Vertiges de l’indicible

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Prix du jury au Festival de Cannes, l’angois-sant et sulfureux Red Road révèle une ci-néaste (Andrea Arnold) et une actrice (Kate Dickie) de grand talent

Elle pensait ne jamais le revoir. Elle voulait ne jamais le revoir. Mais il est là, sur l’écran de contrôle que scrute Jackie. Opératrice pour une société de vidéosurveillance, cette femme se retrouve confrontée au souvenir cruel des violences que l’homme qu’elle observe lui a un jour infligées. Désormais, elle sait que, d’une manière ou d’une autre, elle devra lui faire face…

Premier long-métrage d’une réalisatrice dont les courts sujets avaient déjà révélé le talent tranchant, Red Road trace un mémorable portrait féminin. Il nous emmène aussi dans une plongée captivante vers les abîmes d’un réel rattrapé par le fantasme, et où rien n’est simple, tant l’humain est complexe. Le jury du dernier Festival de Cannes a vu juste en attribuant son prix à cette £uvre sulfureuse, à la construction certes un peu trop artificielle, mais à l’atmosphère prenante et aux passionnantes rugosités.

Derrière le film d’Andrea Arnold, on retrouve cette vieille connaissance de Lars von Trier, sa société de production Zentropa et son idéologie du  » Dogme  » imposant des règles et limitations aux réalisateurs souhaitant porter ce label. Red Road s’inscrit dans le cadre d’un nouveau projet baptisé  » Advance Party  » et appelé à compter trois films, tous tournés à Glasgow, en Ecosse, et dont tous les personnages (joués par les mêmes interprètes) doivent apparaître dans chacune des £uvres de la trilogie. On y retrouvera donc avec plaisir Kate Dickie, la formidable interprète de Jackie. Cette comédienne cantonnée jusqu’ici à la télévision signe une performance de choix, pour un premier rôle de cinéma qui en appelle bien d’autres.

Andrea Arnold voulait une actrice dans laquelle elle pourrait se reconnaître, dans un film qui devait aussi lui ressembler. La réalisatrice a travaillé de manière très intuitive au départ, pour ensuite développer une structure dramatique apte à fixer les éléments intimes, très personnels parfois, qui composent la texture de Red Road. Le résultat offre une expérience fascinante, dérangeante par endroits, de cinéma exigeant, agitant nos doutes et questionnant nos certitudes sur des sujets comme les rapports entre sexes, le crime et la vengeance, la curiosité et la peur, sans oublier, bien sûr, la vidéo- surveillance, dont les dispositifs voyeuristes sont utilement mis à contribution par un film à l’impact puissant.

**** Golden Door : l’émigration d’une famille sicilienne aux Etats-Unis inspire à Emanuele Crialese ( Respiro) un authentique chef-d’£uvre.

*** Angel : un excellent Ozon, traçant le portrait d’une jeune romancière prise entre réel et fiction.

*** Les Témoins : une évocation émouvante des premiers ravages du sida en France, par André Téchiné.

*** Day Night Day Night : Julia Loktev s’attache aux pas d’une jeune femme conditionnée à commettre un attentat-suicide. Captivant.

*** Red Road : victime d’un viol, une femme retrouve par hasard l’auteur des faits dans ce film fascinant d’Andrea Arnold.

*** Ensemble, c’est tout : Claude Berri signe une belle et touchante adaptation du roman d’Anna Gavalda.

** Si le vent soulève les sables : Marion Hänsel narre un drame familial africain dans ce film sobre et attachant.

** La Bestia nel cuore : de cruels souvenirs reviennent à une femme dans cette adaptation solide de son propre roman par Cristina Comencini.

** The Good German : le pastiche de film  » noir  » façon années 1940 réussit à Steven Soderbergh.

** U : un très joli dessin animé, par le duo Grégoire Solotareff/Serge Ellissalde.

** Par effraction : Jude Law est magnifique dans ce film plein de bonnes intentions et de vrai cinéma, signé Anthony Minghella.

** Le Dernier Roi d’Ecosse : une performance extraordinaire de Forest Whitaker, dans un film par ailleurs fort intéressant.

Louis Danvers

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