VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU D’HÉMOGLOBINE ?

Luc Delfosse
Luc Delfosse Auteur, journaliste

La petite merveille gisait indolemment dans la resserre ruinée. Une lumière rasante la frappait et lui sauva en somme la vie. Qui donc avait eu l’idée de poser là cette bouteille à col gracieux et quand avait eu lieu son naufrage ? A jauger l’épaisseur de la poussière qui l’emmaillotait, son aventure avait dû se terminer le jour de l’ordination du cardinal Van Roey. Divine surprise ! sous la gangue, l’étiquette était absolument intacte. Je lus au grand jour : Sirop d’Hémoglobine Deschiens. Le flacon, numéroté comme un cru prestigieux, affichait une notice à s’en décoller la rétine : Réparateur des Globules du sang, contre l’Anémie, la Chlorose, la Neurasthénie, les Maladies de poitrine, le Surmenage, l’Affaiblissement général. Les majuscules ajoutant sans doute à la Puissance de Feu du sirop du sieur Edmond Deschiens dont l’ambroisie ravalait la Jouvence de l’abbé Souris au statut de pisse d’âne.

Depuis hier, le balthazar – vide, hélas… – trône sur la table et il me vient comme des pulsions de renaissance. Et si je lançais une opération de crowdfunding ? L’appel de fonds serait précédé par un sondage bidonné (pardon pour cette tautologie) auprès des ménagères et une vague d’alertes ( » selon une étude américaine « …) à la recrudescence de l’Anémie, de la Neurasthénie etc… sur les réseaux sociaux. Alors, je redonnerais en quelque sorte vie à la sève Deschiens. J’en ferais boire quelques flacons à mes vieux amis que le printemps tout de boue a liquéfié. Mais d’abord, j’en ferais porter un plein camion au  » 16 « . Car il me semble que son hôte faiblit et se ronge lentement mais sûrement.

Oh ! Michel junior fait encore illusion. Mais sous ses mâles discours, on sent bien que le coeur n’y est plus tout à fait. Dame ! tout n’est que bruit et fureur. Les tunnels et les routes sont bouffés aux mites, le rail rouille ou tue, les caisses sont vides, le Mal frappe aveuglément, la soldatesque ronchonne, les gros culs barrent les routes, les matons cavalent, les monuments laissent passer l’eau, la tarte au riz et la concertation sociale sont mises à l’index, les centrales nucléaires ahanent, le Nord gronde sur son tas d’or et le Sud risque, paraît-il, de finir comme un eunuque en disgrâce. Le Premier a beau s’époumoner, montrer l’horizon bleu des Vosges, brandir son tax-shift et des statistiques d’emploi gaies comme un pinson en rut, rien n’y fait. Alors, à la nuit tombée, on imagine le fils de Louis marmonnant des obsécrations, allumant quelques bougies sous l’icône de saint Wilmots et de ses onze disciples. Mais allez savoir avec ces apôtres gâtés et boudeurs…

Bref, le sirop Deschiens, voilà l’antidote ! Fougueux comme un cheval andalou, on verrait le Premier ré-envisager, à terme, de faire mordre la poussière électorale à Di Rupo (le pauvre président à vie est obligé de faire le travail tout seul…) et retrouver cette persévérance qui faisait l’admiration de son papa. Prenez sa dernière chimère : instaurer des référendums  » sur les grandes questions de société « . A peine avait-il lancé sa magistrale suggestion que Michel laissait tomber au prétexte que quelques quinteux du bulbe, pourtant admirateurs du système helvète, l’envoyaient aux pelotes. Mais hardi, Charles ! Sus ! Organisez-nous ces votations et que ça saute ! Et si vous me permettez une suggestion, commencez donc par le commencement : oui ou non voulons-nous encore vivre ensemble dans ce royaume ? Car enfin, autant tout recommencer sur des bases saines. Refondez avant de passer aux détails. Croyez-moi : la chose emmerderait jusqu’à la garde ce partenaire qui adule l’autodétermination des peuples mais entend dicter la manière et l’agenda pour ce qui concerne le sien. Vite, Charles, une goulée de sirop car, de provocations en dérives infâmes, ce bataillon de sapeurs exauce la vieille prédiction de son chef qui règne depuis Anvers :  » Ce pays se diluera lentement sans que personne s’en rende compte.  » Merci qui ? Merci Deschiens !

Luc Delfosse

On imagine le fils de Louis allumant quelques bougies sous l’icône de saint Wilmots et de ses onze disciples

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