Carte blanche

Pourquoi l’interdiction d’exporter compromet le recyclage des plastiques en Europe

Un projet de réglement européen vise à interdire les exportations de plastique en dehors de l’EU. Pour Maarten Geerts, de la fédération belge des entreprises actives dans le traitement et le recyclage des déchets, cette décision serait une fausse bonne idée, car elle concernerait aussi les plastiques recyclés. Explications.

Les transferts illégaux de déchets plastiques représentent une menace pour le secteur des déchets et du recyclage en Europe. Ils nuisent au bon travail des entreprises qui respectent les règles et investissent pour traiter les déchets plastiques de la meilleure façon possible. En effet, les entreprises européennes, et notamment belges, disposent de nombreuses technologies et capacités pour recycler et traiter ces déchets plastiques.

L’étendue de cette menace a été révélée en janvier. Le Parlement européen a approuvé un projet de règlement visant à interdire les exportations de plastique en dehors de l’UE. Ce faisant, le Parlement européen lance un pavé dans la marre. En effet, une triste conséquence de cette décision est que les plastiques recyclés seront également touchés par cette interdiction. Dans le monde entier, l’industrie utilise ces matériaux triés et purifiés comme ingrédients pour remplacer les matières premières primaires dans la production de produits en plastique ; pour ainsi permettre d’économiser de l’énergie et réduire les émissions de CO2. Tant que des critères harmonisés du statut de fin de vie des déchets ne seront pas établis au sein de l’UE, ces matériaux issus du recyclage seront toujours classés comme des déchets et ne pourront donc plus quitter l’UE.

Les politiciens veulent-ils encore marquer des points avant les élections de 2024 ? Il n’est pas trop tard pour empêcher que la libre circulation des matériaux recyclés soit affectée par cette interdiction d’exportation ! Les autorités belges et européennes peuvent imposer l’utilisation de plastique recyclé au lieu de plastique vierge.

Le meilleur moyen d’assurer un traitement écologiquement rationnel des déchets plastiques est d’accroître la viabilité économique du recyclage des plastiques. Alors que les prix du marché mondial des matières premières extraites sont très volatils et sont soumis à une demande très fluctuante, les engagements volontaires des fabricants en faveur de l’adoption de plastiques recyclés se sont avérés inefficaces par le passé. Les avantages environnementaux et climatiques des plastiques recyclés ne sont pas internalisés dans les prix, ce qui entraîne un désavantage concurrentiel par rapport à l’extraction de matières premières. Des objectifs obligatoires de contenu recyclé pour les plastiques sont les mieux adaptés pour garantir la sécurité des investissements et de la planification en vue de l’augmentation des capacités de recyclage des plastiques en Europe. L’établissement d’objectifs obligatoires de contenu recyclé pour les bouteilles en PET dans la directive sur les plastiques à usage unique (SUP) a entraîné une augmentation massive des investissements dans le secteur du recyclage des plastiques de l’UE, créant de nouveaux emplois durables et locaux dans l’UE et augmentant le recyclage et la circularité des plastiques. Grâce à la stimulation de la demande, le recyclage des plastiques renforcera les conditions économiquement viables pour le secteur, augmentant ainsi les capacités de recyclage et réduisant le risque d’une gestion non écologique des déchets plastiques générés dans l’UE. En tout état de cause, fixer des objectifs de contenu recyclé obligatoires pour les produits en plastique au sein de l’UE ne justifie pas en même temps une interdiction d’exportation de tous les plastiques recyclés en dehors de l’UE et de l’AELE.

En plus, en stimulant l’utilisation des plastiques recyclés, nous rendons la production de plastiques plus respectueuse de l’environnement, utilisant moins de matières premières primaires et de consommation énergétique, et donc, en émettant moins de CO2.

Par rapport à l’extraction de matières premières importées de pays tiers pour la production européenne de plastique, le recyclage des plastiques réduit considérablement les émissions de CO2 et la consommation tant d’énergie que d’eau. A titre d’exemple, le recyclage d’une tonne de plastique permet d’éviter 2,5 tonnes de CO2 par rapport à la production à partir de matériaux vierges, et 2,7 tonnes d’émissions de CO2 par rapport à l’incinération. Grâce à l’adoption de nouveaux processus de production, les plastiques recyclés peuvent contribuer à économiser 83 % d’énergie et 70 % d’émissions de CO2.

La restriction de l’accès aux marchés internationaux pour les plastiques recyclés de haute qualité ne signifierait non seulement une diminution du recyclage des plastiques en raison d’un marché réduit pour le recyclage des plastiques au sein de l’UE, mais également, avec des conditions économiquement moins viables pour le recyclage des plastiques, la collecte de nombreux matériaux de qualité diminuerait, ce qui entraînerait une augmentation des déchets plastiques incinérés ou mis en décharge. Des restrictions injustifiées à l’exportation de plastiques recyclés fausseraient encore plus la concurrence au profit des matières premières extraites, ce qui entraînerait davantage d’émissions de CO2 et donc plus de dommages pour l’environnement et la santé humaine.

Maarten Geerts, communication manager de Denuo, la  fédération belge des entreprises actives dans le traitement et le recyclage des déchets

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