Carte blanche

L’inquiétant « bashing » envers les réfugiés ukrainiens (carte blanche)

Si l’accueil des réfugiés ukrainiens a, dans un premier temps, suscité une vague de solidarité, celle-ci serait vite retombée, selon Sophie De Vos, la bourgmestre d’Auderghem (Défi). Qui constate un « Ukrainian bashing ». Et s’en inquiète.

Cinq mois. Un peu plus de cinq mois que Vladimir Poutine a annoncé une « opération militaire spéciale » en Ukraine. Une guerre qui devait être éclair. Une formalité de plus, après l’annexion de la Crimée en 2014. Une « réparation historique » pour le Président de la fédération de Russie, lancée l’année du centenaire de la naissance de l’URSS, dont Poutine n’a jamais digéré la dislocation.

Un élan de solidarité internationale inégalé a accompagné cette agression territoriale d’une autre époque aux portes de l’Europe. L’Union européenne a enclenché un dispositif jamais utilisé auparavant. Les Ukrainiens ont bénéficié – et bénéficient encore- de la directive 2001/55/CE qui permet l’octroi d’une protection temporaire, leur procurant accès à l’aide sociale, aux soins de santé, au marché de l’emploi… comme tout résident de chaque pays européen. Situation qui n’a pas tardé à instaurer un malaise bien compréhensible par rapport aux populations autochtones dans la souffrance ou à d’autres, hors UE, fuyant elles aussi bombes ou misère.

Les Ukrainiens sont arrivés en masse dans nos pays. Traumatisés, déracinés, hébétés. Ils ont été accueillis de façon inconditionnelle et à bras ouverts dans un premier temps. Et puis le cadeau empoisonné de Poutine a commencé à faire son œuvre. Un certain « Ukrainian bashing » a percolé dans les médias, relayant à qui voulait l’entendre les expériences négatives vécues dans certains foyers, diminuant la motivation des familles volontaires pour héberger qui n’avaient pas encore été mises en contact avec leurs invités. Alors que nous avions besoin des bénévoles pour assurer l’accueil impromptu de tant de réfugiés !

Bien sûr que tout n’a pas été simple. Bien entendu que des familles submergées par l’émotion se sont lancées sans préparation dans l’aventure, parfois compliquée, de l’hébergement. Mais qui aurait vécu sereinement de devoir quitter, du jour au lendemain, une vie heureuse, un mari, des fils, un emploi, un pays frappé par les bombes ?

Bien sûr que tout n’a pas été simple. Bien entendu que des familles submergées par l’émotion se sont lancées sans préparation dans l’aventure, parfois compliquée, de l’hébergement. Mais qui aurait vécu sereinement de devoir quitter, du jour au lendemain, une vie heureuse, un mari, des fils, un emploi, un pays frappé par les bombes ? Les états, les collectivités locales se sont mobilisés. En Belgique ce sont les régions et surtout les communes qui ont assumé, assuré et qui assurent encore (le fédéral ne se disant pas compétent au-delà des premiers jours précédant l’inscription initiale). Et, dans la foulée, les associations et les citoyens bénévoles, dont les efforts ne seront jamais assez reconnus. Ils ont,  à leur façon, résisté à Poutine et mis tout en œuvre pour sauvegarder les valeurs qui sont les nôtres en Europe, les valeurs de démocratie et de défense des droits de l’homme.

Voilà ce qu’il eut fallu relayer pendant ces 5 mois, plutôt que les attitudes incomprises de certains ukrainiens, perçus comme trop « exigeants » ou trop renfermés sur eux-mêmes. Donner l’envie de résister plutôt que de se détourner.

Le Donbass est en feu. L’hiver sera interminable et risque d’être fatal  pour les populations restées là-bas. Plus que jamais il faut faire front, il faut faire face, et accepter d’en passer par des efforts individuels pour la sauvegarde du bien commun.

Plus que jamais il faut défendre notre modèle de société face aux montées des extrémismes. Car même s’il est imparfait, même s’il prête à critiques, il est encore ce que l’on a inventé de mieux pour permettre l’épanouissement individuel et collectif des citoyens qui y vivent. N’en déplaise à Vladimir, qui table justement sur l’essoufflement de la solidarité occidentale malmenée désormais aussi à coups de pénuries et d’inflation galopante.

Sophie De Vos, bourgmestre d’Auderghem (Défi)

Le titre est de la rédaction. Titre original: « Tenir. Ensemble »

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