Vers une  » robolution  » ?

Alors que les robots domestiques se démocratisent, l’un des pionniers de la robotique aux Etats-Unis lance un robot industriel complet à un prix révolutionnaire. L’heure de la révolution a-t-elle sonné ?

(1) www.eu-robotics.net

Depuis leur apparition, au début des années 1960, dans le monde industriel, les robots n’ont jamais cessé de fasciner, notamment à travers des £uvres majeures du cinéma et de la littérature. Avec cette question récurrente : vont-ils un jour supplanter l’homme ? On n’en est pas encore là, et d’ailleurs les humanoïdes ou animaloïdes n’ont plus vraiment la cote parmi les chercheurs. Le fameux chien-robot Aibo de Sony, par exemple, s’est révélé un échec cuisant. L’intérêt s’est déplacé vers des robots domestiques (aspirateur, tondeuse, etc.), chirurgicaux, militaires, ou de nouveaux types de robots industriels qui interagissent avec l’homme. A en croire Rodney Brooks, l’un des papes de la robotique au célèbre Massachusetts institute of technology (MIT) de Boston, près de 8 millions de robots domestiques auraient été vendus ces dix dernières années.

Ce brillant chercheur autant que redoutable homme d’affaires était récemment l’invité d’une conférence organisée à Bruxelles par le MIT et la fédération technologique Agoria sur l’avenir de l’industrie. Désormais tête pensante de la société ReThink Robotics, Rodney Brooks y a présenté son nouveau joujou : Baxter, un robot industriel qui a, selon lui, toutes les qualités pour réaliser une percée de masse, même dans les PME :  » C’est un robot complet, avec deux bras et deux mains, qui est livré dans une boîte. Il ne nécessite ni intégration complexe ni programmation. Il suffit de lui apprendre ce qu’il doit faire. Et surtout, contrairement à la plupart des robots industriels existants, il n’est pas dangereux. Il stoppe immédiatement son mouvement s’il vous frappe la tête par inadvertance.  » Mais l’argument massue est surtout son coût : 22 000 dollars soit 17 000 euros.

 » Le Baxter n’est pas une révolution d’un point de vue technologique : tous ses composants, que ce soit la main ou la tête, ont aussi été développés en Europe. Mais avoir assemblé le tout pour un prix aussi abordable constitue bien une prouesse commerciale « , commente Hendrik Van Brussel, professeur émérite de la KUL, qui a consacré toute sa vie à la recherche sur les robots. L’université flamande travaille d’ailleurs en ce moment à la réalisation de robots à deux bras semblables au Baxter, en collaboration avec des entreprises européennes leaders dans le secteur comme l’allemande Kuka, la danoise Universal robots ou la suédoise ABB.  » Le Baxter marque certainement un pas dans la bonne direction, mais il faudra voir à quel point il répond aux trois grands défis techniques de ce type de robot : le degré de précision et de solidité des « mains », la perception fiable de l’environnement direct pour adapter son comportement en conséquence et, enfin, la simplicité de programmation. Celle-ci n’est pas un problème pour des tâches simples mais bien pour des travaux un peu plus complexes « , observe Herman Bruyninckx, directeur du département robotique à la KUL.

Les deux chercheurs sont convaincus que les robots vont se généraliser.  » Les plus belles avancées vont se produire chez les robots dits de service personnel, en particulier dans le secteur médical ou dans l’assistance aux handicapés, via des fauteuils roulants intelligents « , pense le professeur Van Brussel, à l’origine d’ailleurs d’Instrumen, une spin-off spécialisée dans les robots chirurgicaux (lire en page 50).

Troisième révolution industrielle

 » On assiste à une multiplication de robots avec lesquels on peut interagir plus facilement. On peut comparer l’évolution à celle du gros ordinateur mainframe, très coûteux et compliqué à opérer, vers le PC, démocratique et facile à utiliser, dans les années 1990 « , martèle Rodney Rooks selon qui les robots, à l’image de l’informatique, vont devenir un must économique.  » On réalise à présent les limites de la délocalisation de notre industrie vers les pays asiatiques à bas salaires, en termes de coût global, de rythme d’innovation ou de satisfaction de besoins locaux spécifiques, poursuit-il. Ma réponse est simple : utiliser des robots. « 

Fréquemment présentés comme destructeurs d’emplois, les robots seraient donc le moyen de conserver une activité industrielle digne de ce nom autant que des emplois qualifiés dans nos pays à hauts salaires. Une vision robophile partagée par l’influent entrepreneur français Bruno Bonnell, l’ex-patron d’Infogrames et Atari, dans Viva la robolution, une nouvelle étape pour l’humanité (ed. JC Lattès). A l’en croire, les robots seront, après la vapeur et l’électricité, les moteurs de la troisième révolution industrielle. Preuve supplémentaire de l’effervescence commerciale autour des robots, Bonnell a créé, au début de cette année, un fonds d’investissement doté de 60 millions d’euros (Robolution Capital) pour soutenir les start-up du secteur. Et le 17 septembre dernier, la fondation EuRobotics (1), réunissant 43 constructeurs et instituts de recherche, a vu le jour à Bruxelles, sous l’égide de la Commission européenne, qui investit chaque année 100 millions d’euros dans la recherche robotique.

OLIVIER FABES

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