Nicolas de Pape

Nomination d’Hadja Lahbib : une triple erreur qui aura des conséquences (carte blanche)

Nicolas de Pape Senior writer au Journal du médecin

Pour Nicolas de Pape, journaliste au Journal du Médecin, la récente nomination d’Hadja Lahbib comme ministre des Affaires étrangères est une triple erreur: pour les relations entre la Belgique et l’Ukraine, pour le MR et pour le pays.

Depuis deux semaines, la nomination d’Hadja Lahbib fait couler beaucoup d’encre. La presse flamande tire à boulet rouge sur cette nomination. La presse francophone est plus mesurée que la presse internationale, mais jusqu’à quand ? En effet, il difficile de faire plus mauvais casting.

En pleine guerre en Europe, la ministre des Affaires étrangères voit son voyage prévu en Ukraine compromis jusqu’à nouvel ordre, alors que c’est la principale zone de conflit actuelle. On nomme en plus une débutante, tant au niveau politique que diplomatique, alors que l’Europe et l’Asie sont en pleine zone de turbulence.  

Cette nomination est une grave erreur pour trois raisons.  

Un parcours problématique

Tout d’abord évidemment le parcours de la ministre. Quelle mouche a donc piqué le MR pour nommer une journaliste de la RTBF qui parle de la Crimée comme faisant partie de la Russie ? Qui au MR a fait un relevé de son parcours sans même comprendre le risque de cette nomination ? Elle part en Crimée en 2021 et, à son retour, la RTBF ne diffuse rien à la suite du voyage, car selon la RTBF : « le projet ne correspondait pas à nos critères déontologiques et éditoriaux. » Des candidats à la présidentielle en France se sont faits totalement démonétiser pour leurs déclarations passées sur la Russie.

C’est exactement la même chose pour la nouvelle ministre : sept jours à peine après sa nomination, elle est totalement affaiblie et certains, dont d’anciens ministres des Affaires étrangères, sont très inquiets des conséquences de sa nomination.  La ministre déclare même que si elle avait su il y a un an qu’elle serait ministre, elle aurait peut-être agi différemment. Cela montre bien l’attitude problématique et la faiblesse de ses convictions en fonction du poste qu’elle occupe. 

Une erreur sur la forme

Sa nomination est aussi une erreur sur la forme. Cela brouille totalement le message que le MR veut faire passer à ses électeurs. Georges-Louis Bouchez disait vouloir être fier d’être libéral et changer un peu un paysage politique très à gauche. Il a gagné les élections internes grâce à cela et grâce au soutien de la famille Michel.

Résultat ? Il nomme, au poste le plus important qu’il a eu à désigner, une personne plutôt marquée à gauche. En effet, Madame Lahbib a été marraine de Solidaris et a été choisie par les autorités bruxelloises comme chargée de missions dans le cadre de Bruxelles capitale européenne de la culture 2030. Autorités bruxelloises peu libérales, puisque le MR y est dans l’opposition depuis 20 ans. On se demandera d’ailleurs comment les rôles de journaliste à la RTBF et de chargée de missions pour des organes publics sont compatibles au niveau de l’indépendance.

Malgré son parcours sans le moindre marqueur libéral, c’est elle que le MR choisit. Cela n’a strictement aucune cohérence et cela pose problème dans un monde politique déjà fragilisé où la cohérence et l’authenticité devraient être des qualités recherchées.

Enfin, cette nomination démotive les troupes en interne, militants ou élus qui se donnent corps et âmes pendant des années pour tenter de faire avancer les valeurs libérales. Le président du parti semble totalement les ignorer, car Madame Lahbib était son « seul et unique choix ». Une décision dès lors peu empathique pour les personnes compétentes en interne, issues de la diversité ou non et qui voient une personne qui n’a jamais mouillé le maillot arriver aux plus hautes fonctions. 

A force de n’écouter personne, de croire que la particratie lui donne tous les pouvoirs, Monsieur Bouchez sort fortement affaibli de cette séquence et a perdu du crédit à l’intérieur même de son parti

A force de n’écouter personne, de croire que la particratie lui donne tous les pouvoirs, Monsieur Bouchez sort fortement affaibli de cette séquence et a perdu du crédit à l’intérieur même de son parti.  Stratégiquement, le MR devait aussi mettre une Bruxelloise visible face à des ténors socialistes comme Lalieux, Close, Vervoort, Laaouej. Le MR bruxellois est le seul qui a gagné des points dans les derniers sondages. Comment dès lors ne pas faire monter Alexia Bertrand qui est sa cheffe de file en reconnaissance du travail fourni et vu son parcours taillé pour le poste ? Avec son choix, Georges-Louis Bouchez risque à la fois une crise interne et un incident diplomatique majeur. Fallait-il vraiment mettre une novice pour ne faire d’ombre ni à Sophie Wilmes et ni au clan Michel avec tous les risques que cela comporte ?

Une erreur pour le pays

Enfin cette nomination est une erreur pour le pays. Le poste de ministre des Affaires étrangères est un poste qui doit rassembler, plus que tout autre, les différentes sensibilités du pays. Il a toujours été de tradition d’y nommer un grand format aguerri à la politique et aux négociations. La Flandre comprend très mal cette nomination d’une personne à la fois débutante et maîtrisant mal le néerlandais. Georges-Louis Bouchez disait être attaché à l’unité du pays… Il l’a plutôt encore divisé davantage avec une nomination que les observateurs flamands critiquent sévèrement.  Il le paiera cash en 2024 et affaiblit en même temps ses partenaires néerlandophones membres de la Vivaldi, déjà à la traîne dans les sondages.

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