au revenu d’intégration sociale.

Mais supposons encore que ce gouvernement n’ose pas faire davantage que cela, supposons que le PS s’y oppose tout de même, supposons que le Vlaams Belang aussi, et qu’il remporte les élections suivantes.

Dans certaines consciences flamandes, une cause, le fait que le PS se soit opposé à ce gouvernement de droite, aurait produit un effet, la victoire, par entraînement mimétique, du Vlaams Belang.

Imaginons alors, par un généreux exercice d’inversion, un gouvernement avec le Parti socialiste. Un gouvernement fédéral qui ne serait pas de droite, mais pas de gauche non plus. Un gouvernement de rien comme l’est le gouvernement De Croo. Imaginons qu’il ne touche pas à l’âge de la pension, qu’il n’impose pas trop d’économies aux hôpitaux, qu’il ne bloque pas l’indexation des salaires, et qu’il ne réduise pas de beaucoup les moyens des chemins de fer, de la justice et de la police. Imaginons aussi qu’il ne diminue pas l’impôt des sociétés, et qu’il ne durcisse pas trop les conditions d’accès au revenu d’intégration sociale.

Mais imaginons encore que ce gouvernement ne puisse pas faire davantage que cela, supposons que le PS le défende néanmoins, supposons que le Vlaams Belang le réprouve, et qu’il remporte les élections prochaines.

Eh bien, dans les mêmes consciences flamandes, une cause, le fait que le PS soutienne ce gouvernement de rien, aura produit un effet, la victoire, par réaction agonistique, du Vlaams Belang.

Il ne faut pourtant pas être Einstein pour voir que deux causes opposées ne peuvent pas produire le même effet. C’est parce qu’Einstein était socialiste, peut-être, mais pour ces consciences flamandes, si, elles le peuvent.

Parce que leur métaphysique politique n’obéit qu’à une unique formule philosophale: la cause de tout problème flamand ne peut jamais être que le PS.

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