Victime de sa position stratégique

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

La ville mosane a payé son tribut à la Seconde Guerre mondiale et à l’occupant allemand. Si la proximité de terres agricoles a permis un ravitaillement presque régulier, la présence de forts militaires et de gares de formation l’a désignée comme cible prioritaire.

En ce temps-là, Namur n’était pas encore la capitale régionale qu’elle allait devenir. Tout au plus, la cité mosane, entité bourgeoise et petite- bourgeoise dominée traditionnellement par la famille chrétienne, s’élevait comme un calme et modeste chef-lieu (32 000 habitants) provincial. Pour autant, la ville constituait également une position stratégique de haute importance, sur le plan militaire. Installés depuis le XIXe siècle, les forts de type Brialmont avaient offert une belle résistance durant le premier conflit mondial et, à l’approche de la seconde secousse du genre, pas moins de sept de ces forts se montraient opérationnels.

Ville de garnison (les casernes y sont abondantes), Namur est dirigée en 1940 par le catholique Louis Huart.  » Mais Namur compte quelques autres fortes personnalités non catholiques comme François Bovesse (libéral de gauche, ancien ministre et promoteur des Fêtes de Wallonie), qui est alors gouverneur de la province. Comme l’essentiel des villes francophones, Namur s’attend au pire à l’approche de la drôle de guerre. Et le pire se présente le 10 mai, avec le début de l’invasion allemande. A ce moment, les forts de la ville marchent à plein et sont défendus par le 7e corps d’armée du général Deffontaine. Dès le 12 mai, Namur est violemment bombardée par la Luftwaffe, bombardement qui causera plusieurs dizaines de morts et endommagera sérieusement le quartier des Casernes, les rues Rogier, Borgnet, des Brasseurs et l’Institut des S£urs de Notre-Dame. Ce qui déclenchera un énorme exode de la population « , relate l’historien Alain Colignon, du Ceges/Soma (Centre d’études et de documentation Guerre et sociétés contemporaine s).

Malgré cette position stratégique dans le paysage mosan, Namur n’est pas directement touchée par l’avancée des blindés teutons. Lesquels percent, au sud, du côté d’Yvoir, Dinant et Sedan, et au nord, dans la région de Wavre et de Gembloux. Le 15 mai, néanmoins, le 7e corps d’armée se résout à la retraite, craignant l’encerclement. En fin d’après-midi, les blindés allemands entrent dans la ville. Sans grande effusion de violence, heureusement : le bourgmestre Huart reste en place et, avec l’essentiel de son équipe, il traversera la guerre à la tête de la cité. Comme (presque) partout ailleurs en Belgique, c’est la politique de l’accommodation et du moindre mal qui se profilera dès l’arrivée de l’occupant.

Attentats et représailles

Si Louis Huart est resté au poste, le gouverneur Bovesse, de son côté, s’est retiré dans le sud de la France…  » Ayant quitté la province, il sera sanctionné par le collège des secrétaires généraux, la haute administration donc. Il devra céder sa place, dans un premier temps, au technocrate Georges Devos qui, à son tour, sera remplacé en 1942 par un tenant de l’Ordre nouveau, rejeton d’une famille illustre, Emmanuel de Croÿ. Lequel restera gouverneur jusqu’à la fin de l’Occu-pation. Le rexisme dispose de sérieuses radicelles à Namur : les sections locales sont fortes de quelque 400 membres. Cela dit, les chefs rexistes sont divisés et le mouvement manque de personnalités fortes. Quand ils débarquent, les Allemands installent une kommandantur dans le Palais provincial, et la Sipo-SD, qui ne se montrera pas très active durant les deux premières années, prend ses quartiers rue de Stassart « , poursuit Alain Colignon.

La Résistance, quant à elle, ne se structurera réellement qu’à partir de 1942. Conservatrice et traditionaliste dans l’âme, Namur donnera évidemment davantage naissance à une Résistance de  » droite  » ou du  » centre « , en devenant un fief de l’Armée secrète, de l’Armée de la Libération et, dans une moindre mesure, du Front de l’indépendance.

Dès 1943, les attentats vont commencer à s’intensifier contre les envahisseurs, et le 30 janvier 1944, le chef rexiste namurois Edgard Gignot est assassiné par la Résistance. Et qui dit assassinat de rexiste dit représailles… Celles-ci seront marquantes puisque l’ancien gouverneur François Bovesse, revenu en terre namuroise, sera abattu le 1er février de cette même année 1944, provoquant un vif émoi dans la population locale : ses funérailles attireront pas moins de 15 000 sympathisants, au mépris de la chape de plomb imposée par l’Ordre nouveau.

Accommodation, accommodation…

Si la guerre s’était faite relativement discrète à Namur (la proximité des terres agricoles avait permis un ravitaillement correct et un marché noir actif), elle revient durement à la tâche avec les bombardements… alliés : comme dans d’autres villes belges, l’automne 1943 et le printemps 1944 seront marqués par la préparation meurtrière du débarquement de Normandie.  » Les gares de formation, particulièrement celle de Ronet, sont visées, ainsi que les ponts de la Meuse. Le sommet des bombardements sera atteint le 18 août 1944 lorsque, voulant atteindre le pont du Luxembourg (qui restera intact), les avions alliés vont frapper massivement certains quartiers de la ville. Le bilan est lourd, puisque 300 personnes environ y perdront la vie, sans compter les centaines de blessés graves et les dégâts matériels considérables. L’émotion sera vive, mais les joies de la Libération effaceront bien vite les larmes de la bavure… « , lance encore, plein de lyrisme, Alain Colignon. De fait, le 4 septembre 1944, les Américains entrent à Namur, soulagée d’être débarrassée de ses occupants, malgré les meurtrissures causées précédemment par les Alliés.

Au final, la population a dû se résoudre, comme partout, à accepter la situation. Et comme partout, certains industriels, notamment dans l’agroalimentaire, ont fait de la politique du moindre mal une politique d’accommodation bien profitable…

Malgré toutes les démarches entreprises, l’auteur n’a pas pu retrouver l’origine de certaines photographies. S’ils se reconnaissent, les ayants droit de ces photos peuvent prendre contact avec la rédaction.

GUY VERSTRAETEN

 » Les joies de la Libération effaceront bien vite les larmes de la bavure… « 

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