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En Belgique, la pratique du vélo tout-terrain rime souvent avec pluie, vent, froid ou boue. Masochistes, ces vététistes ? Non, simplement passionnés. Et de plus en plus nombreux. Pas moins d’un millier de randonnées ou événements VTT sont organisés chaque année

Il fait froid ce matin-là, mais le soleil brille sur Grez-Doiceau. Sur la place du petit village brabançon, les voitures affublées de porte-vélos effectuent un ballet incessant et les parkings sont littéralement pris d’assaut. Une fois garé, on détache les machines, certaines portant encore les stigmates boueux des randonnées précédentes. Les doigts tâtent les pneus, les mains saisissent les pédales pour quelques tours de roue dans le vide. Ultimes vérifications. Avec une démarche particulière dictée par les chaussures de vélo, pas vraiment prévues pour la marche, les bikers prennent ensuite la direction de la taverne du village. A l’étage, c’est un peu la bousculade pour les inscriptions. Pour 4 euros, les participants reçoivent un plan, qui reprend le parcours choisi : 11, 23, 32, voire 42 kilomètres pour les plus courageux. Inutile, cependant, de se fier à son seul sens de l’orientation : la randonnée est fléchée et la carte n’est là qu’en cas de problème de balisage.  » Ça dérange certaines personnes de voir passer des VTT devant chez elles. Elles s’amusent alors à retirer le fléchage « , déplore Laurent Saublens, organisateur de la balade et président du club des Blancs Gilets.

Pas de quoi, pourtant, entamer l’enthousiasme des vététistes. A 8 h 45, ils sont déjà 160 à s’être inscrits. Et le chiffre de 400 participants, attendus par l’organisation pour la matinée, devrait être largement dépassé. Seuls, en couple, en famille ou entre amis, les cyclistes se lancent alors sur le circuit. Une centaine de mètres plus loin, la terre remplace le macadam sous les roues des vélos. Quelque part dans les bois, les crissements des freins répondent aux cris d’enthousiasme.  » Waooouw, quel pied !  » Apparemment, il y en a qui apprécient le parcours. Sur les sentiers, les plus rapides se mêlent aux plus lents. Une cohabitation qui donne parfois lieu à des dépassements acrobatiques. Après une dizaine de kilomètres d’efforts, le ravitaillement est l’occasion de souffler un peu, d’échanger ses impressions. Et surtout de faire le plein d’énergie. Eau, boisson énergétique, gaufres, bananes, oranges s’étalent sur une longue table, à la disposition des participants.  » De bons ravitaillements comme ça nous permettent de tenir le coup « , confie Berthe, la quarantaine, une mordue qui roule chaque week-end.  » On ne vise pas la performance, mais c’est vrai que le VTT est un sport difficile.  » Ce qui expliquerait le nombre peu élevé de femmes présentes ?  » Peut-être. Mais on en voit quand même de plus en plus sur les randos. Ça fait plaisir !  » Ensuite, c’est reparti, avec pour certains encore plus de 30 kilomètres à parcourir. Ceux qui ont opté pour les plus longues distances auront heureusement droit à un second ravitaillement. Et à l’arrivée, ils pourront, comme les autres, prendre une douche dans les infrastructures du club de football voisin.

Si les adultes sont chouchoutés, les enfants le sont également, avec un circuit prévu spécialement pour eux. Ce sport remporte en effet un succès grandissant chez les plus jeunes. Et à les voir là, trépignant d’impatience, Axel, Samuel et Sébastien, respectivement 6, 11 et 14 ans, ont visiblement hâte d’en découdre.  » Nous, ce qu’on aime, c’est les descentes ! « , clament-ils. Les trois frères, équipés comme des pros, n’ont rien à envier aux grands : maillot, cuissard, casque, gants, chaussures,  » sac à d’eau « , avec un petit tuyau par-dessus l’épaule pour s’hydrater. La panoplie au grand complet.  » Il faut bien tout ça, ils font de la compétition « , précise Nancy, la maman, qui supervise les opérations. Mais le plus important, c’est bien évidemment le vélo. Les deux aînés chevauchent d’ailleurs des machines qui valent près de 1 500 euros chacun. Un montant impressionnant, qui est pourtant loin de constituer un record. Les passionnés û fortunés de préférence û se livrent en fait à une véritable course à l’armement. Le prix d’un VTT peut atteindre 7 000 euros. Et l’on trouve par exemple des pédales à près de 500 euros la paire…

Exagéré ? Sans doute. Mais le vélo tout-terrain est un sport de haute technologie. Et si l’invention de la bicyclette traditionnelle remonte au xixe siècle, le VTT, qui a, lui, un peu plus de 25 ans, est encore en pleine évolution. De plus, contrairement au vélo de ville ou de course, l’engin tout-terrain û comme le pilote d’ailleurs û est soumis à très rude épreuve. D’où l’importance de la solidité, mais aussi du confort. Le marché du VTT étant important û en Belgique, le tout-terrain représente plus de la moitié des 400 000 vélos vendus chaque année û les fabricants n’hésitent pas à dépenser des millions d’euros en recherche et développement, pour améliorer le fonctionnement, la solidité et la légèreté des vélos et de ses composants. Les matériaux les plus variés sont utilisés, allant de l’acier au titane, en passant par l’aluminium, le carbone ou encore le magnésium. De nouvelles technologies font régulièrement leur apparition. Les freins à disques tendent ainsi à se généraliser, les suspensions se font intelligentes, s’adaptant pour certaines au profil du terrain, et le tubeless û une technologie de roue sans chambre à air issue de l’automobile et de la moto û est apparu, il y a peu, dans le monde du vélo tout-terrain.

Mais d’un extrême à l’autre, il n’y a qu’un tour de roue. Dans les grandes surfaces, on trouve de tels vélos à des prix dérisoires. Pour moins de 100 euros, est-il possible d’acquérir un produit répondant aux critères de sécurité ? Ces VTT bon marché disposent certes de certificats de qualité, mais les marchands spécialisés sont régulièrement sollicités par des acheteurs, confrontés à de nombreux problèmes.  » Ces vélos font du bruit de partout. Souvent, les pièces sont montées à l’envers. Et il n’est pas rare que le cadre se casse en deux !, confie une vendeuse de cycles. Mais bon, ces vélos, c’est le prix de deux roues. Il n’y a pas de miracle…  »  » Ces VTT ne sont évidemment pas destinés aux professionnels, se défend de son côté Geneviève Bruynseels, porte-parole de Carrefour Belgique. Et le consommateur choisit un vélo en fonction de l’usage qu’il en fera, et du budget dont il dispose.  »

Et pourtant, bien loin de ces considérations matérielles, lorsqu’on demande au vététiste ce qui lui plaît dans ce sport, une réponse revient le plus souvent : le rapport tout particulier qu’il entretient avec la nature.  » C’est vraiment le plus important. Le VTT, ça permet de découvrir une région, les petits chemins « , confirme Robin, la trentaine, qui a quitté la France il y a peu, et qui roule en Belgique pour la première fois.  » Et puis, surtout, on passe par des endroits qu’on ne pourrait pas voir en voiture « , ajoute une autre. Et c’est vrai que, pour affronter des parcours très accidentés, et parcourir de tout petits sentiers û des  » singletracks  » comme on dit dans le jargon û ,seule la marche serait plus efficace.

Tout serait-il donc rose dans le petit monde du VTT ? Pas tout à fait. En 1996, un décret déposé par le ministre wallon Guy Lutgen provoquait un mini-séisme. Le texte, modifiant le Code forestier de 1854, interdisait alors, dans les bois et forêts, la circulation des 4×4 et des motos sur les chemins larges. Les cyclistes et cavaliers se voyant quant à eux privés de sentiers. La mobilisation des principaux concernés, importante à l’époque, n’y changera rien. Mais voilà que l’on parle à nouveau de limiter un peu plus encore l’accès aux chemins. Le gouvernement wallon a en effet adopté, début mars, une modification du Code, proposée par l’actuel ministre de l’agriculture, José Happart (PS), et qui devrait être votée au Parlement avant la fin de la législature. Afin de préserver l’espace forestier, la circulation ne serait plus autorisée que sur les chemins et sentiers balisés. Ce qui, en clair, reviendrait à interdire l’accès à plus de 80 % des voies actuellement utilisées. Une situation inimaginable pour les vététistes. Et un paradoxe dans un pays comme la Belgique, véritable terre de VTT, qui organisera pour la treizième fois cette année, en mai, une manche de la Coupe du monde de cross-country, à Houffalize. Mais qui, surtout, compte dans ses rangs Filip Meirhaeghe, champion du monde en titre et vice-champion olympique de la discipline.

Christophe Bortels

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