Exemple à suivre

Depuis quinze ans, des étudiants de l’ULB donnent des cours de rattrapage à des élèves en difficulté. Un tutorat primé à l’Unesco

Le tuteur, il est juste un peu plus âgé que nous : il comprend vite nos problèmes, il va pas se foutre de nous si on pose des questions idiotes.  » Nasr-Allah (17 ans) vient de passer la matinée à étudier la matière de ses examens de passage. Il n’est pas le seul à l’athénée Bracobs-Lambert, à Anderlecht : ils sont une quinzaine à réviser, en petits groupes de 8 au maximum, sous la direction d’un étudiant de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Comme Hervé, tuteur en mathématiques, d’origine africaine :  » Je suis en 1re licence en sciences appliquées. Les adolescents ne connaissent généralement pas ce type d’études. Ils me posent beaucoup de questions sur ma scolarité.  » Motiver par l’exemple.  » Les élèves qui ne sont pas belges ont tendance à se rabaisser. Ils n’imaginent pas réussir des études supérieures. Je suis la preuve que c’est possible « , ajoute Sandrine (19 ans), congolaise, en 1re licence en philologie germanique. Complicité naturelle entre pairs, c’est une forme d’apprentissage très développée dans les pays anglo-saxons.  » Je leur dis que, moi aussi, je suis étudiante : je peux me tromper, ajoute encore Fantine, qui termine une licence en journalisme. Cela les pousse à chercher par eux-mêmes, à ne pas compter sur le prof qui va donner la réponse…  » Un conseil, une explication  » passent mieux  » quand on a le sentiment d’être dans la même galère.

Cette année, 140 étudiants de l’ULB ont donné cours à 1 200 élèves en difficulté dans 20 établissements bruxellois. Ahmed Medhoune, l’initiateur du tutorat lancé voici quinze ans, recevra, le 10 septembre prochain, à Genève, au nom de tous les siens, la médaille Jan Amos Comenius (un précurseur de la pédagogie moderne), décernée conjointement par l’Unesco et le Bureau international de l’éducation.  » C’est la première fois que la Belgique reçoit ce prix, souligne Medhoune. Huit élèves sur dix, qui assistent au moins à 80 % de nos cours d’été, augmentent de plus de 20 % leurs cotes. Mais nous proposons, en outre, des tutorats pendant l’année, à raison de deux heures par semaine, toujours sur une base volontaire.  »

Cet accompagnement intervient en fin de secondaire, à partir de la 3e ou de la 4e.  » A un moment où les écoles ne sont plus subsidiées pour organiser des remédiations « , précise Marie-Thérèse Wicket, préfète à l’athénée Bracobs-Lambert.

A la différence d’un répétiteur d’école de devoirs, le tuteur officie au sein même des athénées, en collaboration étroite avec les professeurs, afin de dissiper leur crainte d’être concurrencés, voire disqualifiés, sur leur propre terrain.

La reconnaissance de l’Unesco convaincra-t-elle les pouvoirs publics de dégager les moyens nécessaires à l’extension du tutorat aux villes wallonnes ?  » Anvers est également intéressée, vu son contexte politique particulier « , ajoute Medhoune. Quant à Hervé, sa plus belle récompense (outre la rémunération de 10 euros par heure de cours), il l’a déjà reçue, le jour où il a revu certains de  » ses  » anciens élèves sur les bancs de l’université.

Dorothée Klein

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