Yael Naïm, telle quelle

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après le triomphe de New Soul, la jeune Israélienne revient avec She Was a Boy. Un second album qui affirme une personnalité plus complexe que ne veulent bien le laisser penser ses chansons aériennes.

Parfois cela vaut le coup d’être soi. En 2007, Yael Naïm sortait un premier album éponyme, presque sur la pointe des pieds. Il se vendra à quelque 800 000 exemplaires, porté notamment par un single généreusement lumineux, New Soul. Greffé sur publicité pour la marque d’ordinateur à pomme, le morceau dépassera le cap des 2 millions de disques écoulés. Clairement, la jeune Israélienne (1978) exilée à Paris n’en attendait pas tant .  » Ce disque, on l’a bricolé au départ sans argent, sans maison de disques. Il n’y avait aucun besoin de prouver quoi que ce soit, de s’exposer. Je sortais d’une première expérience un peu pénible. Je n’avais pas spécialement envie de confronter mon univers intérieur au monde extérieur, c’était trop dur.  » L’expérience en question, c’est une première aventure musicale qui a en effet laissé des traces : en 2000, Naïm se retrouve embarquée dans la comédie musicale Les Dix Commandements de Pascal Obispo et Elie Chouraqui.  » C’était sympa à vivre, mais à un moment donné je me suis retrouvée à faire ça à temps plein, et à ne plus pouvoir mettre de l’énergie à développer mon univers.  » C’est en rencontrant David Donatien que le déclic se produira, le percussionniste servant de parfait miroir aux ambitions artistiques de Naïm, plus proche de Joni Mitchell que des grands barnums musicaux pour palais des sports.

En cela, le succès de Yael Naïm est venu valider une hypothèse :  » Ce qui nous réussit, c’est de s’enfermer et faire notre truc. Après cela passe ou ça casse.  » Pour She Was a Boy, Naïm et Donatien se sont donc à nouveau isolés.

Le côté masculin

Avec l’objectif d’être au plus proche de soi, aussi bien du point de vue musical que sur un plan plus personnel d’ailleurs. Et même si cela peut parfois avoir un certain prix. Dans ses relations avec les autres notamment. Le thème de la culpabilité revient d’ailleurs régulièrement dans les textes de Naïm.  » Vous aussi, vous trouvez ? !… Disons que, dans la vie, j’essaie de voir de quoi je suis faite. Et d’assumer davantage qui je suis. Mais peut-être que je n’y arrive pas encore tout à fait, et qu’en effet je culpabilise, allez savoir « , explique-t-elle dans un sourire qui ne la lâche quasi jamais.

La pochette du nouvel album a ainsi quelque chose d’un autoportrait à la Frida Kahlo, figure féminine et artistique forte.  » J’admire ce genre de femmes, comme Nina Simone, ou Björk… Elles acceptent leur côté masculin. Elles ne se sentent pas obligées d’être toujours mignonnes ou agréables, ce que se permettent plus facilement les hommes. Je le remarque souvent dans le boulot : dès que vous êtes un peu sèche, cela ne passe pas, cela crée des embrouilles. « 

Fondamentalement, She Was a Boy ne s’éloigne pas trop de son prédécesseur : la chanson folk de Yael Naïm reste encore cet art aérien et délicat. Mais derrière le rideau pointe un univers plus complexe qu’il n’y paraît ( Man of Another Woman qui prend le point de vue, plutôt rare, de l’amante), la voix même de Naïm se permettant parfois de ne pas être que  » jolie  » ( Mystical Love).  » Il y a des choses à l’intérieur de moi qui sont en train de sortir. Mais je ne suis pas encore au bout. C’est un long processus.  » Et si le plus passionnant, chez Yael Naïm, était encore à venir ?…

Yael Naïm, She Was a Boy, Tôt ou Tard/Pias. Sortie le 15 novembre. En concert, le 17 mars, à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles.

LAURENT HOEBRECHTS

 » Et si le plus passionnant était encore à venir ? « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire