Alexia Bertrand

Le mouvement woke: « Une attaque contre l’universalisme »

Alexia Bertrand Secrétaire d’Etat au Budget et à la Protection des consommateurs (Open Vld)

Le mouvement woke nous demande d’être « réveillés » face à toutes les formes d’injustice dans notre société mais il se base sur une approche cloisonnée, estime Alexia Bertrand. Or la solution ne consiste pas à promouvoir une ou plusieurs cases, ce que semblent pourtant faire Bart De Wever et Georges-Louis Bouchez.

Selon Bart De Wever, « le poisson pourrit par la tête ». La semaine dernière, il sortait son dernier pamphlet. Non pas sur la pêche en Mer du Nord, mais sur le mouvement « woke ». Georges-Louis Bouchez avait déclaré un peu plus tôt dans le Nieuwsblad : « Ce qui m’a le plus agacé, c’est le mouvement woke qui a commencé à s’opposer à tous les hommes blancs ». Les deux reprochent au mouvement woke de vouloir attaquer tout ce qui est masculin dans le monde. Mais ne se rangent-ils pas eux-mêmes dans des cases, alors que c’est précisément ce qu’ils critiquent? C’est peut-être ce qui vit sur Twitter. Mais le monde dans lequel je vis, les gens que je croise dans la rue, ne sont pas aussi binaires. Je ne souscris pas à cette mentalité de cloisonnement. Je suis Alexia Bertrand, un mille-feuille d’identités. Libérale et solidaire, bruxelloise née en Flandre, animée par l’esprit d’entreprise et obsédée par le climat, issue de l’enseignement catholique et progressiste sur les questions éthiques.

Le mouvement woke, éveil face à l’injustice

Le mouvement woke nous demande d’être « réveillés » face à toutes les formes d’injustice dans notre société. Éveillés et militants pour réparer ces injustices. Nous parlons ici de l’impact du colonialisme, des questions de genre et de sexualité, de la lutte contre les comportements paternalistes, de la rectification des injustices historiques et politiques, etc. Le terme « woke » est né dans les années 60 comme un terme militant dans le mouvement afro-américain. À l’époque, être « woke » signifiait être conscient socialement et racialement. Aujourd’hui, on est « woke » si on sait ce que signifient les termes « metro », « cis » et « pan ». Si on s’excuse auprès d’un groupe de population qui a subi une injustice.

« Le mouvement woke est une attaque contre l’universalisme »

C’est là que se situe le danger selon moi. La pensée woke se base sur une approche cloisonnée. Or la solution ne consiste pas à promouvoir une ou plusieurs cases, ce que semblent pourtant faire ces deux hommes politiques. Le mouvement woke n’est pas une attaque contre l’homme blanc, quinquagénaire, privilégié. Non, le mouvement woke est une attaque contre l’universalisme, celui que moi-même et tous les libéraux défendons. Nous ne vaincrons pas les excès de la pensée woke, tels que la « cancel culture », en promouvant la nationalité flamande. Nous ne parviendrons pas à éliminer la pensée cloisonnée en créant davantage de cases et de distinctions. Chaque individu est composé de diverses couches, de diverses identités, de besoins et souhaits variés. Ceux-ci peuvent même entrer en conflit au sein d’un même individu. C’est bien pour cela qu’on doit défendre des valeurs et des droits universels. Pour protéger l’individu dans son intégralité plutôt que dans ses identités prises séparément.

Le mouvement woke n’est pas une attaque contre l’homme blanc, quinquagénaire, privilégié. Non, le mouvement woke est une attaque contre l’universalisme, celui que moi-même et tous les libéraux défendons.

Les dangers du mouvement woke

Le mouvement woke ne devrait pas être un problème si nous maintenons son objectif initial, à savoir dénoncer l’injustice sociale telle que le racisme, la discrimination et l’abus de pouvoir. Ces injustices sociales doivent être combattues avec fermeté. Sans pour autant mettre tout le monde dans des cases ou imposer un rôle de victime. La rabbin parisienne Delphine Horvilleur met en garde contre la compétition victimaire ambiante. Une course à « qui est le plus victime ». Elle pointe les dangers de l’obsession identitaire (partielle) : « Il faut se méfier de ce communautarisme qui nous enferme. Il tend parfois à nous suggérer que seules les femmes comprennent les femmes, que seuls les Juifs comprennent les Juifs, que seuls les gays comprennent les gays. Cette idée crée une forme d’empathie exclusive pour son groupe ou une forme de narcissisme identitaire. »

L’universalisme et l’empathie envers ceux qui sont différents de nous sont pour moi la base du libéralisme. Je veux donc encourager chacun à être unique grâce à une combinaison unique d’identités. Ce qui permet de reconnaitre chacun dans sa singularité sans avoir besoin de créer des cases auxquelles seraient attachées des droits différents qui finiront par s’entrechoquer. Je veux me battre pour l’égalité des chances pour tous, quelles que soient les combinaisons d’identités.

« Je pense que le féminisme n’est pas un combat des femmes« 

En cette journée des droits des femmes, c’est encore plus vrai. Tout comme Delphine Horvilleur, je pense que le féminisme n’est pas un combat des femmes, de même que l’antisémitisme n’est pas un combat des Juifs. Et on peut le décliner pour toutes les formes de discriminations. Il est fondamental de pouvoir réhabiliter une capacité empathique qui dépasse nos affiliations et nos entités personnelles. Notre genre, notre origine, notre apparence, etc., ne sont pas une raison de distinction. Chacun d’entre nous rencontre des défis au cours de sa vie. Nous avons le devoir comme société de nous assurer que ces défis ne soient pas un obstacle à l’égalité des chances. Chaque individu a des droits universels, dont celui de ne pas être réduit à une identité unique, à une case. Le libéralisme est la pensée par excellence qui défend cette ouverture à des identités diverses et multiples.

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